L'Anglais SMOLETT visita Nice en 1763, il nous a laissé une curieuse description de la traversée du Var, avant la construction, sous la Révolution, de l'ancien pont en bois. « Au village de Saint-Laurent célèbre par ses vins muscats. Il y a une équipe de passeurs toujours prêts à guider les voyageurs dans le passage de la rivière. Six de ces hommes, les pantalons retroussés jusqu'à la ceinture, avec de longues perches en main, prirent soin de notre voiture, et, par mille détours nous conduisirent sains et saufs à l'autre bord. A dire vrai cela n'eut pas été bien nécessaire, mais c'est pour les habitants du pays une sorte de revenant-bon, et je n'aurais pas voulu courir un risque quelconque, si faible qu'il put être pour le plaisir d'épargner la demi-couronne dont je rémunérais la peine de ces braves gens. Si vous ne gratifiez pas d'une pareille somme les visiteurs de la douane de Saint-Laurent ils fouillent vos malles de fond en comble et mettront tous vos effets sens dessus-dessous. Et ici une fois pour toutes je voudrais avertir les voyageurs qui n'ont l'habitude de ne consulter que leur convenance de leur intérêt d'être très prodigue de leur argent envers toutes ces sortes de gens, je leur conseillerais même de se laisser un peu écorcher par les aubergistes rencontrés sur leur route, à moins que l'abus ne soit vraiment trop évident. Car si vous vous mettez à discuter avec eux, vous aurez des ennuis, à ne plus finir et vous vous ferez du mauvais sang pour rien. Le Var se jette dans la Méditerranée un peu au-dessous de Saint-Laurent, à environ quatre lieues de Nice, il n'existe malheureusement pas de pont en bois, ce serait plus sûr et beaucoup plus agréable ». L'existence de la frontière avec les états sardes crée une situation particulière. Sans doute pour éviter les risques d'invasion d'un bord à l'autre du Var, le passage du fleuve à gué ou par bac est préféré à la construction de ponts. Les points de traversée connus sont à cette époque: Saint-Laurent, Gatti ères, Le Broc et Bonson. Ce n'est qu'après l'annexion en 1792 du Comté de Nice à la France que le premier pont sera édifié à Saint-Laurent. Extrait du journal de voyage du Suisse SULZER: « Viaggio da Berlino a Nizza e ritorno da Nizza a Berlino » (1775): « De Cagnes, en moins d'une demi-heure on rejoint St. LAURENT, petite cité de la rive droite du Var. Ce fleuve est la frontière entre la Provence et le Comté de NICE, entre la FRANCE et l'ITALIE, on fait en ce lieu un vin muscat très délicat, assez connu sous le nom de St. Laurent. Je dus, à cet endroit, montrer mon passeport pour pouvoir quitter la France, et je devais aussi laisser visiter mes bagages. Mais la simple affirmation de ma part que je ne transportais des marchandises d'aucune sorte suffit à m'en exempter. En sortant de St. Laurent, on entre dans le lit du Var, qui est très large à cet endroit et prouve suffisamment l'impétuosité des crues de ce fleuve. En ce moment, à peine le sixième du lit était recouvert d'eau et ce peu d'eau, divisé en plusieurs bras, coulant avec rapidité. A St. Laurent des hommes robustes sont chargés de transporter les voyageurs à travers le fleuve. Ces hommes doivent savoir à quelle époque il est possible de traverser le fleuve. On me donna quatre de ces hommes pour ma traversée qui n'était pas dangereuse, l'eau étant très basse, en d'autres temps, on en donnerait beaucoup plus. L'un précédait en éclaireur en montrant au postillon les endroits les plus guéables et trois restaient avec la chaise de poste pour la tenir, afin que le torrent ne la renverse pas. Dans quelques endroits, l'eau montait jusqu'à l'essieu des roues. Cet accompagnement me coûta quatre livres, quand l'eau est forte, c'est beaucoup plus coûteux ». « Géographie de Provence » de M. Achard (1787) : « Les armes du village sont un gril, les habitants sont doux et affables. Le terroir est en plaine, planté d'oliviers et de vignes qui donnent du très bon vin. Le village contient environ 300 habitants, il était entouré de murailles, elles sont détruites en partie. En 1707, le 2 juillet, les troupes impériales commandées par le Duc de Savoie, le Prince Eugène et sept autres princes alliés, saccagèrent Saint-Laurent à la réserve de l'église et de la maison curiale, il ne resta que deux paysans dans le village et le prieur qui s'appelait Geoffroi. »
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