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30/05/2014

LA LÉGENDE DU FABULEUX CHÂTEAU DE LA GAUDE

AU CHATEAU DE LA GAUDE.jpg

Depuis huit jours il pleuvait sans trêve sur la campagne provençale. En ce début de l'hiver 1232, Philémon d'Artigas s'approcha frileusement de la cheminée pour réchauffer ses mains engourdies. Hôte de Romée de Villeneuve dans la tour de son château de la Gaude, le savant catalan tenait enfin la formule magique de la transmutation des métaux. Son grand dessein, changer le plomb en or, devenait possible.

Les laborieuses recherches pour lesquelles il était payé venaient enfin d'aboutir.

Cette nuit, un ultime essai concrétiserait le résultat de plusieurs mois de travail.

La plume crissa sur le parchemin, transcrivant en quelques mots la fin du processus de transformation de la matière.

Lorsque dame Aurore choqua la porte pour l'inviter à souper, Philémon lissa sa belle barbe blanche, se leva et alla ouvrir. Rassurant, il lui dit simplement: « Les forces obscures ont rendu leur verdict, l'or nous appartient et la puissance est à nous. »

L'étroite fenêtre de l'atelier du maître brilla très tard dans la froide nuit de novembre, et lorsque le « souffleur » versa enfin les quelques gouttes d' « huile du soleil » sur le plomb en fusion, le miracle s'opéra. La masse se figea pour apparaître rutilante et jaune: l'or venait de naître.

La situation financière déplorable de la Provence avait contraint le sénéchal Romée de Villeneuve à trouver une solution rapide. Raymond-Béranger lui avait donné mission de redresser la situation et d'assurer par-là même un mariage honorable à ses quatre filles, dépourvues dans l'immédiat de toute dot valable. C'est là qu'intervint Philémon d'Artigas, qui dans sa tour des bords du Var devait changer le cours des choses.

Les jours et les nuits qui suivirent, les cornues du savant alchimiste, chauffées au bois d'olivier, crachèrent suffisamment de métal jaune pour assurer les prétentions du comte. Romée triomphait.

Quelques mois plus tard, on devait célébrer dignement les mariages des quatre filles du comte de Provence avec quatre princes régnants: Marguerite épousa Louis IX roi de France, Eléonore se maria avec Henri III d'Angleterre, Saucie devint la femme de Richard de Cornouailles, roi des Romains, et Béatrix épousa Charles 1er d'Anjou, roi de Naples, qui deviendra comte de Provence à la mort de son beau-père.

Vingt-cinq ans s'écoulèrent sans qu'on n'entendît plus parler du célèbre alchimiste ni de ses exploits.

Un jour de juillet, une petite troupe de pèlerins se rendant à Rome fit halte au château de la Gaude. Parmi ces voyageurs se trouvait un noble vieillard, Philémon d'Artigas, accompagné de son filleul et élève Arnaud de Villeneuve.

Celui-ci demanda à revoir l'atelier de la tour où, quelques années plutôt, il avait opéré la transformation du plomb en or.

Dame Aycarde de Castellane, belle-fille de Romée, nouvelle propriétaire des lieux, flattée d'une telle visite, accepta volontiers et retint même ses hôtes. C'est ainsi que devait s'initier celui qui allait devenir le plus illustre des alchimistes du Moyen Age.

En effet Arnaud de Villeneuve établira plus tard sa renommée universelle dans la recherche du secret de la pierre philosophale. Selon le juriconsulte Johannès Andréas, Arnaud, à Rome, « convertissait des verges de fer en or et les soumettait à toutes les épreuves physiques et chimiques; ces faits avaient incité Oldradus et le Panormitain, dans leurs ouvrages canoniques (Consilio 69-Ve Decretales-C-II) à définir l'alchimie comme un art ingénieux, ars perspicaci ingenio inventa, et canoniquement licite ».

Arnaud de Villeneuve suscita lui-même en Provence comme en Italie de nombreuses vocations alchimiques et médicales. Il n'oublia jamais les premières révélations de son maître et inspirateur Philémon d'Artigas, qui sut lui transmettre son enseignement dans un modeste château surplombant le Var.

D'après l'Ars transmutatoria, attribuée à Jean XXII, certains lieux où s'activent les forces telluriques favoriseraient la transformation de la matière, d'où le choix probable de ce promontoire calcaire au contact des couches alluviales.

Aujourd'hui, les ruines du fabuleux château de la Gaude ont été restaurées et ses, murailles grises rappellent encore son rôle de sentinelle au bord du Var, aux confins extrêmes de la Provence.

Les gens du lieu vous parleront peut-être des quatre reines qui vinrent ici en pèlerinage, pour honorer la mémoire d'un obscur alchimiste à l'origine de leur règne.

Edmond ROSSI

Extrait des « Histoires et Légendes des Balcons d’Azur » Editions Campanile cet ouvrage est disponible dédicacé par l’auteur en contactant :

edmondrossi@wanadoo.fr

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