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11/10/2009

SOUVENIRS DE LA GUERRE 1939-1945 (11) FIN

SAINT LAURENT DU VAR SOUS LES BOMBES (5).jpg

TEMOIGNAGE DE MONSIEUR GEORGES FOATA (ALIAS CAPITAINE MORGAN)

C'est avec Monsieur Georges FOATA que se termine cette série d'entretiens. Les divers témoignages, qui constituent cette pla­quette, nous avaient déjà permis d'apprendre, sous différents as­pects, ce que fut la vie à St-Laurent-du- Var pendant l'occupation. Mais en ce qui concerne la clandestinité et les combats du ma­quis, il était indispensable de rencontrer celui qui, de l'avis de tous, fait autorité.

Comme il n'apprécierait guère que nous parlions de figure em­blématique de la Résistance, disons plus simplement qu'il serait difficile de traiter le problème de la lutte contre l'occupant, tant à St-Laurent-du-Var que dans tout le département des Alpes-Mari­times, sans l'avoir consulté.

Nous lui avions donc demandé de nous recevoir et il a tout de suite accepté, n'ignorant pas que notre démarche s'inscrivait dans la préparation des cérémonies destinées à marquer le 50ème an­niversaire de la libération de St-Laurent, cérémonies dont il est d'ailleurs chargé, par son ami le Maire, Vice-Président du Con­seil Général, d'assurer l'organisation, en coordination avec les différents services municipaux intéressés et l'ensemble des Asso­ciations patriotiques.

M. FOATA était donc, doublement, l'homme à rencontrer. Un seul problème: il n'aime pas parler de lui et, encore moins, " raconter ses campagnes", suivant l'expression bien connue. Pour­tant, à un moment donné, il avait envisagé d'écrire l'histoire du Groupe Morgan... et puis le temps a passé...Cette histoire et ses souvenirs personnels ne manqueraient cependant pas d'intérêt, ne serait-ce que pour sa famille, dans la mesure où, plus tard, ses descendants disposeraient d'une référence et d'une source d'in­formations authentiques qui viendraient s'ajouter (bien que dans un tout autre registre) à l'arbre généalogique des COLONNA DELLA FOATA. Il existe, dressé par un de ses ancêtres, et plonge ses racines dans un passé vraiment très lointain.

M. FOATA nous a montré cette pièce rare, à manier avec précau­tion en raison de son ancienneté. Mais de cela non plus, il ne tire aucune vanité. Pour en venir à l'objet de votre visite, dit-il, le plus simple est de prendre connaissance de la documentation que je vais mettre à votre disposition. Vous me la rendrez après en avoir extrait ce qui vous intéresse. Ensuite, si vous avez des pré­cisions à demander, je répondrai à vos questions. Ainsi fut fait, de sorte que le texte qui suit est la synthèse des documents qui nous avaient été confiés et de nos deux entretiens. Nous n'avons cependant pas utilisé le "journal des marches et opérations" du Groupe MORGAN, constitué en unité militaire lors de la phase finale des combats de la libération, car il aurait alors fallu dépas­ser les limites convenues pour cette plaquette. Toutefois, il sera possible de voir cette pièce officielle, puisqu'elle sera exposée (parmi d'autres), carte à l'appui, dans le hall de l'hôtel de ville, le 27 août 94.

Signalons enfin que le témoignage de M. FOATA confirme la version des faits donnée par nos autres interlocuteurs, notamment en ce qui concerne l'ancien Maire, M. RAVET, au sujet de qui il a, en outre, tenu à nous faire, in fine, une déclaration formelle. C'est ainsi qu'il est tout à fait d'accord avec ce que nous a dit son ami de toujours et ancien Adjoint, M. Marcel CAGNOL, à pro­pos de la naissance du Groupe MORGAN, au début, il s'est agi de la réaction personnelle d'une bande de copains, tous à peu près du même âge, traumatisés par la défaite de 40. C'est presque in­sensiblement que l'idée de « résister » prit naissance bien que les tout premiers contacts aient été pris par Georges FOATA, à Mar­seille, dans les milieux de la Marine et de l'Ecole Nationale d'Hy­drographie, presque immédiatement après l'armistice. De même, aucun de ces jeunes gens un peu exaltés n'aurait pu dire, avec une certitude absolue, quand ils entendirent, pour la première fois, parler du Général de Gaulle et de son appel historique. M. FOATA, quant à lui, se rappelle que ce fut quelque part en mer, dans les jours ou les semaines qui suivirent le l8 juin 1940.

En tout cas, bien vite, il fut évident que l'occupant (avant même que la zone libre ne fût envahie, en novembre 1942) restait l'ennemi. D'autre part, les forces armées allemandes, réputées invincibles, avaient subi leurs premiers revers. Dès septembre 40, il y avait eu l'héroïque "Bataille d'Angleterre" et même, auparavant, fin août, le 1er raid de la RAF sur Berlin, alors que le Maréchal GOERING s'était vanté que jamais la chasse allemande (lui-même était un ancien pilote) ne permettrait un tel sacrilège. Un peu plus tard, en mars 1941, ce fut l'épopée de KOUFRA (même si le fameux serment du futur Maréchal Leclerc ne fut connu que bien plus tard) puis BIR-HAKEIM et les échecs de l'AFRIKA KORPS. Certes, ces informations n'arrivaient en France que partiellement et avec beaucoup de retard, car il n'était pas souvent possible de capter la radio de Londres correctement et, de plus, la propagande et la censure de Vichy et des Allemands tournaient à plein régime. Mais l'impact psychologique, peut-être autant que l'événement en soi, entretenait la motivation et un jour, comme s'il y avait eu un déclic, Georges FOATA et ses amis com­prirent que le moment était venu de traduire leurs intentions en actes.

" Nous avions appris, précise t-il, que, parallèlement au mouve­ment parti de Londres et avant que tous les organismes de la ré­sistance ne s'unifient sous l'égide du CNR(Conseil National de la Résistance) de Jean MOULIN, d'autres mouvements, issus d'associations regroupant essentiel­lement d'anciens prisonniers de guerre avaient commencé à s'or­ganiser". Pour le Sud-Est, la 1ère réunion des responsables ré­gionaux d'un de ces mouvements eut lieu le 15 août 42, au cours de laquelle la décision fut prise de participer activement à l'effort demandé par le Général de Gaulle.

Ce mouvement prit le nom de MNRPG (Mouvement National de Résistance des Prisonniers de Guerre) et étendit rapidement son influence de Marseille à la frontière italienne, tout en mettant l'en­semble de ses moyens, à la fin de 1943, à la disposition de l'ORA (Organisation de Résistance de l'Armée). Les modalités pratiques découlant de cette décision furent arrêtées en février 1944, lors d'une rencontre secrète réunissant le Chef Régional de l'ORA (le futur général LECUYER, alias SAPIN) et les responsables azu­réens du M.N.R.P.G.: M. MERLI (NIKLIMAROT dans la résis­tance) devenu député-maire d'Antibes et M. FOATA qui avait choisi de s'appeler MORGAN. Pourquoi ce nom ? " Parce que, nous dit Georges FOATA, MORGAN fut un flibustier de légende, élu Amiral par les boucaniers et qui, en récompense de ses exploits, fut nommé gouverneur de la Jamaïque. Pour moi, c'était avant tout un marin qui savait combattre aussi bien à terre que sur mer"

Très rapidement, le Groupe MORGAN (dont la dénomination officielle devint, par la suite, " COMBAT MNRPGD, maquis MORGAN". le D ajouté au MNRPG d'origine signifiant: et des " Déportés ") qui comprenait aussi quelques alsaciens insoumis et ressortissants étrangers se vit con­fier toutes sortes de missions périlleuses dans plusieurs villes des Alpes-Maritimes, dont Nice et St-Laurent-du- Var. Mais les réac­tions de l'ennemi ne se firent pas attendre et à plusieurs reprises, une fois identifiés, Georges FOATA et son adjoint, Marcel CAGNOL, recherchés par toutes les polices de Vichy et alleman­des en tant que "terroristes dangereux et armés", échappèrent de justesse à leurs pièges. A ce propos, M. FOATA se souvient de ce qu'il doit à ceux qui (au péril de leur vie, car la répression était féroce) les aidèrent, M. MERLI, Marcel CAGNOL et lui-même, à ne pas tomber dans ces pièges et, une fois au maquis, ravitaillè­rent le Groupe MORGAN tout en contribuant à assurer la sécu­rité de ses déplacements.

D'abord, son propre père qui réussit à les intercepter en gare de Cannes, M. MERLI et lui-même, alors que, revenant de Paris où ils avaient eu des contacts au plus haut niveau, ils étaient atten­dus par la police en gare de Nice, ce dont M. FOATA père avait pu être prévenu. Ensuite, M. COLONNA, facteur-receveur corse de Gattières, dont nous a aussi parlé M. CAGNOL et qui se char­gea, plusieurs fois, de dissimuler et de transporter des armes, ou encore M. Pierre JABOULET, devenu Maire de Carros, qui main­tint une liaison permanente avec le maquis et le ravitailla lors­qu'il fut dans le Cheiron, tout comme le fit Louis PEREZ, le frère de M. Marcel PEREZ.

Pourtant, sur dénonciation d'un traître, Georges FOATA et plu­sieurs de ses amis devaient tomber dans une embuscade, à Gattières, le 6 juin 44 (dans les circonstances rapportées par Mme DEGL 'INNOCENTI ).

Plus tard, en août 1944, alors que les combats faisaient rage et que plusieurs mouvements opéraient aux côtés du Groupe MOR­GAN, la nécessité de l'unité du commandement s'imposa et le Chef désigné pour cette tâche délicate fut Georges FOATA. Là encore, lors de l'exposition du 27 août 94, on pourra consulter le calendrier des actions qu'il conduisit dans tout le département. Il n'est donc pas étonnant qu'après la guerre le Groupe MORGAN fût reconnu "unité combattante" par décision officielle du Minis­tre des armées.

A l'issue de notre 2ème entretien, M. FOATA a tenu à faire la déclaration suivante que nous citons in extenso :

" Je veux rendre un éclatant hommage à M. RAVET, Maire de St-­Laurent-du-Var à l'époque, ainsi qu'à son équipe, qui nous a per­mis, de nombreuses fois, d'utiliser la ville comme PC départe­mental pour des réunions au sommet.

En plus de différentes actions ponctuelles, il avait créé à la mai­rie, avec l'aide de la Secrétaire, par la suite jusqu'en 1980 Se­crétaire-Générale et, aussi, d'un jeune stagiaire devenu Maire, une officine de fausses cartes d'identité au ser­vice de la Résistance.

Louis RAVET était profondément français et était mon ami. Bé­néficiant également de l'aide de SANTONI, garde-champêtre, du chef de la gendarmerie, René MAURE et de l'abbé DECAROLI, il avait fait de St-Laurent-du-Var un lieu sûr, offrant toutes les garanties de sécurité voulues.

Beaucoup de noms ont déjà été cités dans les autres témoignages. Je tiens à mentionner deux laurentins aujourd'hui disparus :

- Ernest FRATTINI

- Vando DEGL'INNOCENTI

qui comptèrent tous deux parmi mes fidèles lieutenants. Et je ter­minerai par le premier mort de cette période du 6 juin au 31 août

- Joseph BUTTELI mort au combat, à Gattières, le 6 juin 1944 et par le dernier :

- Marius PISANO mort au combat le 31 août 1944 à Turini. Une rue de St-Laurent-du- Var, porte aujourd'hui son nom.

CONCLUSION

La lecture de tous ces témoignages est réconfortante. Elle prouve que dans la terrible période de malheur que la France a subie, les laurentins, comme la plupart des Français, ont, dans leur très grande majorité, réagi avec cœur, patriotisme et solidarité.

Certains, dans la clandestinité, ont repris les armes contre l'occupant, d'autres ont résisté en prenant des risques dans leur vie quotidienne, d'autres encore se sont dévoués au ser­vice des plus démunis, d'autres, enfin, se sont concentrés sur la survie de leurs proches. Très peu ont collaboré avec l'ennemi.

Quelle belle leçon pour la jeunesse, apparemment accapa­rée par la recherche des plaisirs, marquée par l'individua­lisme ambiant et, peut-être, trop tentée par les facilités de la vie moderne!

Puisse ce rappel des années noires de l'occupation nous aider à puiser dans l'héritage spirituel que nous ont légué ceux qui se battirent et, pour certains, moururent pour que vive la France, la volonté d'offrir à nos enfants et petits-enfants un XXIème siècle à la mesure des vœux de bonheur dans la paix et la prospérité, mais aussi dans le courage et l'hon­neur, que le Souvenir Français de St-Laurent-du-Var forme pour eux en ce 27 août 1994, car :" Quiconque ne se souvient pas de son passé est condamné à le revivre " (inscription dans le camp de Dachau)

 

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Avant 1860, Saint-Laurent-du-Var était la première bourgade de France en Provence, carrefour historique avec le Comté de Nice. Ville construite entre mer et collines, elle s'étire face à Nice le long de la rive droite du Var, sur 7 kms.

Cité moderne, Saint-Laurent-du-Var n'en oublie pas pour autant ses racines qui font la fierté de ses habitants. Le témoignage le plus probant de cette pérennité du passé reste sans aucun doute le « Vieux-Village », avec ses rues pittoresques et son église romane datant du XI e siècle.

Lieu de transit et de passage commandant la traversée du Var, fleuve alpin particulière­ment capricieux, Saint-Laurent-du-Var a subi les aléas de cette situation géographique et stratégique singulière qui a profondément marqué son destin.

Les inondations, les invasions, les épidémies, les guerres ont rythmé au long des siècles les étapes successives de la formation de Saint-Laurent-du-Var.

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16:31 Publié dans HISTOIRE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire

Commentaires

Bonjour,

L’intérêt que vous manifestez pour le Conseil National de la Résistance
nous conduit à vous signaler le blog :

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Il vous donnera l’élément historique essentiel et plutôt stupéfiant qui est
au cœur de l’ouvrage que nous avons publié en 1995 sur les raisons
profondes de l’élimination physique de Jean Moulin en 1943.

Très cordialement,

Michel J. Cuny - Françoise Petitdemange

Écrit par : Michel J. Cuny | 12/04/2012

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