28/11/2012
SAINT LAURENT DU VAR DURANT LA GUERRE 1939-1945, LA LBÉRATION
Face au débarquement allié en Provence, les Allemands n'opposèrent pas une farouche résistance. Ainsi, les laurentins n'eurent pas beaucoup de difficultés pour libérer la ville, à l'exception du tragique affrontement ayant coûté la vie à Abonnel et Ledieu. En effet, dès le 24 et 25 août, la majorité des soldats du Reich s'étaient repliée vers Nice, emportant avec eux une partie des batteries de DCA. D'après les témoignages recueillis, c'était une débâcle pour les Allemands. Les Américains pensaient s'arrêter sur la rive droite du Var. Mais, l'insurrection de la ville de Nice obligea les troupes alliées à traverser le fleuve. Heureusement pour St Laurent car la ville se serait retrouvée sinon prise entre deux feux (les tirs de DCA allemande située à Nice et ceux des alliés).
Les Américains ne purent pas rejoindre la rive gauche du Var en passant par un pont. Tous avaient été détruits. De plus, lors de leur retrait vers le chef-lieu du département, les arrière-gardes allemandes incendièrent la passerelle (ou pont des Pugets), le soir du 27 Août 1944. Les soldats durent franchir le fleuve à gué :
Les laurentins rencontrèrent quelques petits problèmes avec les troupes militaires de passage dans la ville.
Les soldats américains, notamment commirent quelques dégâts dans les plantations des agriculteurs laurentins. Jean Maria raconte sa mésaventure dans un procès-verbal de gendarmerie nationale en date du 8 mai 1946 :
« Lors du débarquement des troupes américaines vers la fin août 1944, celles-ci ont campé dans ma propriété. Elles y sont restées une huitaine de jours environ et avaient camouflé leurs chars et camions sur une parcelle de terre cultivée d'oignons d'une superficie de 1200 m2. De ce fait ma plantation a été complètement abîmée et j'ai subi un préjudice de 74.000 francs. Pour camoufler leurs véhicules, ces troupes ont sectionné des arbres fruitiers de mon voisin Barnoin Lucien.»
L'adjoint au maire François Giusti confirma les faits. Toutefois, il est surprenant que le procès-verbal survienne si tard.
Parmi les dégâts causés par les Américains, on peut également citer ceux commis chez Emile Dechame. Il les décrit dans le procès-verbal de gendarmerie nationale du 15 Novembre 1946 :
« Je suis propriétaire d'une parcelle de terrain de 6000 m2 au quartier la « Condamine » à St Laurent du Var. Aussitôt après la libération, les troupes américaines ont creusé un vaste entonnoir dans ma propriété, c'est-à-dire, ils ont enlevé et transporté avec leurs camions la terre sur 40 m de long, 33 m de large et 1 m de profondeur. Cette terre a été utilisée au pont du chemin de fer sur le fleuve le « Var » (..) »
Les gendarmes constatèrent qu'il y avait une excavation dans le terrain en nature de verger de M. Dechame (...) d'environ 25 m de long, 15 m de large et 1 m de profondeur. La majeure partie de cette excavation avait été comblée par de la terre rapportée après. Les dégâts étaient estimés par Dechame à 100.000 francs. On remarque encore une fois que le procès-verbal a lieu beaucoup de temps après les faits.
Mais ce ne sont pas les seuls cas de plainte tardive. Mme Vve Colas, née Ugo Irène, explique son cas dans un procès-verbal daté du 13 Janvier 1946 :
« Après la libération sans pouvoir préciser la date exacte dans le courant du mois d'Août, les Américains sont venus s'installer dans ma villa sise au plateau de Calliste à St Laurent du Var (AM). Ces derniers sont entrés avec effraction en brisant la porte d'entrée principale. Dans tous les appartements ils ont pénétré de la même façon en faisant sauter les serrures et les peines de portes à coups de hache.
Pendant l'occupation de mon domicile durant 4 ou 5 jours environ, les Américains se sont emparés de toutes matières consommables et notamment de nombreux objets divers qu'ils ont emportés pour leurs besoins personnels.
Après leur départ ces militaires ont laissé tout ouvert après un pillage en règle de ma maison. »
La liste des objets pillés au domicile de cette employé de mairie est très longue et très variée. On remarque des pulls, une écharpe, une robe de femmes, deux nappes, des serviettes de table, un tailleur, trois chemises de nuit homme, une paire de bas en soie, une pince à ongles, une louche, trois culottes de femme, un missel, un fer à repasser, sept bouteilles de Champagne, dix-huit bouteilles de Chateauneuf du Pape 1933, deux Bordeaux, un rhum vieux, vingt bouteilles Montaleigne Rouge Blanc 1933, etc. On peut imaginer que les soldats aient dérobé certains objets (les bouteilles par exemples) mais le vol de tenues féminines a de quoi laisser sceptique.
Les marchands de vin connurent des réquisitions de vin à la libération, pour le compte du groupe Lorrain, de passage dans la commune le 27 Août 1944 et pour la Compagnie Morgan le 10 Septembre 1944.
Extrait du Mémoire d'histoire de Jérémy Thomas
Le mémoire de Jérémy Thomas « Saint Laurent du Var Alpes Maritimes »(Réf : M.M.622.1.THO.1999) esr consultable au « Musée de la Résistance » à Nice La Plaine 1 Bât A2 Boulevard Maurice Slama 06200 Nice Tél : 04 93 81 15 96
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24/11/2012
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21/11/2012
SAINT LAURENT DU VAR DURANT LA GUERRE 1939-1945, LA RÉSISTANCE ARMÉEE
La résistance armée, une réussite due à son organisation et un climat favorable.
Dans son discours fait pour le cinquantenaire de la libération de St Laurent du Var le 27 Août 1994, Me Pierre Pasquini insiste sur le choix au combien difficile qui se posait en 1940. Quel camp fallait-il choisir ?
« (...) La libération, c'est une fin. La libération, c'est un résultat. Mais auparavant, auparavant il fallait se battre. Et auparavant aussi, il fallait faire quelque chose de beaucoup plus difficile dans la France de 1940. Avant de se battre, il avait fallu choisir. Mon dieu, que ce choix était difficile !
Entre les appels à la résignation d'un Maréchal qui fut la gloire d'une guerre précédente et l'appel du 18 Juin d'un Général encore inconnu qui, seul, démuni de tout, et qui se représentait comme un homme au bord d'un océan qu'il lui aurait fallu franchir à la nage, et qui en fait, comme Churchill, ne pouvait promettre à ceux qui allaient le suivre que du sang, de la sueur et des larmes.
Oui, qu'il était facile à cette époque de dire « J'attends » et combien furent nombreux ceux qui le firent. Qu'il était hasardeux et merveilleux de dire « Je me bats ». Et oui, vous de l'intérieur, nous de l'extérieur, nous avons fait le même choix, le choix du combat, mais ce choix s'identifiait au choix de l'honneur. Est-ce que nous étions plus courageux que d'autres, est-ce que des gens qui se trouvent à cette tribune, et notamment notre ami Morgan, étaient des exaltés d'un type particulier ? Ce n'est pas vrai. Nous étions aussi des gens qui avions peur (..) »
La résistance laurentine a pris donc aussi la forme d'une opposition armée. Des jeunes formèrent un groupe qui portait le nom de leur chef, Morgan. Georges Foata « Morgan » n'avait pas choisi ce nom par hasard. Interrogé par un journaliste dans l'édition laurentine de « Nice-Matin » du 25 Août 1994, il s'explique :
« Flibustier de légende (..) (Morgan), en récompense de ses exploits, fut nommé gouverneur de la Jamaïque. C'était avant tout un marin qui savait aussi bien combattre à terre que sur mer ». Il est vrai que Morgan était une figure admirable pour Foata qui était en 1939 élève officier de marine.
La création du groupe était, à l'origine, une « réaction personnelle d'une bande de copains, tous à peu près du même âge, traumatisés par la défaite de 40 ». Pour Georges Foata, le nombre de membres du groupe était très faible au début. Il estime à une douzaine le nombre d'exécutants, c'est-à-dire les personnes mobilisables à tout moment. Le groupe comptait aussi des sympathisants qui pouvaient distribuer des tracts.
Il était composé principalement de jeunes. Leur chef avait seulement 18 ans lorsque la guerre fut déclarée. Certes, Morgan n'était pas le plus âgé mais il disposait d'une expérience peut-être supérieure, ayant été élève officier de marine en 39.
Le groupe s'est formé à partir du rejet de la défaite. Toutefois, d'autres événements amenèrent de nouveaux soutiens. La politique de collaboration de Vichy, l'arrivée des soldats allemands dans la zone sud et surtout le STO poussèrent de nombreux jeunes à s'engager dans la résistance.
Le groupe Morgan bénéficia du soutien du maire, Louis Ravet, que Morgan connaissait bien, avant la guerre. La mairie fournit donc volontairement et gratuitement des locaux aux « assemblées » du groupe, de Janvier 43 en Août 44. Le bureau du maire servait de lieu de réunions. Pour Georges Foata, cette aide fut inestimable. Dans son discours prononcé pour le cinquantenaire de la libération de St Laurent, Georges Foata rappelle que le groupe Morgan avait fait de St Laurent sa base logistique et qui avait grâce à Louis Ravet pris une ampleur qui lui permit de réussir les missions qui lui avaient été confiées.
Tout concourrait à faire de St Laurent « une plate-forme occulte » de la résistance. En effet, le curé Decaroli appartenait lui aussi à un réseau. C'était vraisemblablement un agent de liaison. Il fut lieutenant des services de Renseignements. Ses amis de la région frontière l'aidèrent grandement jusqu'à la fin de l'occupation nazie puisqu'il avait été chargé de la paroisse de Breil-sur-Roya en 1936.
Arrivé à St Laurent en 1941, l'abbé Decaroli fut aussi un « soldat de la Résistance », un sauveteur et compagnon de détresse des victimes des terribles bombardements de la ville. « Son inlassable énergie, dans ces épreuves, est restée légendaire dans la cité du bord du Var. La croix de guerre 1939-1945, la médaille de la Résistance vinrent honorer — fort justement —ce soldat modeste et fraternel»
Le groupe Morgan bénéficiait également de l'aide du chef de gendarmerie Maure, des six gendarmes, du garde champêtre et même du receveur des postes.
Ainsi, l'association du maire, des gendarmes, du curé dans le combat assurait un climat de sécurité favorable à la résistance. Pour Morgan, sans eux, St Laurent n'aurait pas tenu
Le cloisonnement du groupe Morgan explique, en partie, sa réussite. Seules quelques personnes connaissaient tous les membres. Par conséquent, certains ne savaient pas que d'autres aidaient effectivement la résistance. Je m'en suis aperçu lors des entretiens : seul Georges Foata savait que Monsieur et Madame Locchi avaient aidé le groupe. La structure mise en place par Morgan devait assurer l'efficacité. Il s'entoura donc de sous-officiers efficaces. L'entraînement aidait la motivation de ses troupes.
Les faits de résistance
St Laurent n'a pas connu de faits de résistance extraordinaires. Il y a eu des actions visant les esprits. Ce sont, par exemple, les graffitis ou les distributions de tracts qui viennent appuyer la propagande de bouche à oreille. On note les distributions de tracts à St Laurent le 8 Janvier et le 22 (ou 23) Mars 1943. Ce jour-là, furent diffusés les tracts « Maurice Thorez s'adresse au peuple de France ».
Les résistants faisaient surtout des actions de renseignements (transmission de plans de défense du littoral, par exemple). Ce n'étaient bien sûr pas la forme de résistance la plus spectaculaire mais son résultat permit d'aider de façon non négligeable les alliés. Les bébés et leurs landaus furent de nombreux prétextes pour le passage de tracts, de courriers voire d'armes de St Laurent à Nice. Les formes de ces moyens de transports permettaient de cacher des tracts dans la partie inférieure du landau.
Il y eut également des transports et caches d'armes auxquels le maire participa et la fabrication de faux papiers par la mairie comme cela a été indiqué précédemment.
Malgré le fait que le groupe Morgan ait eu des armes, il n'y a pas eu d'attentats contre des soldats d'occupation. Toutefois, Me Moschetti a évoqué un attentat contre le commandant italien. Cette tentative d'assassinat aurait échoué, seul un soldat italien aurait été légèrement blessé. MM. Brun et Hébert ont mentionné le décès d'un soldat italien. Ce qui est étonnant, outre le manque de preuves, c'est la position du capitaine Morgan. Il était opposé à toute action pouvant tuer un soldat d'occupation car cela aurait entraîné des représailles. Le risque de voir menacer les Laurentins aurait été trop grand en cas d'un attentat contre un soldat ou un officier étranger. Il semble peu probable que le groupe Morgan ait pu tenter une action de ce genre sans en avoir informé son chef. De plus, des punitions sévères auraient touché la population. Or, d'après le témoignage de Me Moschetti, l'Etat Major italien n'aurait pas réagi très vivement à cette affaire. Seuls quelques ressortissants italiens auraient été entendus puis le calme serait revenu.
Les actions de résistance à St Laurent se sont manifestées également sous la forme de sabotages. Ainsi la résistance tenter de gêner les agissements des occupants ou des représentants du gouvernement de Vichy. Le 27 Octobre 1943, une explosion endommageait la voie ferrée au PK 215 936. Le 1er Juillet 1944, c'était le tender d'une locomotive qui était saboté à St Laurent. Evidemment ce genre d'actions avait pour but de perturber l'ennemi, en troublant les transports. •
Les sabotages concernaient aussi les lignes téléphoniques. C'était sans doute le fait de résistance le plus tentant et le plus facile à commettre. Le 13 Janvier 1943, dans une lettre adressée au préfet, le maire de St Laurent s'inquiétait à ce sujet :
« L'Armée Italienne a installé des lignes téléphoniques sur plusieurs kilomètres de long. Ces fils sont à portée de la main, à un mètre cinquante du sol. Il suffit que quelqu'un, pu par malveillance, la nuit coupe un de ces fils pour que toute la Commune soit inquiétée. Toutes choses que je voudrais pouvoir discuter avec un représentant officiel de l'armée italienne. »
Louis Ravet avait conscience qu'il était très simple et très rapide de couper une ligne téléphonique. Avec une pince coupante, la ligne était sectionnée en deux points, puis il ne restait plus qu'à enlever le fil coupé. C'était d'autant plus pratique à effectuer que les fils étaient vraiment bien apparents et accessibles. Situés à un mètre cinquante du sol, n'importe qui pouvait les couper. Pour toutes ces raisons, il n'est pas étonnant que les lignes téléphoniques militaires aient été sabotées les 14 et 24 Septembre 1943.
On note que le 12 ou 13 Avril 1944, les pylônes n°5 et 6 de la ligne à haute tension furent détruits par explosion. On peut supposer que cet attentat avait été organisé par la résistance locale, qui devait posséder des explosifs.
Le nombre d'actions de la résistance à St Laurent est faible, ce qui est logique pour une ville de cinq mille habitants. De plus, le groupe Morgan s'étant basé dans l'arrière-pays, les actions armées à St Laurent même ne pouvaient être qu'épisodiques. On ne dénombre donc que cinq sabotages entre Juin 41 et Juin 44. Contrairement à Nice, les objets d'attentats étaient très peu nombreux. Le groupe Morgan s'occupa de transports d'armes et d'explosifs de Fayence à Carros et Gattières. C'est sur la route de cette ville qu'une embuscade visa Morgan et ses hommes, le 6 Juin 1944. Joseph Butelli, un chauffeur de taxi laurentin qui aidait le groupe, fut tué. Le capitaine Morgan fut blessé au bras.
Le rôle du groupe dans les combats de l'arrière-pays fut très important. Le MNRPGD maquis Morgan fut d'ailleurs reconnu « Unité combattante » par décision du ministre des Armées (bulletin officiel du ministère de la guerre) en 1963. En effet, il fut chargé, après la libération de St Laurent, d'aller au contact de l'ennemi au col de Turini. Un jeune membre du groupe, le laurentin Marius Pisano, fut tué au Pra d'Alart (la Bollène-Vésubie) le 31 Août 1944. Le groupe Morgan se cotisa pour payer une pension à sa mère jusqu'à la fin de ses jours. Celle-ci était en effet très pauvre et était aidée financièrement par son fils.
Pour ses nombreux faits de résistance, le groupe Morgan fut honoré très rapidement après la libération du littoral. Ainsi, le journal « Combat » du Samedi 16 Septembre 1944 indiqua que le Comité Départemental de Libération avait félicité le capitaine Morgan, « considéré à juste titre comme le roi du maquis des Alpes-Maritimes ». Dans la cassette « La résistance dans les Alpes-Maritimes », Morgan souligne que la résistance a peut-être été surestimée par les Allemands. Ce facteur psychologique a évidemment joué en faveur des résistants.
A St Laurent même, il n'y eut que deux laurentins tués par les soldats d'occupation. Gabriel Abonnel et Jean-Clément Ledieu appartenaient au groupe Ravet. Le 27 Août 1944, ils furent tués alors qu'ils guidaient deux engins blindés de la 1ère Special Service Force Américano-canadienne. Ils se dirigeaient vers le square où se trouvait le monument aux morts. Malheureusement, l'imminence de la libération avait peut-être réduit leur vigilance et ils ne virent pas le nid de résistance allemand, caché à cet endroit. Les Allemands s'enfuirent ou se rendirent face à la riposte alliée. Dans son édition du 21 Octobre 1944, le journal « Combat » mentionna les obsèques de Jean-Clément Ledieu, « agent général de fabriques, bien connu dans les milieux sportifs, tombé le 27 Août sous les balles allemandes ».
Plusieurs résistants furent décorés de la Croix de Guerre le 12 Septembre 1948 par le Général De Gaulle en visite à St Laurent. Parmi ceux-ci, on note l'abbé Decaroli, Vando Degl'Innocenti, Robert Locchi, Joseph Capra, Dominique Pinotti et Ernest Frattini.
Extrait du Mémoire d'histoire de Jérémy Thomas
Le mémoire de Jérémy Thomas « Saint Laurent du Var Alpes Maritimes »(Réf : M.M.622.1.THO.1999) esr consultable au « Musée de la Résistance » à Nice La Plaine 1 Bât A2 Boulevard Maurice Slama 06200 Nice Tél : 04 93 81 15 96
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