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14/07/2009

SOUVENIRS DE LA GUERRE 1939-1945 (9)

SAINT LAURENT DU VAR SOUS LES BOMBES (5).jpg

Témoignage de Monsieur Marcel PEREZ

 

Marcel PEREZ, l'ancien joueur de football professionnel bien connu - il a évolué à l'Association sportive de Cannes, à l'OGC Nice et au F.C. NANCY de 1939 à 1950- est né à l'Escarène, mais n'avait que 2 ans quand ses parents s'établirent à St-Laurent-du-Var. Ils y te­naient une boulangerie-épicerie, rue Valazé, dans le Vieux- Village. Madame PEREZ, née BATTINI, est, elle, originaire de la région parisienne et laurentine depuis 1931, année où sa mère, chef -mon­teuse de films, était venue travailler aux studios de la Victorine à Nice et de Nicea-Films, avenue Léonard Arnaud, anciennement Al­lée des Studios, à St-Laurent. Elle obtenait rapidement un poste à la régie des studios. La stabilité et l'intérêt offerts par cet emploi, d'une part, le climat de la Côte d'Azur, d'autre part, décidèrent les BATTINI à s'installer définitivement à St-Laurent. En 1942, leur fille, la future Madame PEREZ, devenait institutrice, profession qu'elle exerça jus­qu'à sa retraite en 1981. C'est le 7 février 44 que le couple s'unit pour la vie ce qui, par parenthèse, lui a permis de célébrer ses noces d'or en début d'année. Madame PEREZ nous permettra également de rappeler que son ascendance insulaire lui vaut, depuis des années, d'être la secrétaire( I) de l'Association des Corses et Amis de la Corse de St-Laurent-du-Var. Pendant la guerre, son père, aujourd'hui dé­cédé, ainsi que Marcel PEREZ et son frère Louis furent impliqués, à divers titres, dans les activités du Groupe Morgan. Monsieur PE­REZ pourrait donc aborder ce sujet mais nous lui avions demandé de s'en tenir à la journée du 26 mai 44, ce qu'il a volontiers accepté. Il nous avait, en effet, été indiqué que son témoignage serait intéres­sant car, en raison de son appartenance à la défense passive, il a pris une part importante aux opérations de sauvetage et au transport des corps des victimes de ce raid meurtrier. Il raconte: "à cette époque, ma belle sœur était sur le point d'accoucher. Loulou (Louis Perez) et elle habitaient une villa du lotissement Lallé, actuelle Avenue Saint-Exupéry. Ce jour-là, mon frère et moi étions à la boulangerie où se trouvaient aussi quelques clientes. Il devait être Il heures, quand une alerte, une de plus, fut déclenchée. Les clientes partirent à la hâte; mon frère partit lui aussi, car il ne voulait pas laisser sa femme seule trop longtemps, dans son état (pour l'anecdote, Madame Louis PEREZ donna naissance à un garçon quelques jours plus tard, le 30 mai 1944).

Environ 5 ou 10 minutes plus tard, on entendit, presque coup sur coup, sonner la fin de l' alerte puis, à nouveau, l' alerte. Au même moment, ou presque, on entendit des explosions. Ca semblait venir du côté de chez mon frère. Aussitôt, j' ai pris, à vélo, la direc­tion de leur cité. Il y avait alors beaucoup moins de constructions que maintenant, mais, un peu avant d'arriver chez Loulou, un couple de personnes âgées qui habitait une villa, Monsieur et Ma­dame BOMPART, me fit signe de m'arrêter. Je compris vite pourquoi: dans le garage qui leur tenait lieu d' abri, allongé sur un lit, je vis un jeune garçon d'une douzaine d'années, Jimmy COLANGELO, dont le père, si je me rappelle bien, vivait en Amérique. Il ne bougeait pas mais était vivant et, apparemment, peu sérieusement blessé. Il avait juste un petit trou au niveau du plexus. Je dis aux BOMPART qui s'inquiétaient, que même si ça n'avait pas l'air bien grave, j'allais emmener Jimmy au dispensaire, par mesure de sécurité, le temps d'aller voir si tout allait bien chez mon frère et ma belle-sœur. Je reprends donc ma route moitié à vélo, moitié à pied, car il y avait des cratères de bombe sur le chemin et j'arrive chez Loulou et Fernande (la belle-sœur de Marcel FEREZ ). Leur maison était vide mais ils étaient à l'abri dans la cave d'un voisin. Je retourne donc immédiatement chez les BOMPART où je laisse le vélo pour pouvoir porter le petit garçon. Il ne se plaignait pas et, la tête contre mon épaule, ne semblait pas souffrir. Tout au long du trajet, je lui ai parlé pour le rassurer. Arrivés au Square BENES, la vraie fin d'alerte sonnait et les gens commen­çaient à sortir de chez eux ou des abris. J'ai continué à porter Jimmy j usqu ' au dispensaire municipal qui se trouvait en face de la pharmacie Loir etje l'ai allongé sur les indications du Docteur COSTE-SALOFF; c'était une femme. Elle s'est penchée sur la blessure, a ausculté l' enfant et m ' a fait un signe négatif de la tête. J'ai compris qu'il était perdu. On l'a transporté d'urgence à la Fontonne, en camionnette, parce qu'on n'était pas riche en ambulances, mais il est mort quelques heures plus tard. Sans doute, un petit éclat de bombe avait-il provoqué une hémorragie interne ? Marcel PEREZ, lui, repartit chercher son vélo puis il coupa au plus court, en direction de la voie ferrée, par le chemin qui est devenu l'avenue Jeanne d'Arc prolongée par l'avenue des Magnolias.

Depuis la dernière courbe du chemin, il vit un train immobilisé, juste au dessus du ponceau du Gros Chêne, qui existe toujours. Le train n' avait pas déraillé, mais les wagons étaient très endommagés. On sut, par la suite, que le convoi, venant de Cannes, s ' était arrêté au déclenchement de la première alerte puis était reparti vers la gare de St-Laurent-du- Var, mais avait été surpris par la soudaineté de la seconde alerte, presque immédiatement suivie par la chute des bombes. Plusieurs de celles-ci tombèrent loin des voies mais il semble bien que ce fut le train lui-même et non le pont du Var qui était visé. "En arrivant sur les lieux, lais­sons Monsieur PEREZ poursuivre, je descends de vélo et je vois une dame qui avait probablement réussi à sortir toute seule du train et à qui un docteur, le docteur COLPART, donnait les pre­miers soins. Presque tout de suite est arrivé un ami qui apparte­nait aussi à la défense passive. C'était un cultivateur, un costaud, qui s'appelait Lucien BRUNO. On avait déjà fait équipe ensemble. Il y avait encore très peu de monde sur place mais on s ' est dit qu'il valait mieux ne pas attendre. On a commencé par le wagon de tête, après le tender de la locomotive. Le premier blessé qu' on a trouvé, c' était un soldat allemand, seul dans un compartiment. Il avait une très vilaine blessure à lajambe. En fait, son pied était presque sectionné. Allemand ou pas, il n' était pas question de le laisser là. On a pris une portière qui avait été arrachée du wagon et on s'en est servi comme d'un brancard. C'était très lourd mais on l'a transporté jusqu' à un poste allemand situé sur la RN7, là où, aujourd'hui, il y a une marbrerie".

A ce moment de son récit, Marcel PEREZ nous rapporte un détail qui introduit la seule note un peu légère dans une journée aussi éprouvante: "Mon ami BRUNO avait toujours sur lui une petite bouteille d'eau de mélisse (d'une marque toujours bien connue), à la différence que le contenu était une eau de vie de sa production. Comme le soldat souffrait beaucoup, Lucien me demanda si je ne pensais pas qu'un petit remontant lui ferait du bien. C'était un allemand, c'est vrai, mais il était blessé et il s'agissait d'un geste humanitaire. Je ne pouvais qu' être d' accord et Lucien lui tendit la bouteille; il croyait que l'autre se contenterait d'une gorgée ou deux, mais il la vida d'un seul trait. Alors, en la récupérant Lucien me dit : "tu vois, il a aimé mon eau de mélisse". Après avoir transporté l'allemand, on est retourné au train. Il n'y avait d'ailleurs qu'une centaine de mètres à parcourir. Dans l'intervalle, d'autres sauveteurs étaient arrivés et les secours commençaient à s'organiser. Lucien et moi, on est monté dans un 2ème wagon, on s'est engagé dans le couloir et, dans le 2ème compartiment, on a vu, côté fenêtre, deux voyageurs restés assis, l'un en face de l'autre. J'ai réalisé tout de suite qu'il n'y avait plus rien à faire pour eux et ça m'a terrible­ment secoué, parce que je les connaissais bien tous les deux. L'un était un commandant qui habitait Cannes et était un fidèle supporter de l'équipe dans laquelle je jouais, l'autre était Monsieur SAUVAIGO, le père de Pierre SAUVAIGO, devenu par la suite député- Maire de Cagnes-sur-mer. Par un terrible coup du sort, Monsieur SAUVAIGO allait à Nice, on ne le sut évidemment qu'après, rendre visite à son fils qui était en prison pour faits de résistance, qualifiés d'actes de terrorisme par Vichy et les alle­mands. Lucien BRUNO et moi avons porté les deux corps d'abord sur le ballast, ensuite sur la route. Après quoi, on reprit notre triste besogne. Des victimes, il n'y en eut d'ailleurs pas que dans le train. Sur la route aussi, il y eut des personnes tuées dans les quelques voitures ou camionnettes qui s'étaient arrêtées au mo­ment du raid. Les conducteurs et les passagers, qui en avaient eu le temps, s'étaient allongés sous les véhicules mais, même là, il y eut des morts. Parmi eux, un jeune laurentin qui avait déjà été blessé quelques semaines auparavant. Il ne s'agissait pas d'une blessure banale. En effet, surpris par une attaque aérienne alors qu'il traversait le pont du Var à pied,il s'était couché à plat ventre et fut touché aux reins non par des éclats de bombe, mais par la retombée de gros galets projetés hors du lit du fleuve par la vio­lence des explosions. Ce qu'il y a de plus extraordinaire encore dans cette affaire, c'est que le jour où il est mort, donc le 26 mai 44, c'est encore aux reins qu'il fut atteint, mais il ne s'agissait plus de galets ! Parmi les autres tués, il y eut aussi un chauffeur de taxi de la gare dont la femme attendait un enfant. Il revenait de Cannes où, sur réquisition, il avait conduit des officiers allemands". Monsieur PEREZ reconnut également, parmi les victimes, un champion de boxe réputé. Ensuite, et ce fut aussi très pénible, il fallut transporter les corps au NEROLIUM, transformé en chapelle ardente. Toujours en compagnie de son ami BRUNO, il re­montait avec un charreton l' actuelle avenue du Général de Gaulle quand, à environ 400 m de la gare, ils découvrirent plusieurs corps sans vie. L'un d'eux, se rappelle-t-il avec horreur, avait été décapité et la tête fut retrouvée de l' autre côté de la chaussée. On sut, par la suite, qu' il s ' agissait d' ouvriers qui travaillaient sur la voie ferrée au moment où les bombes commencèrent à tomber et qui avaient cru trouver leur salut en s ' en éloignant. Au contraire, le chef de gare, Monsieur ROSTAGNI, qui s'était, comme à son habitude, réfugié dans un abri en béton en forme de guérite à moitié enterrée, construit sur place, pour deux personnes d' ailleurs, ne fut jamais blessé.

Le destin " comme le dit fort justement Monsieur PEREZ. L' arrivée au NEROLIUM fut très impressionnante, avec tous ces corps alignés et la terrible épreuve de leur identification par les familles ! Il y avait déjà eu des bombardements et il yen eut d'autres également très pénibles, par exemple la fois où 5 femmes furent tuées dans un abri touché de plein fouet par une bombe (le témoignage de Madame GASTAUD permet de dater du 2 août 44 ce tragique événement.) mais cette journée du 26 mai 44, plus que toute autre, restera à jamais gravée dans ma mémoire, conclut Monsieur PEREZ. Heureusement que ces temps sont révolus, du moins en France. Espérons qu'un jour il en sera de même partout ailleurs dans le Monde".

Que Dieu vous entende, Monsieur PEREZ !

 

 

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30/05/2009

SOUVENIRS DE LA GUERRE 1939-1945 (8)

SAINT LAURENT DU VAR SOUS LES BOMBES (2).jpg

TÉMOIGNAGE DE MONSIEUR ET MADAME LOUIS BRUN

L' entretien a lieu dans une villa située tout en bas de l' avenue de la Libération, face au Square BENES. Monsieur BRUN y vit de­puis 1930, date à laquelle ses parents, encore une très ancienne famille de St-Laurent-du-Var, la construisirent. Quant à Madame BRUN, elle y demeure depuis 1944, année de leur mariage. Elle était arrivée de Paris, 10 ans auparavant, avec ses parents venus s 'y établir pour reprendre, au décès de son grand père, l' exploita­tion horticole familiale, qu'il avait créée en 1905.

Monsieur et Madame BRUN sont particulièrement en mesure de répondre à nos questions du fait que le père de cette dernière n'était autre que Monsieur RAVET, Maire de St-Laurent-du-Var et patron de la résistance locale.

D'abord, quelques anecdotes concernant la période de l'occupation italienne qui ne fut en rien comparable, ils en sont également d'accord, avec ce qui allait se passer par la suite.

Le 1er dimanche qui suivit leur arrivée, deux soldats, italiens donc, entrèrent dans l'église du Vieux Village dans l'intention d'assister à la messe. S'apercevant qu'ils étaient en armes, le Père DECAROLI les apostropha en les invitant soit à laisser leur fusil à l' extérieur, soit à quitter l'église "car, leur dit-il, on n'y entre pas avec une arme" . Les deux hommes s ' éclipsèrent sans demander leur reste. Une autre fois, le jour où Monsieur RAVET fut emmené à Cagnes-sur-Mer par des italiens venus l'arrêter à son domicile, il demanda ostensiblement à sa fille (qui, encore célibataire, vivait sous le toit familial) de prévenir le Préfet qu'on venait d'arrêter le Maire de St-Laurent-du-Var puis, calmement, il suivit les soldats. Naturellement, la future Madame BRUN s'empressa de suivre les instructions de son père, mais quand nous lui aurons donné la version de Monsieur HEBERT à propos de cette affaire, elle voudra bien convenir que le sang-froid et l'intransigeance du Maire de St-Laurent eurent probablement au moins autant d'importance que l'intervention de la Préfecture, dont le secrétaire-général avait d'ailleurs assuré à Mlle RAVET qu'il faisait le nécessaire.

Pourtant, ce sang-froid, elle devait un jour le voir faire défaut à son père. Cela se passa en famille et le souvenir qu'elle en a gardé la fait sourire. «A l'époque, dit-elle, mon Père, comme la plupart des hommes, ne sortait jamais sans chapeau. Les militaires italiens, qui, au moins de vue, le connaissaient et, sans doute, voulaient se montrer polis, ne manquaient pas de le saluer réglementairement chaque fois qu'ils le rencontraient dans la rue et, naturellement, il leur rendait la politesse en se découvrant. Un jour, il en eut assez de ce qu'il considérait comme des simagrées et, de retour à la maison, laissa éclater sa colère en jetant son couvre-chef. " J'en ai assez de saluer ces gens-là, dit-il, je ne porterai plus de chapeau" ; et à partir de ce jour, même après la guerre, Monsieur RAVET sortit toujours nu-tête.

Dernière anecdote de ce volet plutôt amusant: les italiens avaient installé un poste de commandement sur une petite élévation de terrain, en bordure de la N7, entre le garage des autocars BROCH et la station d'essence située presque à la hauteur de la gare. Un jour, l'attention de Monsieur RAVET fut attirée par un grand drapeau italien au sommet du bâtiment. Les services de la Préfecture l'ayant également remarqué, le Maire de St-Laurent fut chargé d'entreprendre une démarche auprès du commandant de la place, afin d'obtenir le retrait du drapeau en question. La réponse fut catégorique: «je fais ce que je veux ". C'est alors que, plutôt que de risquer d'envenimer les choses en s'appuyant uniquement sur des arguments de droit, le Maire agit à la fois en diplomate et en fin connaisseur de la nature humaine. Il fit, en effet, remarquer à son interlocuteur qu'il y avait là, indépendamment de toute autre considération, un problème de sécurité car il n'était pas impensable qu'un navire "hostile", croisant au large, tire une salve sur un édifice désigné à coup sûr par la présence d'un drapeau, comme un objectif militaire. A défaut de tir, l'argument fit mouche, l'emblème disparut et le Maire put rendre compte au Préfet du succès de son intervention.

Sans dire que tout ce qui précède n'est que broutilles, c'est sous l'occupation allemande que Monsieur RAVET allait donner la pleine mesure de sa personnalité et de son patriotisme. Tout d'abord, il est évident que de tout temps, quelles que soient les circonstances, le Maire d'une

commune doit gérer le quotidien. Tâche déjà difficile en temps de paix, beaucoup plus compliquée sous une occupation ennemie entraînant des restrictions sévères.

Il fallut donc, d'urgence, mettre sur pied un certain nombre de services sociaux. Monsieur RAVET y parvint grâce, à la Mairie, à l'équipe soudée qu'il dirigeait et, dans la population, au dévouement inlassable de femmes ou de jeunes filles dont trois religieuses. Leurs activités, totalement bénévoles, couvraient un champ très large: visites médicales pour les enfants, cantine scolaire, envoi de colis aux prisonniers de guerre, assistance aux familles en difficulté; en particulier celles qui, d'une manière ou d'une autre, eurent à souffrir des 23 bombardements subis par St Laurent-du-Var (Monsieur et Madame BRUN se rappellent qu'ils avaient lieu en général vers midi, probablement pour que les objectifs à atteindre se détachent nettement, sans ombres portées.)

De nos jours cela peut paraître banal, mais il y a un demi-siècle, de telles dispositions étaient encore exceptionnelles. Bien sûr, Monsieur RA VET se faisait un devoir d ' être parmi les tout premiers à se rendre sur les lieux où les bombes avaient causé le plus de dégâts et hélas! souvent, de victimes.

Quelle que soit l'importance de ce volet que l'on qualifierait aujourd 'hui d 'humanitaire, l' essentiel des activités du Maire, pendant cette période, fut consacrée, en liaison constante avec Georges FOATA, à la résistance. Divers témoignages, dont celui de Madame MATHIEU, font état des armes cachées dans la mairie. Comme cette dernière, Monsieur et Madame BRUN précisent qu' elles furent, un temps, enfermées dans le gros coffre du bureau du maire, juste derrière son fauteuil. Or, un jour qu'un officier allemand était venu le voir à propos de rumeurs concernant la présence, à St-Laurent-du-Var, d'armes de guerre non autorisées, Monsieur RAVET lui répondit avec un aplomb. . . désarmant que cette rumeur était sans fondement, car s'il y avait eu des armes à St-Laurent-du-Var, le Maire l'aurait su. Détail savoureux : en proférant cette affirmation catégorique, Monsieur RAVET, debout, s'appuyait du coude sur le coffre-fort arsenal. Utile précision: il était debout car c ' est ainsi, par simple correction, qu' il recevait tous ses visiteurs, ayant fait enlever de son bureau les deux sièges qui s 'y trouvaient en plus du sien, pour ne plus avoir à inviter des allemands à s ' asseoir. Autre souvenir en rapport avec des armes: le jour du transport organisé dans les conditions relatées par Monsieur HEBERT, Madame BRUN se rappelle que, même à son domicile, le Maire reçut de multiples appels téléphoniques. Elle ne sut que plus tard qu'il lui était ainsi rendu compte du déroulement de la mission, mais elle comprit tout de suite qu'il se passait quelque chose d'important, car son père, tout en gardant son calme, ne fut tout à fait rassuré qu'une fois que les appels cessèrent.

Comme s'il n'avait pas déjà suffisamment pris de risques, le Maire mit tout en oeuvre pour soustraire les jeunes laurentins au STO, n 'hésitant pas, selon ses propres mots, à "transformer la mairie en officine de faux papiers".Il put ainsi, en toute légalité, embaucher un jeune stagiaire qui devait faire son chemin puisqu'il est, à son tour, devenu Maire de St-Laurent-du-Var en 1965... et qu'il l'est toujours. D'autres jeunes gens, également menacés, purent, eux aussi, échapper au départ pour l' Allemagne grâce à un emploi fictif de "cultivateur" attesté par une carte d'identité parfaitement authentique, et pour cause.

Monsieur RAVET réussit même à faire embaucher, en qualité d'ouvriers, plusieurs jeunes gens munis des précieux "faux-papiers" qu'il avait fait établir à leur profit. Parmi eux, certains tra­vaillèrent d'ailleurs à la destruction du Palais de la Jetée (construction de Type Eiffel.), à Nice, exigée par les allemands qui, aux abois, voulaient en récupérer le fer et le cuivre. Le dernier volet des activités de Mon­sieur RAVET est moins connu, sinon de ses intimes, parce qu'il les exerça à titre personnel. Pendant toute cette période, en effet, il s'évertua à mettre à l'abri des recherches de la police et de la Gestapo, plusieurs familles juives de St-Laurent-du- Var ou venues s'y réfugier, telle cette famille "exfiltrée" de la zone occupée par les soins de la "Mutualité agricole". Après la guerre, cette activité portée à la connaissance des autorités israéliennes lui valut de recevoir, à Dimona dans le Neguev, un diplôme des mains du Président de l'Etat hébreu en même temps qu'était plantée une forêt de mimosas, qui porte son nom, en présence de hautes autorités et de l' Ambassadeur de France.

Encore moins connues, les dispositions prises par le Maire de St-Laurent-du- Var pour sauver la vie...de 2 allemands. Il est vrai qu'il ne s'agissait pas de n'importe quels allemands: "dans le cas du premier, il avait épousé une de mes amies de lycée, nous dit Madame BRUN, après avoir combattu à Narwick du côté Français, dans la légion étrangère. Bien sûr, sa vie fut en danger dès que ses compatriotes eurent envahi la zone sud". A la demande de sa fille, Monsieur RA VET lui fit établir les papiers nécessaires et, plus tard, en avril 1944, lui fit rejoindre le maquis de Savoie avec lequel il se battit jusqu'à la fin de la guerre.

Monsieur et Madame BRUN nous précisent à son sujet, qu'il était devenu urgent de l' éloigner de la région, car son arrestation imminente aurait mis en danger l' ensemble de la résistance locale. Toujours en vie, il n'a plus jamais quitté la France. En revanche, Monsieur et Madame BRUN ne savent pas ce qu'il advint du 2ème allemand. Celui-là était venu directement trouver Monsieur RAVET à qui il avait raconté son histoire: il était bien de nationalité allemande mais né à Paris, il y avait toujours vécu et ne parlait même pas l'allemand. Incorporé de force dans la Wehrmacht, il avait réussi à déserter. Certes, le Maire avait dû se demander s'il n'avait pas à faire à un provocateur, mais, tout bien pesé, ancien de la légion étrangère lui-même et connaissant bien les hommes, il avait été convaincu de la bonne foi du jeune homme et avait accepté de l'aider. Nous sommes sur le point de prendre congé quand Madame et Monsieur BRUN se rappellent une dernière anecdote: un jour qu'il revenait à pied des Vespins, par la 209, le Maire rencontra Monsieur Jean-Baptiste PALLADIO, qu'il connaissait bien et qui fit un bout de chemin avec lui. Plus loin, ils furent interpellés par une patrouille allemande qui, Maire ou pas, procéda à un contrôle de l'identité des deux hommes. Monsieur RAVET, pour sa part, sortit son portefeuille de la poche arrière de son pantalon. Les allemands partis, il s'adressa à Monsieur PALLADIO en lui disant: "heureusement que nous étions en règle, hein, Jean-Baptiste, car s'ils nous avaient fouillés, regarde ce qu'ils auraient trouvé" et d'exhiber un revolver qui se trouvait dans la même poche en l'occurrence elle méritait bien son nom - que son portefeuille. Jean-Baptiste PALLADIO doit encore s'en souvenir! Le plus extraordinaire, pourtant, se produisit la veille de la libération de St-Laurent-du-Var. Le 26 août, donc, les allemands occupèrent la mairie qui, depuis le bombardement du 26 mai, se trouvait sur l'actuelle corniche Fahnestock.

Sans ménagement aucun, ils enfermèrent Monsieur RA VET dans la cave. L'oreille aux aguets, croyant sa dernière heure venue, il entendit alors des bruits de caisse qu'on clouait. Puis, les bruits cessèrent et au bout d'un moment, le Maire réussit à sortir de sa prison.

Les allemands avaient quitté les lieux, il était libre et, le lendemain, St-Laurent-du- Var fut libérée.

 

 

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Avant 1860, Saint-Laurent-du-Var était la première bourgade de France en Provence, carrefour historique avec le Comté de Nice. Ville construite entre mer et collines, elle s'étire face à Nice le long de la rive droite du Var, sur 7 kms.

Cité moderne, Saint-Laurent-du-Var n'en oublie pas pour autant ses racines qui font la fierté de ses habitants. Le témoignage le plus probant de cette pérennité du passé reste sans aucun doute le « Vieux-Village », avec ses rues pittoresques et son église romane datant du XI e siècle.

Lieu de transit et de passage commandant la traversée du Var, fleuve alpin particulière­ment capricieux, Saint-Laurent-du-Var a subi les aléas de cette situation géographique et stratégique singulière qui a profondément marqué son destin.

Les inondations, les invasions, les épidémies, les guerres ont rythmé au long des siècles les étapes successives de la formation de Saint-Laurent-du-Var.

Grâce à de nouveaux documents et à de nombreuses illustrations inédites, Edmond Rossi, auteur de « Saint Laurent, Porte de France » et de différents ouvrages sur le passé de la région, nous entraîne à la découverte de l’Histoire passionnante de Saint-Laurent-du-Var.

 

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18/12/2008

SOUVENIRS DE LA GUERRE 1939-1945 (2)

CARTES POSTALES ANCIENNES.jpgTÉMOIGNAGE DE MONSIEUR ET MADAME MARI

Par suite d'une heureuse coïncidence, nous rendons visite à Mme et M. Pierre MARI le jour de la fête du Saint-Patron de ce dernier et, surtout, le lendemain du 57ème anniversaire de leur mariage. C'était le 28 juin 1937. Ce 29 juin 1994 ne pouvait donc qu'être propice à l'évocation de souvenirs.

Les origines laurentines de Mme MARI, née ROUSTAN, sont très anciennes puisqu'une des rues du Vieux- Village porte le nom de son père et que la maison dans laquelle se déroule l'entretien fait partie du patrimoine de la famille ROUSTAN depuis environ 3 siècles.

M. MARI est architecte et c'est lui qui a dessiné la reproduction de la Croix de Guerre ( décernée à la ville après la libération.) que l'on peut voir au 1er étage de l'an­cienne mairie, devenue conservatoire municipal de St-Laurent­du- Var.

Excellente transition que cette croix de guerre qui nous amène à parler de la période de l'occupation.

Le jour de l'arrivée des italiens, M. et Mme MARI s'étaient ren­dus ensemble dans le quartier de la gare où ils avaient à faire et ils se rappellent les avoir vus approcher, venant de Nice, sur la N7. C'était presque un défilé, la troupe à pied précédée par plusieurs gradés. Ils n'ont d'ailleurs pas pris la direction du village,poursuivant leur route en direction d'Antibes, sans se ren­dre compte que plusieurs inscriptions, il est vrai en langue fran­çaise, peintes sur les murs de plusieurs maisons, ne leur souhai­taient pas exactement la bienvenue. Au moins, ceux qui manifes­taient ainsi leurs sentiments étaient-ils protégés par l'anonymat. Mais que dire de cet homme qui, venant à vélo en sens opposé, se mit à siffler, arrivé à la hauteur des premiers soldats, un air de musi­que militaire américain bien connu ? inconscience de sa part ? " En tout cas, disent M. et Mme MARI, nous avons été heureux d'enten­dre cet air et de voir que le ~iffleur n'était pas inquiété ".

Par la suite, M. MARI eut d'autres raisons de se souvenir de l'oc­cupation italienne :

la Corniche Fahnestock doit son nom à un milliardaire américain qui y possédait une propriété et s'était montré trés généreux en­vers la ville de St-Laurent-du- Var, contribuant, notamment, au financement de divers travaux d'intérêt général.

Au moment des faits relatés par M. MARI, M. FAHNESTOCK et son épouse, qui fut d'ailleurs tuée par eux, se trouvaient aux philippines, prisonniers des japonais. Quant à leur propriété, elle était occupée par les italiens. Toutefois, le gérant, M. LANTERI - MINET, qui était aussi leur homme de confiance à St-Laurent­du- Var, n'avait pas renoncé à défendre leurs intérêts. C'est sans doute sur son intervention qu'au nom de la Croix-Rouge Interna­tionale, M. BERTIN , juge de paix à Cagnes-sur-mer, fut chargé d'une mission bien précise. Ecoutons M. MARI :

" Comme j'étais en excellents termes avec M.LANTERI-MINET, le juge, accompagné de son greffier, vint me demander de les aider à mettre sous scellés et en lieu sûr, les biens mobiliers de très grande valeur qui se trouvaient chez les FAHNESTOCK. A l'entrée de la propriété, le juge dit au factionnaire qu'il souhaitait parler à l'officier responsable. On nous conduit devant lui, re­joints par M. LANTERI-MINET. L'entretien fut très bref. M. MARI se rappelle textuellement les paroles de l'officier: " Qu'est­ce que vous venez faire ici ? nous sommes en guerre et si je vou­lais, je pourrais vous faire fusiller tous les quatre ".

M. MARI reprend: " Avec un calme remarquable, le juge répon­dit que, dans ces conditions, nous allions nous retirer, empêché qu'il était de remplir sa mission".

Bonne surprise, dès le lendemain, revenu à de meilleurs senti­ments ou ayant réfléchi aux conséquences éventuelles de son com­portement, l'officier italien fit savoir au juge que rien ne s'oppo­sait à l'acte pour lequel il avait été requis.

Pendant l'occupation allemande, M. MARI continua d'exercer sa fonction d'architecte et, "agréé aux dommages de guerre", eut alors à s'occuper des dégâts causés par les bombardements.

Pour ce faire, il se rendit plusieurs fois, dès la fin de l'alerte, dans les quartiers sinistrés, en compagnie du Père DECAROLI. Vers la fin de l'occupation, l'intensification des bombardements et l'an­nonce de l'imminence du débarquement, que tout le monde atten­dait, devaient amener M. et Mme MARI, dont le fils avait à peine 6 mois, à quitter le Vieux- Village pour s'installer provisoirement dans un chalet de Montaleigne puis en appartement à Annot. Il en résulta pour lui de nombreux déplacements, la plupart du temps à bicyclette. Il ne s'en trouva pas moins, plus d'une fois, littérale­ment pris sous un bombardement. Le souvenir le plus précis qu'il ait gardé à ce sujet est celui d'un raid qui le surprit alors que, repartant pour Annot, il traversait le vieux pont de bois reliant St­Laurent à Nice. Il y avait 2 avions et la soudaineté de l'attaque fut telle que, se trouvant exactement au milieu du pont et estimant n'avoir le temps ni de gagner l'autre rive ni de revenir sur ses pas, comme le fit à toutes jambes l'un de ses amis, il s'allongea sur place, à côté de son vélo. En fait, il n'y eut pas de bombardement mais les 2 avions mitraillèrent la rive droite du Var, donc St-Lau­rent, où des allemands cantonnaient. On sut tout de suite que les appareils étaient français et que l'un des deux, touché par la DCA, nombreuse dans le secteur, était tombé en mer.

M. MARI poursuit: une fois à Annot, on était à l'abri des bom­bardements " mais il fallait y arriver et ce ne fut pas toujours facile. Et même à Annot...."

Nous voudrions en savoir davantage mais M. et Mme MARI es­timent préférable de s'en tenir à St-Laurent-du- Var, puisque c'était l'objet de notre visite. D'ailleurs, concluent-ils d'un commun ac­cord " Il s'y est passé suffisamment de choses en quatre ans! " .

 

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