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14/07/2009

SOUVENIRS DE LA GUERRE 1939-1945 (9)

SAINT LAURENT DU VAR SOUS LES BOMBES (5).jpg

Témoignage de Monsieur Marcel PEREZ

 

Marcel PEREZ, l'ancien joueur de football professionnel bien connu - il a évolué à l'Association sportive de Cannes, à l'OGC Nice et au F.C. NANCY de 1939 à 1950- est né à l'Escarène, mais n'avait que 2 ans quand ses parents s'établirent à St-Laurent-du-Var. Ils y te­naient une boulangerie-épicerie, rue Valazé, dans le Vieux- Village. Madame PEREZ, née BATTINI, est, elle, originaire de la région parisienne et laurentine depuis 1931, année où sa mère, chef -mon­teuse de films, était venue travailler aux studios de la Victorine à Nice et de Nicea-Films, avenue Léonard Arnaud, anciennement Al­lée des Studios, à St-Laurent. Elle obtenait rapidement un poste à la régie des studios. La stabilité et l'intérêt offerts par cet emploi, d'une part, le climat de la Côte d'Azur, d'autre part, décidèrent les BATTINI à s'installer définitivement à St-Laurent. En 1942, leur fille, la future Madame PEREZ, devenait institutrice, profession qu'elle exerça jus­qu'à sa retraite en 1981. C'est le 7 février 44 que le couple s'unit pour la vie ce qui, par parenthèse, lui a permis de célébrer ses noces d'or en début d'année. Madame PEREZ nous permettra également de rappeler que son ascendance insulaire lui vaut, depuis des années, d'être la secrétaire( I) de l'Association des Corses et Amis de la Corse de St-Laurent-du-Var. Pendant la guerre, son père, aujourd'hui dé­cédé, ainsi que Marcel PEREZ et son frère Louis furent impliqués, à divers titres, dans les activités du Groupe Morgan. Monsieur PE­REZ pourrait donc aborder ce sujet mais nous lui avions demandé de s'en tenir à la journée du 26 mai 44, ce qu'il a volontiers accepté. Il nous avait, en effet, été indiqué que son témoignage serait intéres­sant car, en raison de son appartenance à la défense passive, il a pris une part importante aux opérations de sauvetage et au transport des corps des victimes de ce raid meurtrier. Il raconte: "à cette époque, ma belle sœur était sur le point d'accoucher. Loulou (Louis Perez) et elle habitaient une villa du lotissement Lallé, actuelle Avenue Saint-Exupéry. Ce jour-là, mon frère et moi étions à la boulangerie où se trouvaient aussi quelques clientes. Il devait être Il heures, quand une alerte, une de plus, fut déclenchée. Les clientes partirent à la hâte; mon frère partit lui aussi, car il ne voulait pas laisser sa femme seule trop longtemps, dans son état (pour l'anecdote, Madame Louis PEREZ donna naissance à un garçon quelques jours plus tard, le 30 mai 1944).

Environ 5 ou 10 minutes plus tard, on entendit, presque coup sur coup, sonner la fin de l' alerte puis, à nouveau, l' alerte. Au même moment, ou presque, on entendit des explosions. Ca semblait venir du côté de chez mon frère. Aussitôt, j' ai pris, à vélo, la direc­tion de leur cité. Il y avait alors beaucoup moins de constructions que maintenant, mais, un peu avant d'arriver chez Loulou, un couple de personnes âgées qui habitait une villa, Monsieur et Ma­dame BOMPART, me fit signe de m'arrêter. Je compris vite pourquoi: dans le garage qui leur tenait lieu d' abri, allongé sur un lit, je vis un jeune garçon d'une douzaine d'années, Jimmy COLANGELO, dont le père, si je me rappelle bien, vivait en Amérique. Il ne bougeait pas mais était vivant et, apparemment, peu sérieusement blessé. Il avait juste un petit trou au niveau du plexus. Je dis aux BOMPART qui s'inquiétaient, que même si ça n'avait pas l'air bien grave, j'allais emmener Jimmy au dispensaire, par mesure de sécurité, le temps d'aller voir si tout allait bien chez mon frère et ma belle-sœur. Je reprends donc ma route moitié à vélo, moitié à pied, car il y avait des cratères de bombe sur le chemin et j'arrive chez Loulou et Fernande (la belle-sœur de Marcel FEREZ ). Leur maison était vide mais ils étaient à l'abri dans la cave d'un voisin. Je retourne donc immédiatement chez les BOMPART où je laisse le vélo pour pouvoir porter le petit garçon. Il ne se plaignait pas et, la tête contre mon épaule, ne semblait pas souffrir. Tout au long du trajet, je lui ai parlé pour le rassurer. Arrivés au Square BENES, la vraie fin d'alerte sonnait et les gens commen­çaient à sortir de chez eux ou des abris. J'ai continué à porter Jimmy j usqu ' au dispensaire municipal qui se trouvait en face de la pharmacie Loir etje l'ai allongé sur les indications du Docteur COSTE-SALOFF; c'était une femme. Elle s'est penchée sur la blessure, a ausculté l' enfant et m ' a fait un signe négatif de la tête. J'ai compris qu'il était perdu. On l'a transporté d'urgence à la Fontonne, en camionnette, parce qu'on n'était pas riche en ambulances, mais il est mort quelques heures plus tard. Sans doute, un petit éclat de bombe avait-il provoqué une hémorragie interne ? Marcel PEREZ, lui, repartit chercher son vélo puis il coupa au plus court, en direction de la voie ferrée, par le chemin qui est devenu l'avenue Jeanne d'Arc prolongée par l'avenue des Magnolias.

Depuis la dernière courbe du chemin, il vit un train immobilisé, juste au dessus du ponceau du Gros Chêne, qui existe toujours. Le train n' avait pas déraillé, mais les wagons étaient très endommagés. On sut, par la suite, que le convoi, venant de Cannes, s ' était arrêté au déclenchement de la première alerte puis était reparti vers la gare de St-Laurent-du- Var, mais avait été surpris par la soudaineté de la seconde alerte, presque immédiatement suivie par la chute des bombes. Plusieurs de celles-ci tombèrent loin des voies mais il semble bien que ce fut le train lui-même et non le pont du Var qui était visé. "En arrivant sur les lieux, lais­sons Monsieur PEREZ poursuivre, je descends de vélo et je vois une dame qui avait probablement réussi à sortir toute seule du train et à qui un docteur, le docteur COLPART, donnait les pre­miers soins. Presque tout de suite est arrivé un ami qui apparte­nait aussi à la défense passive. C'était un cultivateur, un costaud, qui s'appelait Lucien BRUNO. On avait déjà fait équipe ensemble. Il y avait encore très peu de monde sur place mais on s ' est dit qu'il valait mieux ne pas attendre. On a commencé par le wagon de tête, après le tender de la locomotive. Le premier blessé qu' on a trouvé, c' était un soldat allemand, seul dans un compartiment. Il avait une très vilaine blessure à lajambe. En fait, son pied était presque sectionné. Allemand ou pas, il n' était pas question de le laisser là. On a pris une portière qui avait été arrachée du wagon et on s'en est servi comme d'un brancard. C'était très lourd mais on l'a transporté jusqu' à un poste allemand situé sur la RN7, là où, aujourd'hui, il y a une marbrerie".

A ce moment de son récit, Marcel PEREZ nous rapporte un détail qui introduit la seule note un peu légère dans une journée aussi éprouvante: "Mon ami BRUNO avait toujours sur lui une petite bouteille d'eau de mélisse (d'une marque toujours bien connue), à la différence que le contenu était une eau de vie de sa production. Comme le soldat souffrait beaucoup, Lucien me demanda si je ne pensais pas qu'un petit remontant lui ferait du bien. C'était un allemand, c'est vrai, mais il était blessé et il s'agissait d'un geste humanitaire. Je ne pouvais qu' être d' accord et Lucien lui tendit la bouteille; il croyait que l'autre se contenterait d'une gorgée ou deux, mais il la vida d'un seul trait. Alors, en la récupérant Lucien me dit : "tu vois, il a aimé mon eau de mélisse". Après avoir transporté l'allemand, on est retourné au train. Il n'y avait d'ailleurs qu'une centaine de mètres à parcourir. Dans l'intervalle, d'autres sauveteurs étaient arrivés et les secours commençaient à s'organiser. Lucien et moi, on est monté dans un 2ème wagon, on s'est engagé dans le couloir et, dans le 2ème compartiment, on a vu, côté fenêtre, deux voyageurs restés assis, l'un en face de l'autre. J'ai réalisé tout de suite qu'il n'y avait plus rien à faire pour eux et ça m'a terrible­ment secoué, parce que je les connaissais bien tous les deux. L'un était un commandant qui habitait Cannes et était un fidèle supporter de l'équipe dans laquelle je jouais, l'autre était Monsieur SAUVAIGO, le père de Pierre SAUVAIGO, devenu par la suite député- Maire de Cagnes-sur-mer. Par un terrible coup du sort, Monsieur SAUVAIGO allait à Nice, on ne le sut évidemment qu'après, rendre visite à son fils qui était en prison pour faits de résistance, qualifiés d'actes de terrorisme par Vichy et les alle­mands. Lucien BRUNO et moi avons porté les deux corps d'abord sur le ballast, ensuite sur la route. Après quoi, on reprit notre triste besogne. Des victimes, il n'y en eut d'ailleurs pas que dans le train. Sur la route aussi, il y eut des personnes tuées dans les quelques voitures ou camionnettes qui s'étaient arrêtées au mo­ment du raid. Les conducteurs et les passagers, qui en avaient eu le temps, s'étaient allongés sous les véhicules mais, même là, il y eut des morts. Parmi eux, un jeune laurentin qui avait déjà été blessé quelques semaines auparavant. Il ne s'agissait pas d'une blessure banale. En effet, surpris par une attaque aérienne alors qu'il traversait le pont du Var à pied,il s'était couché à plat ventre et fut touché aux reins non par des éclats de bombe, mais par la retombée de gros galets projetés hors du lit du fleuve par la vio­lence des explosions. Ce qu'il y a de plus extraordinaire encore dans cette affaire, c'est que le jour où il est mort, donc le 26 mai 44, c'est encore aux reins qu'il fut atteint, mais il ne s'agissait plus de galets ! Parmi les autres tués, il y eut aussi un chauffeur de taxi de la gare dont la femme attendait un enfant. Il revenait de Cannes où, sur réquisition, il avait conduit des officiers allemands". Monsieur PEREZ reconnut également, parmi les victimes, un champion de boxe réputé. Ensuite, et ce fut aussi très pénible, il fallut transporter les corps au NEROLIUM, transformé en chapelle ardente. Toujours en compagnie de son ami BRUNO, il re­montait avec un charreton l' actuelle avenue du Général de Gaulle quand, à environ 400 m de la gare, ils découvrirent plusieurs corps sans vie. L'un d'eux, se rappelle-t-il avec horreur, avait été décapité et la tête fut retrouvée de l' autre côté de la chaussée. On sut, par la suite, qu' il s ' agissait d' ouvriers qui travaillaient sur la voie ferrée au moment où les bombes commencèrent à tomber et qui avaient cru trouver leur salut en s ' en éloignant. Au contraire, le chef de gare, Monsieur ROSTAGNI, qui s'était, comme à son habitude, réfugié dans un abri en béton en forme de guérite à moitié enterrée, construit sur place, pour deux personnes d' ailleurs, ne fut jamais blessé.

Le destin " comme le dit fort justement Monsieur PEREZ. L' arrivée au NEROLIUM fut très impressionnante, avec tous ces corps alignés et la terrible épreuve de leur identification par les familles ! Il y avait déjà eu des bombardements et il yen eut d'autres également très pénibles, par exemple la fois où 5 femmes furent tuées dans un abri touché de plein fouet par une bombe (le témoignage de Madame GASTAUD permet de dater du 2 août 44 ce tragique événement.) mais cette journée du 26 mai 44, plus que toute autre, restera à jamais gravée dans ma mémoire, conclut Monsieur PEREZ. Heureusement que ces temps sont révolus, du moins en France. Espérons qu'un jour il en sera de même partout ailleurs dans le Monde".

Que Dieu vous entende, Monsieur PEREZ !

 

 

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09:56 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire

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