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29/08/2014

ÉVOCATION D'UN SAINT LAURENT DU VAR DU PASSÉ

LE CLOCHER DE L'EGLISE VERS 1938.jpg

 

Ici autour des leurs châteaux, les maisons villageoises se sont assemblées, à flanc de rocher, serrées les unes contre les autres, formant enceintes percées de quelques portes donnant accès à un labyrinthe de calades, pontis, ruelles et placettes.

Sublimes sur leur socle ou leur piton rocheux, ces vil­lages sont typiques de la région, comme de tous les pays méditerranéens, haut perchés pour échapper à la mer et à ses envahisseurs, les Barbaresques, les Maures, les Sarrasins, au début du XIXe siècle, ils venaient encore, dit-on, razzier les filles entre Nice et Antibes.

Pendant près de vingt siècles, entre les pillards de la mer au sud et les traînards des armées venues de l'est ou de l'ouest, l'une chassant l'autre, la Provence a été un pays périlleux, parcouru par des bandes. La tradition en était encore vive il y a cinquante ans, où l'on appelait la route de Saint-Jeannet à Saint-Laurent-du-Var la « route des brigands », en raison de sa solitude boisée, propice à l'agression. N'est-ce pas sur cette route que, par trois fois entre 1960 et 1970, fut attaqué le four­gon blindé transportant la paye du Centre de recherche I.B.M. de La Gaude ? Aujourd'hui, la corniche sur le Var est devenue une banlieue résidentielle où les villas se succèdent sans interruption.

Cette menace incessante fit qu'ici les paysans ne se bâtirent pas de grosses fermes isolées où vivre en per­manence, mais de simples abris agricoles, cabanons, bastidons, rentrant le soir s'enfermer dans le repaire de leur village où veillait à la porte, à la tour ou au clocher, le signadour. Il était bien le seul à la regarder, la mer, dans sa méfiance. Ce sont les voyageurs des arts et des lettres, les touristes, les résidents, les retraités, les étrangers, qui en ont inventé l'obsession, tournant vers elles les terrasses et les façades de leurs villas. L'homme du pays, le paysan, ne l'a jamais recherchée ainsi, tourné qu'il était, lui, vers la montagne où étaient échelonnées ses terres par planches ou terrasses aux murs et murettes de pierres sèches. Travaillées de main d'homme depuis des millénaires, elles ont donné au paysage laurentin ses aspects d’immenses escaliers à flanc de collines ou de baous, campagnes plantées en oliviers et orangers. Orangeraies et oliveraies souvent retournées aujourd'hui à l'état sauvage dans un fouillis de hautes herbes et de basses branches chargées de fruits amers, la jusquiame blanche, la plante des maléfices, poussant vivement entre les pierres éboulées des murettes.

Pendant des siècles, l'usage laurentin fut de se rendre le matin à sa campagne- à moins que la pluie ne retienne au logis - et d’en repartir le soir pour souper et dormir au village. Cette manière de vivre déter­minant les dispositions de 1 'habitat. Chaque maison de bourg ou de village, haute et étroite, comportait : caves, à vin ou à huile en jarres; au rez-de-chaussée, écurie, remise, paneterie, puits     donnant surla citerne approvisionnée en eau par les toits; à l' étage, cuisine et potager de deux à six foyers, évier, buga­dier, chambre à coucher; sous les combles, fruitier, poulailler, grenier à foincommuniquant parfois directement avec le râtelier de l' écurie par le moyen d'un conduit, la trumba, prévue dans le mur d'arête.

Comme le raconte Marie une ancienne laurentine qui a souhaité l’anonymat :

« Ici, tout le monde était cultivateur. Ils vivaient en ville et ils allaient tous les jours à leurs campagnes. Il y avait bien quelques maisons à la campagne, mais pas tellement. On cultivait des fruits, des légumes, des fleurs. Presque tout le monde faisait son vin, aussi on faisait son huile. Pour aller à notre campagne, quand on marchait bien, il fallait un quart d'heure...

Les trois quarts des paysans n'habitaient pas leurs campagnes, ils ont toujours habité la ville; on gardait les cochons à la cave, dans l'écurie il y avait l'âne ou le cheval, ou le mulet. Dans l'escalier, à chaque marche, il y avait un sac de blé, soit de légumes secs, et, au troi­sième étage, au-dessus des chambres, c'était le grenier à foin, et une petite pièce pour les provisions d'hiver : les pommes, les poires, les pommes de terre. Le matin, avant de partir pour la campagne, on mettait une chaise devant la porte, sur la chaise on mettait quatre ou cinq assiettes pleines de fruits, vous n'aviez pas besoin de mettre une étiquette, les gens savaient ce que cela voulait dire, c' était un sou l' assiette; eh bien, le soir, l' assiette était renversée et y avait le sou par­dessus...

Moi, quand je pense à Saint Laurent de ce temps-là, je pense toujours aux merveilleuses odeurs, les petites voitures qui traversaient la ville remplies de fleurs, roses de mai, jasmin, fleurs d'oranges amères, ces petites voi­tures traînées par des chevaux étaient remplies jus­qu'au bord de ces fleurs, et Saint Laurent de ce temps-là sentait bien bon... »

Cette vie rustique fit la renommée du pays dès la colonisation romaine, avec la culture en terrasse des oliviers, sur le modèle africain; de grands domaines, les villae rusticae, exportant leur production d'huile par Antibes sur l'Italie. Les Romains auraient aussi introduit la culture, toujours en terrasse, du bigaradier, l'oranger commun au fruit aigre ou amer, dont la fleur distillée en eau est à la base de l'essence de néroli des parfumeurs de Grasse, elle-même base de l'eau de Cologne.

Pour en savoir plus consultez « Un Peu d’Histoire de Saint Laurent du Var » (Editions Sutton) renseignements : edmondrossi@wanadoo.fr

20/08/2014

LA GUERRE 1939-1945 À SAINT LAURENT DU VAR

 

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Au cours des années 1940 à 1944, période parmi les plus douloureuses de notre histoire, la ville de St Laurent du Var, a, bien sûr, ressenti les grands événements qui ont jalonné la vie de notre pays: le désastre de 1940, l'occupation, la libération... Après la défaite de nos armées en 1940 et l'armistice qui s'en est suivi, la France a été scindée en plusieurs parties :

 - une zone annexée: Alsace et une partie de la Lorraine;

- une zone réservée: Ouest de la Lorraine, Vosges, Belfort; - une zone interdite: Nord -Pas de Calais;

- une zone occupée par les Allemands: au Nord d'une ligne allant d’Hendaye à Tours-Moulins et Nantua;

- une zone "non occupée" au Sud, gouvernée depuis Vichy. En novembre 1942, après le débarquement des américains et des britanniques en Afrique du Nord et le sabordage de la flotte à Toulon, la totalité de la France fut occupée par les Allemands à l'Ouest et les italiens à l'Est. Le partage entre ces deux nouvelles zones d'occupation était délimité par une ligne Nantua - Vienne ­Valence- Avignon - Aix, la Corse étant entièrement sous domination italienne.

Cette occupation italienne, peu dense et plutôt débonnaire, n'a pas laissé de trop mauvais souvenirs aux laurentins. Le P.C. italien était installé à la villa " La Collinette" surplombant la N.7 à la hauteur du marbrier. Les Italiens ont également occupé, à Montaleigne, le " Château" appartenant alors à M. et Mme Fahnestock et la villa Cybla avenue de la Libération (ex départementale 209).

Après la capitulation italienne, le 8 Septembre 1943, notre région est occupée par les Allemands qui se livrent à une fortification intensive du littoral azuréen de Théoule à Menton.

Ils avaient installé leur PC à "la Collinette", des unités de DCA étaient stationnées le long du Var au Nord et au Sud des ponts, leurs batteries mises en place aux Plateaux fleuris et au Quartier du Lac. Les Services fonctionnaient près de l'ancienne mairie à la villa « La Marjolaine » qui se trouvait à la place du supermarché « Monoprix», ainsi qu'aux établissements Gimello (avenue de Gaulle près  « d'Intermarché »).

Il ne semble pas que la vie matérielle des Laurentins sous l'occupation ait été très éprouvante. La commune était, en effet, en grande partie agricole et les services de la Mairie, sous l'impul­sion du maire, M. Ravet et de la secrétaire de mairie, Mme Mathieu, délivraient abondamment tickets de ravitaillement, voire faux papiers, à ceux qui en avaient besoin. En revanche, les exigences allemandes, les pressions physiques et psychologiques, les gênes de toutes sortes apportées à la vie quotidienne, ont été de plus en plus difficiles à supporter.

La résistance s'est surtout développée à partir de la fin 42, favorisée par le refus des jeunes de se soumettre au service du travail obligatoire (S.T.O.) en Allemagne, organisé par le gouvernement de Vichy sous la pression du vainqueur, et un des  chefs départementaux de la Résistance fut un laurentin, Georges Foata alias « capitaine Morgan ». Huit laurentins ont été déportés.

Puis, ce fut la dure période des mois qui ont précédé les débarquements et ont vu se succéder à un rythme accéléré et une puissance progressivement accrue, les bombardements des alliés sur les ponts du Var et la cité laurentine ! 23 attaques ont été subies, notamment les bombardements du 26 mai - qui a détruit partiellement un train de voyageurs à proximité de la gare et des 2 et 6 août, particulièrement meurtriers pour la population restante. Beaucoup de familles, en effet, s'étaient refugiées à Cagnes, à Montaleigne ou dans l'arrière-pays pour échapper aux risques des bombardements alliés, souvent imprécis en raison de la DCA allemande, qui obligeait les avions à larguer à haute altitude. Le bilan s'est élevé à 10 tués, 23 blessés, 103maisons détruites et 762 endommagées. St-Laurent était sinistrée à 40 %. Les souffrances endurées par notre cité et ses habitants ont, d'ailleurs, été reconnues par une citation à l'ordre du régiment délivrée le 11 novembre 1948 et dont le texte est le suivant : Saint-Laurent-du-Var- Département des Alpes-Maritimes : " Petite ville des Alpes -Maritimes très éprouvée pendant la dernière guerre. A subi vingt-trois bombardements au cours desquels cent trois maisons ont été détruites et sept cent soixante deux partiellement endommagées. La liste de ses soixante-dix morts, vingt trois blessés et huit déportés atteste élogieusement de la contribution apportée par sa population et par son groupement de Résistance à l’œuvre de la Libération."

Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec Etoile de Bronze.

Enfin, le 27 août 1944, une colonne motorisée canadienne, venant de Cagnes libérait Saint-Laurent, non sans qu'un dernier accrochage avec les Allemands, retranchés square Djibouti (Benes), fasse deux victimes: deux résistants, Ledieu et Abonnel, qui ouvraient la route aux canadiens et dont le sacrifice est matérialisé par une plaque apposée au N° 550 avenue de la Libération et au pied de laquelle une gerbe du souvenir est déposée chaque 27 août, par la Municipalité.

09/08/2014

LA LIBÉRATION DE SAINT LAURENT RACONTÉE PAR UN TÉMOIN: HONORÉ ODDO

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Voici un témoignage capital sur la libération de Saint Laurent du Var le 27 août 1944, recueilli par le « Souvenir français » auprès de Monsieur Honoré ODDO aujourd’hui disparu. Cette personne, dont la famille est également très connue à Saint-Laurent-du-Var, avait alors 29 ans. Il se rappelle parfaitement cette journée de plein été qui devait lui procurer, comme à toutes les laurentines et à tous les laurentins, une joie facile à imaginer. Il ne peut cependant effacer de sa mémoire la tragédie dont il fut le témoin direct. "Saint-Laurent, nous dit-il, comptait à l’époque un peu plus de 4.500 habitants. Toutefois, après le bombardement du 26 mai, une bonne partie de ceux-ci, surtout les femmes et les enfants, s’était provisoirement réfugiée dans les communes environnantes. Ma femme et nos 3 enfants étaient à Vence». Cela, Monsieur ODDO, qui faisait aussi souvent que possible le trajet aller-retour à vélo, ne l'a pas oublié non plus! Il continue: "on savait que les alliés étaient tout près, puisque Antibes et Villeneuve-Loubet avaient déjà été libérées. Le plus gros des forces allemandes avait quitté St-Laurent environ 2 jours plutôt mais il en restait encore et personne ne pouvait dire si elles allaient livrer combat ou non". Quant aux services publics, ils continuaient à fonctionner tant bien que mal. L’alimentation électrique, en particulier, sauf dans le Vieux- Village, était toujours assurée. Cela aussi, Monsieur ODDO s'en souvient, lui qui travaillait pour Sud-est Electricité, la compagnie qui allait devenir EDF et dont il est retraité depuis plusieurs années. Mais, en ce dimanche 27 août 44, il n'était pas de service. " Pourtant, précise-t-il, en ce temps-là, on ne faisait plus la différence entre les dimanches et les autres jours de la semaine. J'habitais ici depuis 1929 ("ici", c'est la propriété qui s'appelait la Grand’ Vigne et autour de laquelle il n y avait encore que très peu d'habitations). Comme je l'ai déjà dit, on attendait les alliés d'un jour à l’autre et on écoutait la radio qui diffusait des messages de plus en plus nombreux à l'intention de la résistance". A ce moment de notre entretien, Monsieur ODDO nous montre, précieuses reliques que les ans ont rendues fragiles et que nous manipulons, par conséquent, avec précaution, un certificat délivré par la commission militaire locale du Conseil National de la Résistance ainsi qu'une attestation émanant de la subdivision militaire des Alpes-Maritimes. Ces deux documents qui datent de l'immédiate après ­guerre stipulent que " Monsieur Honoré ODDO a servi volontairement et avec honneur dans les FFI de mai 1943 à octobre 1944". "Donc, reprend notre interlocuteur, sans avoir des informations aussi précises que celles dont devaient disposer notre Maire, Monsieur RAVET, ou l'Abbé DECAROLI, le curé de la paroisse ou d'autres résistants comme Messieurs FOATA ou HEBERT, nous savions que notre libération était imminente. De là à dire quand et par où les alliés arriveraient... Dans l'après-midi, il devait être 16 heures, je suis allé faire un tour dans les vignes qui longeaient, d'un côté la départementale 209 devenue l'avenue de la Libération et de l'autre, l'actuel boulevard de Provence. Je suis allé jusqu’à la chapelle qui existe toujours, à la jonction des deux voies où s'arrêtait la vigne. Tout ce terrain appartenait alors à ma famille. Soudain, j’entends un bruit de moteur provenant de derrière ma maison, le long de la 209. Instinctivement, je m'allonge sur le talus bordant la route et, presque tout de suite, je vois arriver un peu plus haut (entre l'actuel croisement OSSOLA-LIBERATION et la chapelle) un half-track précédé d'assez loin par 4 français à vélo. Ils étaient en civil mais deux d'entre eux portaient un fusil en bandoulière et un grand drapeau tricolore. Le drame s'est joué en quelques secondes. On sut par la suite que les Allemands avaient installé une mitrailleuse au pied du monument aux morts qui se trouvait alors dans le jardin public (devenu le square BENES). Il y avait très peu de maisons et à l'abri du petit remblai qu'ils avaient formé, les Allemands pouvaient prendre la route en enfilade. En plus, ils étaient malins et ne se sont montrés qu'au dernier moment, juste pour tirer. Deux des cyclistes -l'un d'eux était Monsieur RAVET, le Maire - ont eu le temps de les voir et se sont jetés à plat ventre sur le côté droit de la route. Moi aussi, j’ai aperçu les Allemands et je n'ai pas bougé. De toute façon, pour les deux autres cyclistes, c'était trop tard. Une seule rafale et ils sont tombés du côté gauche de la route, tués sur le coup. Alors, les Allemands sont partis en courant, avec leur mitrailleuse, en direction du Var, c'était fini. Le Half-track qui était resté en arrière n'a même pas eu le temps de riposter. Je me rappelle qu'un homme m'a rejoint sur la route où j'étais descendu. On nous a demandé d'évacuer les deux corps et je suis vite retourné jusque chez moi où j’ai pris un charreton sur lequel nous les avons chargés tandis que le Half-track se remettait en marche, toujours précédé de Monsieur RAVET et du 4ème cycliste. L'autre homme et moi nous avons remonté la 209 jusqu'à ce qu'on rencontre d'autres véhicules militaires. C'étaient des canadiens qui allaient finir de libérer Saint-Laurent. Les deux tués s'appelaient Gabriel ABONNEL et Jean-Clément LEDIEU. Ils étaient des Vespins. Je ne les oublierai jamais". Saint-Laurent-du-Var n'oublie pas non plus. La ville a fait placer une plaque commémorative en hommage aux deux hommes, le long de l'avenue de la Libération, à l'endroit même où ils tombèrent pour la France et, depuis, toutes les Municipalités la fleurissent chaque année, le 27 août.

Cette année sera célébré le 70ème anniversaire de la libéation de Saint Laurent du Var.