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20/06/2011

TÉMOIGNAGES DE VOYAGEURS TRAVERSANT LE VAR AU XVIIIème SIÈCLE

 

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Rien ne vaut le récit des contemporains pour décrire la traversée du Var au XVIIIe siècle. Le romancier et médecin écossais Tobie Smollett se rendait à Nice en 1763, espérant trouver dans la douceur du climat une amélioration à une santé éprouvée : « Au village de Saint Laurent, fameux par ses vins muscats, écrit-il à un ami, il y a une équipe de passeurs toujours prêts à guider les voyageurs dans le passage de la rivière. Six de ces hommes, les pantalons retroussés jusqu’à la ceinture avec de longues perches, en main, prirent soin de notre voiture et par mille détours nous conduisirent sains et saufs à l’autre bord.

A dire vrai, cela n’eût pas été nécessaire, mais c’est pour les gens du pays une sorte de revenant bon, et je n’aurais pas voulu courir un risque quelconque, si faible, qu’il pût être, pour le plaisir d’épargner la demi-couronne dont je rémunérais la peine de ces baves gens. Si vous ne gratifiez pas dune pareille somme les visiteurs de la douane de Saint Laurent, ils fouilleront vos malles de fond en comble et mettront tous vos effets sens dessus-dessous. Et ici, une fois pour toutes, je voudrais avertir les voyageurs qui n’ont l’habitude de ne consulter que leur convenance ou leur intérêt, d’être très prodigues de leur argent envers toutes ces sortes de gens, je leur conseillerais même de se laisser un peu écorcher par les aubergistes rencontrés sur leur route, à moins que l’abus ne soit vraiment trop évident. Car si vous vous mettez à discuter avec eux, vous aurez des ennuis à n’en plus finir et vous vous ferez du mauvais sang pour rien. » Depuis les prix imposés ont du bon ! Smollett poursuit :

« Le Var se jette dans la Méditerranée un peu au-dessous de Saint-Laurent, à environ quatre lieues de Nice, il n'existe malheureusement pas de pont en bois, ce serait plus sûr et beaucoup plus agréable.  L'existence de la frontière avec les états sardes crée une situation particulière. Sans doute pour éviter les risques d'invasion d'un bord à l'autre du Var, le passage du fleuve à gué ou par bac est préféré à la construction de ponts. »

Les points de traversée connus sont à cette époque: Saint-Laurent, Gattières, Le Broc et Bonson.

Une douzaine d’années plus tard, le mathématicien suisse Sulzer suit le même itinéraire : « En sortant de Saint Laurent, on rentre dans le lit du Var qui est très large à cet endroit et prouve suffisamment l’impétuosité des crues de ce fleuve. En ce moment, à peine le sixième du lit était couvert d’eau et ce peu d’eau, divisé en plusieurs bras, avec rapidité. A Saint Laurent, des hommes robustes sont chargés de transporter les voyageurs à travers le fleuve. Ces hommes doivent savoir à quelle époque il est possible de traverser le fleuve. On me donna quatre de ces hommes pour ma traversée qui n’était pas dangereuse, l’eau étant très basse, en d’autres temps, on en donnait beaucoup plus. L’un précédait en éclaireur en montrant au postillon les  endroits les plus guéables et trois restaient avec la chaise de poste pour la tenir, afin que le torrent ne la renverse pas. Dans quelques endroits,  l’eau montait jusqu’à l’essieu des roues. Cet accompagnement me coûta quatre livres, quand l’eau est plus forte c’est beaucoup plus coûteux ».

Voici enfin le témoignage de l’abbé Jean-Pierre Papon extrait de son «Voyage de Provence » (1780).

« Le Var est très rapide. Il entraîne le gravier de dessous les pieds et, en été, quand il y a des orages, il grossit  quelquefois prodigieusement dans l'espace de deux heures, à cause des torrents qui tombent des montagnes. La facilité avec laquelle il change de lit d'un jour à l'autre, et souvent plusieurs fois  dans le même jour fait que les étrangers ne doivent pas s’exposer à passer le Var sans avoir des gueyeurs qu'on prend à Saint Laurent du Var quand on vient de  Provence, ou sur le bord opposé quand on vient de Nice.

 Si l'on ne passe ni en voiture, ni à cheval, on s'assied sur l'épaule de deux hommes, qui se tiennent serrés l'un contre l'autre, en prenant réciproquement avec la main le haut de leur veste au-dessus du cou, de manière que l'un pose son bras droit sur le gauche de l'autre , il faut avoir soin de ne pas regarder l'eau : elle est si rapide que la tête tournerait et l'on risquerait de tomber.

A Antibes, on prend un billet du commandant pour sortir de  France, sans quoi, l’on est obligé de rétrograder quand on est à Saint-Laurent.

Rien n’est plus varié que les pierres du Var. Outre les calcaires et les cailloux, on y trouve des morceaux de beau granit, du grès, et une pierre grise veinée de spath. Ces différentes pierres sont tout autant de preuves de la diversité de torrents et de rivières qui se jettent dans le Var. »

A la lumière de ce témoignage réaliste une mise au point historique s’impose, à propos des représentations contemporaines du « gueyeur ».

Le gueyeur statufié en 2000 par Suzan Ledon et Nicole Hennion, qui orne le rond-point au croisement de la rue de l’Ancien Pont et de l’avenue du 11 novembre, restitue-t-il l’image authentique de ces portefaix, chargés jadis d’assurer la traversée du gué du Var, tout comme emblème du « Comité de Sauvegarde du Vieux Village » ? Rien n’est moins sûr !

Si l’on fait foi à ce document d’époque, il semble que le transport des personnes montées à califourchon sur le dos du gueyeur ne relève nullement de la vérité historique, conforme aux règles morales strictes de cette corporation,

Il fallait donc bien la présence de deux gueyeurs pour qu’une personne puisse être chargée et transportée d’une rive à l’autre du Var.

Ce procédé, gage de sécurité évitait d’autre part tout contact charnel avec les porteurs, ceci dans le respect de l’éthique de l’époque.

Ce n'est qu'après la révolution et l'annexion en 1792 du Comté de Nice à la France que le premier pont sera édifié à Saint-Laurent.

 

D’après le livre« Un Peu d’Histoire de Saint Laurent du Var » (Editions Sutton) pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 22 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

Un Peu d’Histoire… évoque quelques moments du passé tumultueux de Saint Laurent du Var. De l’Antiquité à nos jours ces 70 chroniques illustrées permettent un survol varié propre à éclairer l’histoire de la région bien au-delà de celle d’un simple village provençal placé à l’embouchure du Var.

Avant 1860, Saint-Laurent-du-Var était la première bourgade de France en Provence, carrefour historique avec le comté de Nice.

Aujourd’hui ville construite entre mer et collines, elle s'étire face à Nice le long de la rive droite du Var. Cité moderne, elle n'en oublie pas pour autant ses racines qui font la fierté de ses habitants. Le témoignage le plus probant de cette pérennité du passé reste sans aucun doute le Vieux-Village, avec ses rues pittoresques et son église romane.

Grâce à ces chroniques, Edmond Rossi nous entraîne à la découverte de l’Histoire passionnante de Saint-Laurent-du-Var.

Edmond Rossi est depuis son plus jeune âge passionné par l’histoire du Pays d’Azur.

Auteur de nombreux ouvrages, il présente régulièrement des chroniques historiques dans le quotidien Nice Matin et sur les ondes Radio France Bleu Azur.

 

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