26/08/2011
L'OCCUPATION ITALIENNE DE SAINT LAURENT DU VAR
Les Alpes-Maritimes sont le seul département à avoir subi l'occupation de deux pays : l'Italie puis l'Allemagne.
De novembre 1942 en septembre 1943, la IV° armée des troupes italiennes sous les ordres du Général Vercellino occupe les villes de la Côte D'Azur et notamment Saint-Laurent. Parmi les troupes ayant séjourné dans la commune, on peut citer le 3e escadron de cavalerie de Gênes et le 1" groupe du 134e régiment d'artillerie motorisé, appartenant tous deux à la 2e division « Celere EFTF ». On peut noter aussi la présence du 166e régiment d' « Alpini costieri » dépendant de la 223e division côtière, de la 676e compagnie-mitrailleuse et du 68e régiment d'infanterie « Legnano ». L'état-major italien était installé au quartier de la Gare à la villa « La Collinette ». Des batteries furent établies aux abords du village. Un important dépôt de munitions fut caché dans un souterrain au quartier des Pugets. Le château de Montaleigne appartenant à M. et Mme Fahnestock fut aussi réquisitionné comme de nombreuses autres maisons, pour le logement des troupes armées.
Ce qui ressort des témoignages, c'est un relatif manque de motivation des troupes italiennes et une certaine arrogance des officiers. Les Italiens s'installèrent dans différents immeubles (la propriété des époux Fahnestock par exemple) et établirent un camp sur le territoire de la commune. Des laurentins ne comprirent pas pourquoi le maire ne s'opposa pas à ces réquisitions. Mais le maire n'avait aucun droit pour empêcher les soldats d'occuper une villa ou un appartement. Des indemnités furent payées pour la réquisition de ces habitations.
Ces dernières servaient de locaux pour les bureaux, l'infirmerie, les chambres des officiers, la cantine des troupes, les dortoirs, les écuries...
Les Italiens n'ont pas commis de crimes à St Laurent mais les documents d'archives montrent un nombre important de délits dont ils sont accusés.
Les plus nombreux concernent les vols de nourriture. Monsieur Hébert se souvient d'avoir vu les Italiens arriver sur la place François Layet épuisés, exténués et affamés. Selon ses dires, ils mangeaient des trognons de choux. Il est possible que des soldats aient commis des vols. Les témoignages sont nombreux.
Ubaldo Rossi, un cultivateur italien ( !), demeurant à Saint-Laurent-du-Var, se plaint de ces vols.
«Moi-même je suis journellement victime de petits vols de légumes dans ma propriété (..) C'est ainsi que presque chaque jour et cela depuis l'arrivée des troupes italiennes au quartier des terres communes.»
Le premier février 1943, Albert Faraut écrivit au Maire de St Laurent pour lui signaler un vol ":
«Dans la nuit du 1er février, exactement à deux heures moins le quart, trois soldats italiens se sont introduits dans nia propriété, quartier "Les Plans" après avoir pratiqué une ouverture, avec une cisaille, dans le grillage qui sert de clôture, et, se sont emparés de quelques fruits et légumes.
J'ai pu saisir l'un d'entre eux qui cherchait à pénétrer dans le poulailler. Celui-ci m'a dit s'appeler Vitale et appartenir au 4ème escadron»
Ce genre d'affaires était assez fréquent. Des fruits et légumes mais aussi des lapins étaient dérobés. Les réactions des soldats italiens étaient surprenantes. Le témoignage de Joseph Guisol, propriétaire à Montaleigne, montre le sans-gêne des italiens. Pris en flagrant délit de vol de tomates, les soldats italiens expliquèrent que c'était pour faire la salade.
la plupart du temps, les victimes de vols n'avaient pas de preuves, si ce n'est des traces de chaussures cloutées ou se dirigeant vers le camp italien. Malheureusement, les officiers italiens ne voulaient pas reconnaître les erreurs de leurs soldats. Léopold Gay qui s'était fait voler des lapines alla se plaindre sans succès auprès des officiers :
« J'en ai fait part à deux de leurs officiers et ceux-ci m'ont répondu que leurs soldats ne volaient pas, qu'ils avaient pu peut-être voler un lapin mais qu'ils ne les croyaient pas capables d'en voler plusieurs, surtout que dans ce cas ils auraient des difficultés pour les faire cuire.»
La fin de la réponse est assez incompréhensible. On imagine mal des soldats affamés se contenter d'un lapin.
Bien évidemment toutes les réponses des italiens sont relatées par les victimes, l'objectivité n'est donc pas garantie. Les procès-verbaux des gendarmes comprennent les plaintes et les témoignages mais les réponses des officiers italiens n'y figurent pas. De plus, il n'est pas certain que les victimes parlaient parfaitement italien et que les Italiens parlaient un bon fonçais. Les explications données par les Italiens sont interprétées par les volés.
En août 1943, le Préfet assura le Maire que les autorités italiennes allaient faire le nécessaire pour faire cesser les vols. Cependant, cela n'empêcha pas la propriété de Gibson Fahnestock d’être pillée certainement par les troupes italiennes. Des objets de grande valeur furent dérobés. Dans tous les cas, il n'est pas facile de prouver la responsabilité des italiens.
Parfois, la nature des objets volés peut surprendre. Le 4 janvier 1943, Edouard Risso écrivit au maire :
«Je viens par la présente vous informer que je viens d'être victime au quartier de la Sardine, du cambriolage par effraction de mon cabanon.
Ayant suivi les traces, et celles-ci m'ayant amené au camp de soldats étant à proximité, je suis très affirmatif pour porter plainte contre les auteurs du vol soit les soldats italiens.
Le vol n'ayant pas une importance pécuniaire très importante se trouve tout de même navrant pour moi, car je me trouve dans une grande détresse quant aux objets culinaires
dont il est impossible aujourd'hui de se procurer :
Il serait même possible à mon idée de retrouver les voleurs grâce à ces objets soit :
1° une grande cocotte en fonte noire
2° une grande poêle à frire
3° une casserole aluminium
4 ° une passoire
51'fourchettes cuillères et couteaux
6° une hache
7° une bouteille d'huile et de vinaigre de vin, sel, poivre, un grand couteau scie, 2 louches,
1 sécateur, et quelques pièges inutilisables
A mon idée Monsieur k Maire, une enquête de Monsieur le Commandant d'Armes de la Place, auprès de ces soldats serait édifiante et peut-être salutaire pour ce quartier vraiment trop mis à sac depuis quelques jours.»
Dans ce cas, la suspicion des italiens est grande mais n'importe quelle personne aurait pu dérober ces objets utiles pour la cuisine de tous les jours.
La responsabilité des italiens lors de vols de bois ne fait aucun doute. Il est impossible de couper des arbres pour en faire du bois de chauffage discrètement. Le 21 janvier 1943, Jean Grassi, Garde Champêtre, dressa le procès-verbal suivant :
« Ce jour vingt et un janvier mil neuf cent quarante trois à quatorze heures nous nous sommes rendus au château de Montaleigne - Montaleigne - St Laurent du Var, géré par M. LANTER! François-Minet, âgé de 41 ans, domicilié à l'adresse ci-dessus et en sa compagnie nous avons constaté que la clôture en fil de fer barbelé avait été arrachée en partie pour le passage des hommes, et vingt arbres pour la plupart des chênes verts coupés à ras du sol, les branches étant éparpillées à terre. Une partie de ce bois, 250 kg environ, a été déposée devant la villa Fontan corniche Fahnestock où sont logés quatre sous-officiers du 4ème Régiment de cavalerie de Gênes - 4ème escadron, commandé par un capitaine ; le reste a été réparti dans les divers cantonnements.
M. LANTERI évalue à 1000 kg le bois volé et demande une somme de 250 francs montant des dégâts.»
Outre les vols, les Italiens ont également causé quels dégâts dans des propriétés. Ils creusèrent des tranchées notamment. Le garde champêtre Grassi rapporte :
« Ce jour 20 février 1943, à 10 heures, sur plainte de Madame SAJNE Marie, 75 Route de Marseille à NICE, nous nous sommes rendus à sa propriété, sise quartier du Lac, à St Laurent du Var, pour y constater les dégâts faits par le 312° Régiment Artillerie DCA Division TESTA NERA, commandé par le Sous-Lieutenant NAVARA Umberto, actuellement cantonné villa Keifi, Boulevard Jean Ossola.
Ces dégâts consistent en une tranchée de 38 mètres de long sur un mètre de large avec emplacement de deux trous de trois mètres de diamètre pour les pièces et les bretelles.
1° de 9 X 2, 2° de 7m X 1,50 abris pour les hommes.
Quant aux dégâts des légumes, 100 plants de blettes ont souffert, et les carottes. La récolte a été faite par la propriétaire du terrain avec l'aide de Monsieur ALLAMANDI Jean, chemin du Lac, le jour de l'arrivée de ces batteries.
D'après l'estimation faite par Monsieur VALETTI Joseph, la somme de 3000 à 4000 francs est suffisante à régler cette affaire.»
L'occupation italienne n'a pas laissé de très mauvais souvenirs aux laurentins dans la mesure on elle n'a pas été très violente. Cependant, ils ont tout de même commis un nombre non négligeable de délits qui ont gêné la vie quotidienne des laurentins.
Jérémy THOMAS
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09:35 Publié dans DECOUVERTE DU PASSE, HISTOIRE, MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0)
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