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03/10/2012

SAINT LAURENT DU VAR DURANT LA GUERRE 1939-1945, LA POPULATION FACE À L'OCCUPATION

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Relations entre la population, les ressortissants italiens et la menace fasciste

Etant donné sa situation géographique et le contexte international, notre région devait craindre une attaque italienne. De ce fait, la tension avec la population originaire de ce pays augmenta. L'incident de la Casa Italiana à St Laurent est représentatif de cette nervosité. Une bagarre éclata entre les personnes réunies ce 13 Avril 1939 au Dopo Lavoro et des réservistes. Les raisons de cet affrontement sont relativement floues. « L'Eclaireur de Nice et du Sud-Est » et « Le Petit Niçois » apportent deux versions différentes.

Dans son édition du 15 Avril, le premier indique qu' « un secrétaire du Consulat d'Italie, M. Jean Piergili, était venu de Nice pour retirer les cartes d'identité à la vingtaine de ses compatriotes rassemblés afin de faire établir les passeports leur permettant de regagner la mère patrie. » Le journal ajoute aussi que les personnes réunies « ne se gênaient guère, au cours des conversations, pour approuver la politique mussolinienne ». L'Eclaireur les qualifie plus loin de « fascistes » mais la raison de la réunion semble plutôt être la visite de Jean Piergili. Le journal n'indique pas qu'il était venu pour faire de la propagande fasciste. Sa venue ne semble être motivée que par des raisons administratives.

« Le Petit Niçois » du 15 Avril n'évoque pas le but de la visite de M. Piergili. Il mentionne sa présence en temps qu'envoyé spécial du « Consulat à la réunion de Saint-Laurent-du-Var ». Il semble sous-entendre qu'avait lieu à la Casa Italiana une réunion fasciste. En effet, selon le journal, il n'y a pas de raison particulière à cette assemblée. La Casa Italiana, selon le Petit Niçois, apparaît donc comme un lieu de propagande fasciste.

Dans les deux cas, les personnes présentes au Dopo-Lavoro de St Laurent sont définies par le terme « fascistes ». Ce jugement est un peu hâtif. Il est vrai que le Dopo-Lavoro est une création fasciste visant à encadrer la population. Cependant, fallait-il être fasciste pour s'y rendre pour demander un passeport ? La réponse est non. Il est possible que certaines personnes y aient affirmé leurs opinions ou soutenu Mussolini. Mais le Dopo-Lavoro permettait également aux ressortissants italiens de se procurer certains produits ou documents officiels. La description des incidents varie encore selon les journaux. « Le Petit Niçois » insiste sur les provocations des italiens de la Casa Italiana : « A ce moment — paraît-il — un Italien se serait présenté devant la porte, aurait brandi un stylet et aurait crié : « S'il y en a un qui a du courage, qu'il vienne. » Ce fut alors la ruée vers l'immeuble. »

« L'Eclaireur » atténue un peu les intimidations italiennes. Il décrit : « Le jeune Charles Berzegio se tenait menaçant, à côté de son père, un couteau à la main. C'est ce qui déclencha la bagarre. ».

Il y a -bien sûr- derrière ces descriptions la volonté de diminuer ou d'augmenter la responsabilité italienne des incidents.

Les journaux apportent aussi deux visions quelque peu différentes sur l'action du maire. « L'Eclaireur », peut-être désireux de faire passer les italiens pour des victimes, note que «M. Louis Bènes, maire de Saint-Laurent-du-Var, président du Conseil d'arrondissement, prévenu harangua les manifestants. Après avoir regretté et désapprouvé l'activité des ressortissants italiens, il exhorta ses concitoyens au calme et à la sagesse. ». Dans « Le Petit Niçois », le Maire n'apparaît pas comme un partisan des manifestants mais simplement comme un arbitre. Le journal veut peut-être mettre en avant le rôle théorique d'un maire qui doit tenter de rester neutre dans ce genre de situation. Par conséquent, il indique que «M. Bènes, maire de Saint-Laurent-du-Var, était avisé et accourait devant la « Casa Italiana » pour exhorter le monde au calme. ».

Cet incident fait apparaître de nombreuses tensions existant déjà plusieurs mois avant la guerre. L'état d'esprit de la population de St Laurent a dû être marqué par cet événement pendant les mois qui ont suivi et encore plus au début de la guerre. En effet, la colonie italienne était très importante dans la population locale. Cette dernière pouvait avoir des doutes sur l'attitude qu'auraient les ressortissants italiens si l'Italie déclarait la guerre à la France.

Ces craintes furent dispersées lors de l'entrée en guerre de l'Italie. Il n'y eut pas de soulèvement anti-français. Cela peut s'expliquer par la présence en France d'italiens qui avaient fui le régime de Mussolini. La bonne intégration de la population italienne peut aussi être une explication. L'échec de l'armée de Mussolini face à la ligne Maginot du département put également décourager les velléités de révoltes des ressortissants italiens.

Après le débarquement en Afrique du Nord, l'Italie occupe la zone sud. Les relations avec les soldats italiens ne laissèrent pas de très mauvais souvenirs aux laurentins. En effet, les italiens n'arrivèrent pas en vainqueurs. C'est logique dans la mesure où ils n'avaient pas réussi à passer la ligne Maginot des Alpes. Les soldats placés à cet endroit furent les seuls de l'armée française à ne pas avoir été battus. Les soldats italiens n'étaient pas craints. C'est en partie pour cette raison que leur arrivée « indifféra » les laurentins. Jean-Louis Panicacci parle même de mépris des azuréens pour ces soldats.

Tous les témoignages insistent sur les liens relativement « amicaux » qui se tissèrent entre la population originaire d'Italie et les soldats. Il ressort des entretiens que les soldats n'étaient pas très contrariants et qu'ils n'avaient pas « d'intentions hostiles».

Evidemment des Italiens aidèrent, plus ou moins concrètement, les soldats d'occupation. Mais l'occupation italienne ne semble pas avoir tellement blessé les laurentins.

L'occupation allemande

On ne peut pas dire de même en ce qui concerne l'occupation allemande. Peut-être l'occupation italienne fut-elle considérée comme plus correcte, à cause de la comparaison avec celle effectuée par les Allemands. Celle-ci a été beaucoup moins courtoise. Il est vrai que le contexte n'est pas vraiment le même : les Allemands ne sont plus autant soutenus par l'Italie depuis le renversement de Mussolini. Leur politique se radicalise à tous points de vue. Pour ces raisons, l'occupation allemande a été moins bien acceptée. Certes, St Laurent n'a pas connu d'exécutions publiques en représailles. Mais, à partir de Novembre 1943, la ville commence à être bombardée, soit seulement deux mois après l'arrivée des allemands. Cette proximité dans le temps peut expliquer le jugement de la population vis à vis de l’occupation allemande. Pour les laurentins, avec les allemands, commence une période plus dure, celle des raids aériens anglo-américains. C'est peut-être à ce moment là que la guerre a touché réellement les laurentins. Ces premiers combats, les premières victimes civiles, les premières destructions ont bouleversé l'existence de la population. L'exposition réalisée pour le cinquantenaire de la libération souligne que « les relations avec l'occupant allemand sont tendues. Les pillages de propriétés et les saccages occasionnés, la destruction de vergers, entretiennent des tensions avec la population laurentine ». Toutefois, les documents concernant cette occupation très rares pour confirmer ces actes. La plupart est liée aux agissements des soldats italiens (pillages, vols...).

C'est peut-être plus les événements qui se sont produits durant l'occupation allemande qui ont marqué les habitants de St Laurent que les actes des nazis. La population n'a pas trop souffert des actions des allemands. Monsieur et Madame Dalselme furent déportés, malgré la proposition d'aide de M. Ravet. Monsieur Gaston Dalselme refusa, pensant qu'il ne risquait rien. Il mourut dans les camps, sa femme survécut.

Extrait du Mémoire d'histoire de Jérémy Thomas

Le mémoire de Jérémy Thomas « Saint Laurent du Var Alpes Maritimes »(Réf : M.M.622.1.THO.1999) esr consultable au « Musée de la Résistance » à Nice La Plaine 1 Bât A2 Boulevard Maurice Slama 06200 Nice Tél : 04 93 81 15 96

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