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13/10/2012

SAINT LAURENT DU VAR DURANT LA GUERRE 1939-1945, LE RAVITAILLEMENT

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Le département des Alpes-Maritimes subit pendant la guerre de nombreuses pénuries de denrées alimentaires. Les problèmes de transport et le fait que la région ne produise pas des quantités suffisantes en sont les causes.

Le ravitaillement et la production agricole ont tenu une place très importante dans l'activité économique de St Laurent durant cette période. En effet, St Laurent était un village à vocation agricole. On surnommait la ville le « jardin de la Côte d'Azur » en raison des nombreuses exploitations horticoles et maraîchères.

L'instauration des cartes d'alimentation le 6 Août 1940 et la constante augmentation de la liste des produits rationnés favorisèrent le développement du marché noir et du troc. Les restrictions eurent pour conséquences une augmentation des vols. Ainsi, lors de ses délibérations du 15 Mars 1941, le conseil municipal note la « nécessité de nommer un troisième garde champêtre car la population augmente toujours et le service de police est insuffisant, vu les nombreux vols commis dans les propriétés rurales. »

St Laurent accueillait ses voisins niçois désireux d'acheter des légumes. Jacques Auvare rapporte que son père traversa la ville de Nice durant la nuit pour aller acheter des pommes de terre à un agriculteur laurentin. Celui-ci lui accepta. Cela permit à la famille Auvare d'apaiser sa faim et à l'agriculteur de gagner de l'argent. Il est sûr que des petites richesses se sont créées par ce biais.

Même quand ils vendaient leurs produits de façon légale, les agriculteurs avaient des trucs pour gagner plus d'argent. Mme Mathieu raconte que ceux qui vendaient leurs légumes au poids n'hésitaient pas à ajouter une quantité non négligeable de terre. Ainsi, quand on achetait un kilo de tomates par exemple, on achetait bien pour un poids d'un kilo. Mais celui-ci comprenait une bonne dose de terre, en plus des tomates. Les agriculteurs y gagnaient et les clients étaient lésés. De toutes façons, ces derniers n'avaient pas tellement le choix.

Face à tous ses excès, la municipalité prit des décisions énergiques pour tenter de réglementer le commerce des denrées alimentaires. Le 23 Avril 1940, puis le 10 Juillet 1940, le conseil municipal prit un arrêté concernant la fabrication et la vente du pain Le second arrêté obligeait la vente de pain à se faire au poids. Le 13 Septembre 1940, un arrêté fixait le prix de vente du lait. Louis Ravet prit deux arrêtés pour lutter contre le marché noir. Le premier, le 20 Septembre 1941, interdisait les achats à la propriété à qui que ce soit, sur tout le territoire la commune. Le maire était le seul à pouvoir délivrer une autorisation pour les achats familiaux à la propriété. De plus, seul le Syndicat Agricole de St Laurent du Var était habilité pour effectuer le transport des producteurs et de leurs produits. Ce contrôle par Louis Ravet fut jugé excessif. En effet, il était pratiquement la seule personne à disposer du pouvoir décisionnel à propos de la vente de produits agricoles. Etant maire et président du Syndicat Agricole, tout le système reposait sur lui, selon le premier arrêté. C'est pour cette raison que le secrétaire d'Etat au ravitaillement écrivit au Préfet des Alpes Maritimes, le 20 Octobre 1941:

« Le Maire de Saint-Laurent-du-Var a cru devoir prendre, le 20 Septembre 1941, un arrêté qui crée un monopole d'achat en cultures de fruits et légumes sur le territoire de sa commune, au profit du Syndicat Agricole Local dont il est le Président.

Dans l'état actuel de la réglementation, ce texte constitue, à mon sentiment, un abus de pouvoir. En effet, c'est au Bureau Départemental de Fruits et Légumes qu'il appartient, suivant vos instructions et sous votre contrôle, de déterminer quels sont les grossistes expéditeurs habilités à effectuer leurs achats directement à la Production.

En conséquence, j'ai l'honneur de vous demander de vouloir bien ordonner à ce magistrat municipal de rapporter l'arrêté précité et, si vous le jugez utile, donner des ordres au Bureau Départemental de Fruits et Légumes pour que le ramassage des fruits et légumes soit réorganisé en vue d'obtenir le meilleur rendement possible. »

Le Maire dut certainement se conformer aux directives du secrétaire d'Etat. Il prit un second arrêté, le 10 Janvier 1942. Son but était de réduire le marché noir pratiqué avec les niçois. L'article 1 interdisait « aux commerçants, détaillants ou autres, de vendre des légumes et fruits à d'autres personnes que celles ayant leur domicile à St Laurent du Var ». Malheureusement, en dépit de cette politique volontariste, le marché noir continua. Lors des délibérations du 12 Juin 1943, le conseil municipal ne put qu'avouer son manque d'efficacité. Il souligne la « mauvaise volonté » de nombreux commerçants qui se livrent au marché noir, au détriment de leurs concitoyens laurentins.

Pour la municipalité, il n'est pas normal que les habitants de St Laurent ne puissent pas bénéficier de légumes frais. Cette situation est d'autant plus difficile à vivre qu'un arrêté existe bel et bien (celui du 10 Janvier 1942). Mais le maire ne peut que déplorer le fait qu'il ne soit pas respecté et appliqué. Il est conscient qu'il est difficile de résister à la tentation du marché noir, surtout quand la demande est si importante. Le conseil note que « sur 300000 habitants de la Rive droite du Var, 20000 peuvent acheter à la propriété ». Il est clair que les agriculteurs ont de quoi hésiter : fournir normalement les 5000 habitants de St Laurent ou faire du marché noir avec près de 20000 niçois intéressés ?

Dans ses délibérations, le conseil municipal rappelait qu'il se devait d' « empêcher la famine qui nous menace (...) ». Cela montre à quel point les niçois étaient privilégiés par les agriculteurs au détriment des laurentins. La municipalité craignait même que cette situation dégénère. Il fallait « éviter que les citadins se dressent contre les ruraux ». Cette tension était exacerbée par le fait d'être défavorisé par rapport aux niçois. De plus, cet état de fait était dû aux agriculteurs laurentins qui préféraient le marché noir à la vente normale à leurs concitoyens.

La municipalité prit d'autres initiatives pour permettre aux habitants d'avoir un minimum de nourriture. Une soupe populaire pour les enfants fut créée et dura jusqu'à ce que la destruction par les bombardements d'Août 1944 du bâtiment où la soupe était servie.

Les difficultés d'alimentation perdurèrent même après la libération de la ville. Des mesures furent encore une fois prises pour favoriser un bon approvisionnement. Le président du Comité Local de Libération, Eugène Provençal, dut prendre des mesures, d'autant que la presse avait annoncé que le Préfet autorisait les niçois à se ravitailler à St Laurent du Var. Or, les laurentins avaient toujours les plus grandes peines pour se ravitailler en légumes dans leur cité. Il n'y avait effectivement aucun légume en magasins, à cause de « la pénurie des transports et la sécheresse occasionnée par la destruction des canalisations d'eau par les bombardements.»

M. Provençal proposa donc de créer à St Laurent du Var un marché de détail de fruits et légumes. Par conséquent, les agriculteurs, les laurentins et les niçois devaient y trouver leur compte. Le marché étant réglementé, le marché noir devait être supprimé.

Les laurentins avaient accès au marché de façon prioritaire car, de 7 heures à 9h30, seule la population de St Laurent du Var pouvait y acheter des produits. Les voisins (niçois et autres) pouvaient venir de 9h30 à 12h.

Malgré cette création qui devait régler en partie les problèmes de ravitaillement, l'alimentation des laurentins n'était certainement pas très copieuse. Dans ses délibérations du 15 Octobre 1944, le C.L.L. décida «à l'unanimité la mise en adjudication des olives du square public » pour « sauvegarder les ressources de la commune si minimes » fussent-elles ! Ce même jour, M. Provençal indiqua qu'il avait écrit au Préfet pour lui signaler que la ville n'avait pas bénéficié de distributions de viande. Le président du C.L.L. était indigné que St Laurent fut oubliée alors que tout le canton et Nice avaient profité de ce type de distribution.

Extrait du Mémoire d'histoire de Jérémy Thomas

Le mémoire de Jérémy Thomas « Saint Laurent du Var Alpes Maritimes »(Réf : M.M.622.1.THO.1999) esr consultable au « Musée de la Résistance » à Nice La Plaine 1 Bât A2 Boulevard Maurice Slama 06200 Nice Tél : 04 93 81 15 96

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