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08/11/2007

LA CONFRERIE DE MEDUSE

Saint-Laurent, vers la fin du XVIème siècle, du fait de son état de ville frontière, n'était pas un bourg particulièrement gai, y séjournaient une garnison de soldats du Roy chargée de défendre la France, des douaniers chicaneurs, un curé et son vicaire. La vie y était monotone sans distraction ni plaisir. Nos aïeux les plus audacieux passaient le Var et allaient jusqu'à Nice savoyarde pour y faire bombance et y trouver des voluptés faciles, choses que n'osaient faire les fonctionnaires et le clergé laurentins. Aussi vint-il à l'idée de ces malheureux frustrés du sel de la vie, de se grouper pour mettre au point des réjouissances partagées en commun. Ce « club » qui organisait des surprises-parties d'un autre temps, prit le nom de « Confrérie de Méduse .» Certains historiens ont vu dans cette association secrète, les prémisses d'un ordre de type maçonnique, ne révélant qu'un aspect de ses activités sous-jacentes. Les faits nous sont connus par les minutes de l'enquête et du procès qui suivit. En apparence, il s'agissait d'une société de gais noceurs recrutant ses adhérents parmi les gradés de la garnison et des douaniers auxquels vinrent s'adjoindre, l'âme tourmentée, comme membres actifs, le prieur Honoré GEOFFROY curé du lieu et son « secondaire .»  L'affaire débuta en 1700 lorsqu'un dénommé Jean-Jacques LEON se plaignit auprès de Monseigneur CRILLON, évêque de Vence, de ce que le prieur GEOFFROY avait incité sa femme MARIE au libertinage. De l'enquête qui suivit, on apprit que douze personnes de Saint-Laurent appartenaient, conjointement avec le prieur, à une curieuse association « l'ordre ou Sacré Congrégation de la Méduse .» Chacun des frères dissimulait son identité sous un pseudonyme, Frère Prudent pour H. GEOFFOY. Apparemment les délassements que partageaient le prieur et ses « frères » n'étaient pas particulièrement scandaleux si comme le rapporte l'enquête, cela se bornait à manger et boire aux frais de ceux qui manquaient aux règles de la Confrérie. Mais voyons les faits. Les « frères » se réunissaient au cabaret « au frais de celuy d'entre eux qui ne buvoit pas les rasades comme on le luy présentoit. Si l'on disait: à boire! C'estoit une faute il fallait dire: Lampons! Lorsqu'on frappoit du couteau ou doigt sur la table en buvant, il falloit que tous restassent dans la posture qu'ils se trouvaient, autrement c'était une faute; que d'abord après qu'on avoit desservy le fruit, le prieur ou son secondaire se retiroient pour laisser les autres en liberté .» Grâce à un petit ruban rouge « attaché à la veste sous la casaque de manière qu'il sortoit » les frères pouvaient se reconnaître entre eux. D'après l'enquête « sans qu'on détaille les discours infâmes dont on s'entretenait pendant le repas, le prieur portait cette enseigne de la débauche sur son cœur où il ne devait placer que la croix de Jésus Christ et le sceau de son Evangile.» S'agissait-il de libres penseurs? L'emploi d'un langage conventionnel: lamper pour boire, huile pour vin, lampe pour verre n'était-il qu'un jeu pour dissimuler leurs plaisirs aux oreilles des bigots ou les apparences d'un rite secret ? Selon les inculpés le titre de « MEDUSE » venait de l'obligation qu'avaient les convives de rester immobiles « médusés » à un signal convenu. Là encore, il a été supposé que le titre pouvait se rattacher à l'épisode mythologique où MEDUSE, l'une des Gorgones, changeait en pierre quiconque la regardait. Cette explication du secret bien gardé conviendrait à l'interprétation d'une société ésotérique nullement limitée à la pratique de quelques activités bachiques. Durant les repas pris en commun, les frères faisaient preuve d'une vigilance de chaque instant et d'une aveugle discipline. Au signal de « Lampons » il fallait vider son verre jusqu'à « cul sec.» Celui qui ne s'immobilisait pas au signal convenu se trompant par manque d'attention, ou refusait de boire, versait deux sols dans une cagnotte destinée à l'achat de bouteilles et de rôts pour de futures agapes. L'enquête établit que le plaignant LEON appartenait, lui aussi à l'ordre sous le pseudonyme révélateur de Frère INCONGRU. Quels furent les motifs inavoués de sa dénonciation ? La justice épiscopale fut, néanmoins, sans pitié pour le curé rabelaisien, témoin la sentence infligée: « huit mois dans un séminaire à dire trois fois par semaine les sept psaumes de la pénitence pour le repentir de leurs âmes dévergondées et celles de leurs frères de malheur et interdits de toute fonction a divinis.» La rigueur peut étonner si l'on s'en tient aux faits reprochés elle paraît plus normale dans 1 'hypothèse d'un châtiment exemplaire destiné à punir les fidèles d'une secte secrète. On apprendra plus tard que le Chancelier de l'ordre de la Méduse, VERGIER, commissaire de la marine et président du conseil de commerce de DUNKERQUE, fut assailli et poignardé par trois hommes masqués, la nuit du 16 août 1720. Avec lui disparut cette mystérieuse confrérie antérieure à la création officielle de la Grande Loge.

Cet épisode intéressant à plus d'un titre: révélations sur des mœurs marginales, climat de mystère, nécessiterait des recherches complémentaires sur la naissance des sociétés secrètes, à une époque préludant au siècle des lumières.

 

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01/11/2007

REGLEMENT SUR L'ALIMENTATION AU XVIIeme SIECLE

Sous le règne de Louis XIV, une réglementation stricte protégeait les droits des consommateurs. Le village possédait plusieurs négoces d'alimentation: une « magonerie » ou épicerie, une boucherie, deux boulangeries et deux boutiques « autorisées à vendre le vin et l'huile .» « A la requête et en présence des Consuls, par la voix et organe du sergent ordinaire et valet de ville du dit lieu » trois enchères successives faites en place publique adjugeaient « les autorisations.» Le cahier des charges stipulait que « deux particuliers seront tenus d'avoir chacun une boutique et de vendre à pot, à pinte ou à petite mesure du vin et de l 'huile à tous les particuliers suivant les prix fixés par les regardeurs modernes et jurés du lieu.» Le prix ne pouvant excéder deux écus la charge pour le vin et un écu le rupt pour l 'huile. Le bénéfice du tenancier était fixé à douze sols par charge de vin du pays et une livre quatre sols pour le vin importé, pour l'huile à douze sols par rupt. L'approvisionnement de la « magonerie » devait comprendre « vermicelles, riz, saumon, fromages, poissons salés, viande de cochon fraîche et salée, mélisse, eau de vie et généralement d'autres petites denrée moyennant quoi le fermier était autorisé à prélever un bénéfice ne pouvant excéder cinq pour cent.» « La banque de boucherie » devait vendre la livre de mouton et de veau de deux ans, trente deux deniers; celle de menon deux sols deux deniers, celle de chèvre et de brebis quatorze deniers, et les foies et têtes quatre sols.» « Les regardeurs » fixaient les prix fluctuants de la viande de bœuf et de « vedelle » et refusaient l'abattage des boucs et des « arrats. » « L'arrentement de la paneterie » précisait la nécessité de la vente « du bon pain blanc et bis » au prix fixé par les regardeurs avec pour gain vingt cinq sols « par charge de blé.» A condition de verser « quinze sols par charge de blé » aux adjudicataires au titre de taxe, les particuliers pouvaient pétrir et vendre leur pain. Mais « il n'était pas permis à quelque personne que ce soit, de porter du pain du dehors pour le vendre, manger ou débiter en ce lieu de Saint-Laurent, à peine de confiscation et d'une amende de trois livres.» La Communauté possédait un four « à cuire le pain » dont chacun pouvait disposer moyennant une redevance de « vingt pains un » c'est à dire le vingtième de la fournée. L'organisation de la Communauté était régie par une assemblée générale des habitants, réunie le jour de la Saint-Étienne. Un conseil était désigné, composé de deux Consuls (sorte de Maire et Adjoint), d'un trésorier, de deux « auditeurs » vérificateurs des comptes du trésorier, de dix sept membres représentants des chefs de famille, d'officiers de la Communauté (gardes champêtres) chargés de faire respecter les règlements communaux. Etaient également mis en place « les regardeurs jurés » (vérificateurs des poids et mesures), l'un d'entre eux possédant la balance étalon, une romaine, d'une « portée de dix huit rupts » « poids de table » pour peser les denrées alimentaires des particuliers soupçonneux. Au travers de ce règlement, il est intéressant de noter quelle pouvait être l'alimentation quotidienne de nos aïeux soumis déjà à un statut de protection du consommateur.

 

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