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14/11/2012

SAINT LAURENT DU VAR DURANT LA GUERRE 1939-1945, UNE VILLE FAVORABLE AU RÉGIME DE "VICHY" OU À LA RÉSISTANCE ?

SAINT LAURENT D'ANTAN (44).jpg

Il n'est pas aisé de répondre à cette question. La censure dans la presse et le manque de documents ne permettent pas d'éclairer nettement la situation. En effet, il est évident que la presse favorable à Vichy n'a pas forcément évoqué tous les faits de résistance. Elle les a minimisés ou elle a omis volontairement de les mentionner. Par contre, elle a peut-être exagéré les manifestations d'attachement au régime du maréchal Pétain. Les actions de résistance étant clandestines et illégales, les résistants n'ont pas laissé de preuves de leurs actes. C'est logique dans la mesure où cela pouvait leur causer de graves problèmes s'ils étaient démasqués. Il convient donc de nuancer et de rester réservé vis à vis des sources.

Dans sa lettre du 7 Octobre 1944, adressée à M. le Président du Comité d'Epuration à Nice, M FARAUT met en cause le maire élu en 1935, Louis Bènes :

« Courant 1934 du mois d'Août en Octobre, à la grande surprise de la population de St LAURENT et avec le soutien et autorisation visible du Maire de cette Commune (M.BENES) un centre de réunion "Dopo Lavoro" à tendance nettement anti-française fut créé.

Donc dès lors grâce à ce Maire, St LAURENT fut doté d'un groupement fasciste qui déploya toute son activité et travailla au vu et au su de tout le monde contre les Français, contre la France.

En 1940 après la venue de Pétain au pouvoir, il s'empressa de dénoncer de nombreux patriotes qui l'avaient combattu dans les manifestations nettement fascistes et chez lesquels la police mobile alla perquisitionner. Huit d'entre eux furent envoyés dans les camps de concentration.

Il ne peut nier en avoir été l'instigateur, la commune ne possédant pas de commissaire de police.

En tant qu'une de ces huit victimes et ayant une confiance absolue, Monsieur le Président, dans les décisions que vous aurez à cœur d'édicter comme dans tous les cas qui vous sont soumis, veuillez agréer, Monsieur, nies très respectueux sentiments. »

Ces accusations sont démenties par un courrier du commissaire principal, chef du service des RG adressé M. le directeur départemental de la Police à Nice, fait à Cannes le 16 Février 1945 :

« Tout d'abord lors de la création courant 1934, du "Dopo Lavoro" à St Laurent du Var, M BENES se rendit à la Préfecture pour s'y opposer. Là, on lui déclara qu'on ne pouvait l'empêcher. Dès lors, il lui fut impossible de lutter contre l'institution de cet organisme.

A notre connaissance, jamais il n'a fréquenté les éléments fascistes italiens. D'autre part courant 1939, en tant que Maire de St Laurent, il fut appelé à fournir la liste des communistes, réclamée par le Gouvernement de la République.

Il n'a pas été possible de déterminer le bien fondé des allégations de M. FARAUT Ce dernier d'ailleurs, Président du FN de St Laurent, est réellement communiste.

Malade physiquement, il est assez aigri. Lors de la Libération, il aurait convoité la place de Président du CDL local. Actuellement, il voudrait former à St Laurent une commission d'épuration.

M. BENES est assez bien considéré dans la localité. Au point de vue politique, il est de tendance modérée, sans appartenir à aucun parti politique défini.

Arrêté après la libération, il a été relâché par suite de l'intervention de son gendre, M GUERIN Marc, Instituteur à Vence, Chef de la Milice Patriotique locale.

A noter que les maisons que possédait M Bènes à St Laurent ont été détruites par les divers bombardements.

D'autre part, à Vence, où il réside depuis plusieurs mois, il n'a jamais attiré l'attention et ne manifeste aucune activité politique.

Sa conduite et sa moralité sont bonnes.

Signé : GERAUD

Vu et transmis.

Le Commissaire Principal, chef de service »

La position de Louis Bènes n'est donc pas vraiment favorable à Vichy. Il est vrai que le Dopo Lavoro a été créé par les fascistes italiens mais Louis Bènes n'a pas voulu l'installation de ce lieu de réunion. L'accusation de M. Faraut semble être due à la rancœur : il tient responsable M. Bènes de son arrestation. Il se peut que M. Faraut ait été arrêté après que M. Bènes ait fourni la liste des communistes de sa commune sur laquelle il figurait vraisemblablement. Toutefois, s'il a été arrêté, c'est sans doute plus en raison de son appartenance au parti communiste qu'à cause du maire.

On peut penser que le conseil municipal aurait pu collaborer à l’œuvre de reconstruction voulue par la Révolution Nationale. Mais il était composé de républicains de gauche avec certains membres du Front Populaire. A sa tête, Louis Bènes était considéré comme trop modéré. Par conséquent, ils furent remplacés par Vichy. Ce changement est bien la preuve que les agissements de la municipalité n'étaient pas forcément appréciés par l'État Français, et inversement.

La délégation mise en place par Vichy correspondait évidemment à sa volonté. Les conseillers étaient théoriquement en adéquation avec les idées du régime. Ainsi, Louis Ravet fut choisi pour la fonction de maire en raison de son passé militaire et de ses opinions politiques. Il aurait appartenu aux Croix de feu puis au Parti Social Français. Or, les concepts défendus par Vichy étaient très proches de celles énoncées par ces deux mouvements.

On peut donc s'interroger sur la position de cette délégation vis à vis de la politique de l'Etat Français, au début de son installation. Elle semble être fidèle à Pétain, sauveur de la France en 1940. Dans son discours d'investiture, Louis Ravet adhère aux bases de la Révolution Nationale. Il déclare :

« Messieurs les conseillers municipaux, votre rôle, pour être moins absorbant n'en est pas moins indispensable à notre collectivité; chacun sous sa sphère d'influence apportera les idées nouvelles que vous aurez à proposer, ces idées nouvelles sont celles de la Révolution Nationale sous l'égide du Maréchal Pétain. »

L'attachement à Vichy est confirmé lors de la séance du 27 Décembre 1941. Le conseil présente ses vœux au maréchal. Ce n'est peut-être qu'une forme de politesse mais il adhère certainement encore aux idées. Néanmoins, ayant été placé par Vichy à la tête de la municipalité, Louis Ravet aurait été mal vu s'il avait critiqué la politique de l'Etat Français. Puisque politiquement ses opinions sont proches de celles de Pétain, ses vœux peuvent être considérés comme sincères :

« Le conseil municipal de St Laurent du Var réuni en assemblée ordinaire le 27 Décembre 1941, se faisant l'interprète de toute la population, a l'honneur de prier Monsieur le Maréchal Pétain, chef de l’Etat Français, de vouloir bien agréer l'expression de ses hommages les plus respectueux.

Il se permet de lui adresser ses vœux les plus sincères à l'occasion de la nouvelle année. Il souhaite ardemment que sa santé reste toujours florissante pour lui permettre de continuer et d'achever l’œuvre de la Révolution nationale.

Il est persuadé que sous son auguste autorité luira bientôt l'aurore d'une France nouvelle, une et indivisible.

Il l'assure qu 'il trouvera auprès de tous les membres du Conseil et auprès des habitants, le dévouement le plus absolu à l’œuvre qu a entreprise. »

Les vœux sont également adressés au Préfet. Le conseil lui assure que St Laurent aidera la Révolution Nationale.

Toutefois, il est difficile de connaître la position de la population. Si, dans les souhaits, le conseil municipal se fait « l'interprète de toute la population », cela ne peut pas se vérifier. Mais il est vrai que Pétain bénéficiait d'une grande côte de popularité.

Dans sa lettre du 28 Novembre 1944, Eugène Provençal, alors maire de Saint-Laurent-du-Var, accuse Louis Ravet de ne pas avoir été résistant en 1941-1942 « Il est juste et prudent que les collaborateurs des Municipalités de VICHY disparaissent une fois pour toutes des organisations actuelles. Tel Maire, après 1 an ou 2 de collaboration avec VICHY est passé à la Résistance parce que la victoire de l'ALLEMAGNE lui paraissait très incertaine.

A ST LAURENT, en particulier, Monsieur RAVET a collaboré très nettement en 1941­1942. Il a reçu le sinistre DARNAND avec éclat (enfants des écoles etc...)»

M. Provençal n'était peut-être pas au courant de l'engagement dans la résistance de M. Ravet à partir de 1942. Sa lettre soulève pourtant de bonnes interrogations. Peut-on dire que la municipalité installée par Vichy a collaboré ? Elle a, sans nul doute, affirmé son attachement à la Révolution Nationale. La quasi absence des sources concernant la collaboration de ce conseil municipal ne permet pas d'éclaircir ce point. Eugène Provençal évoque aussi la venue de Darnand dans le cadre d'une cérémonie de la Légion. Le 10 Août 1941, celui-ci a remis à la section laurentine de la Légion un fanion.

L'adhésion de la population à cette manifestation est très important. D'après « L'Eclaireur de Nice », presque tous les habitants de St Laurent y assistent :

« La population de Saint-Laurent a manifesté une fois de plus à cette occasion, son attachement à la patrie, et sa résolution de suivre le maréchal Pétain dans son oeuvre de redressement. »

Evidemment on doit nuancer cette description, qui n'est pas nécessairement objective. Le journal rapporte aussi que les membres du conseil municipal sont tous des légionnaires. C'est indiqué à deux reprises dans l'article. On peut nuancer cette information en indiquant que Mme Dulla étant une femme, elle ne pouvait pas appartenir à la Légion, mais aux Amis de la Légion. Le capitaine Moreau en est le chef de la section locale. Ce n'est, en fait, pas surprenant de voir les conseillers municipaux choisis par Vichy lors de cette cérémonie. Tout d'abord, ils n'avaient sûrement pas le choix. La venue du chef départemental de la Légion était un événement auquel ils se devaient d'assister. Ayant été choisis en raison, notamment, de leur appartenance politique, cette manifestation ne devait pas les heurter.

Le problème est de savoir jusqu'à quel stade et jusqu'à quelle date ils ont « collaboré ». Le terme n'est peut-être pas le plus à propos. On devrait se poser la question : quand et pourquoi ces conseillers se sont-ils détachés de la tutelle de Vichy, si toutefois c'est le cas ? Force est de constater que les documents sont très peu nombreux à ce sujet. Seuls les témoignages apportent des informations, mais elles concernent principalement le maire, Louis Ravet. Celui-ci aurait monté courant 1942 un réseau de résistance dont le centre était la mairie.

La position des autres conseillers municipaux reste floue. Il n'a pas de traces de leur appartenance à la résistance.

« La mairie », pôle de résistance

On ne peut pas dire que tous les employés de la mairie ont participé ou aidé la résistance locale. Ce pôle se résume à un petit noyau composé du maire Ravet, de la secrétaire adjointe Mme Mathieu et de quelques personnes dont Marc Moschetti, engagé alors comme stagiaire. L'une des clefs du succès de ce groupe est la solidarité des employés de la mairie. Certes ils n'étaient pas tous au courant, mais ceux qui se doutaient de quelque chose ont gardé le secret, « ils n'ont jamais trahi » selon Mme Mathieu.

L'action de résistance de la mairie a été multiple. Des armes ont été cachées dans le coffre situé dans le bureau du maire, avant d'être envoyées au maquis. Des faux papiers ont été fabriqués pour éviter aux jeunes de partir au Service du Travail Obligatoire. C'est le cas pour M. Hébert, mobilisé au début de la guerre, qui bénéficia d'une carte le présentant comme agriculteur. Il put donc rester à St Laurent. Me Moschetti estime à plus de 250 le nombre de fausses cartes d'identité délivrées par la mairie. Il a même fabriqué la sienne ! Les nom et prénom portés sur ces fausses pièces d'identité devaient comporter les mêmes initiales que les vrais nom et prénom afin de faciliter l'apprentissage de la nouvelle identité.

L'action de la mairie a été importante dans la détention volontaire de matériel d'impression cachets, timbres et faux papiers, la fabrication habituelle et non rétribuée de pièces d'identité pour les membres de la résistance et le transport et la détention volontaire d'armes dans un mouvement de résistance.

Pour permettre aux réfractaires et aux maquisards de survivre, des tickets d'alimentation furent détournés. Cela ne priva pas la population puisque les tickets, soi-disant perdus dans de leur transport, étaient alors remplacés par l'administration.

Une autre facette de la résistance de Louis Ravet est l'aide qu'il a apporté à plusieurs familles juives. Evidemment, les documents relatant ces faits sont très peu nombreux. On ne peut qu'émettre des hypothèses. Ainsi Louis Ravet a accordé un sauf conduit à Mme Constante Meyer née Maron le 30 Juillet 1942. Elle voulait partir pour les Etats-Unis afin d'aller vivre avec ses enfants par suite du décès de son mari. Mme Meyer était née en 1875 en Allemagne et de nationalité allemande. La communauté évangélique réformée avait fait une attestation en 1938 certifiant qu'elle et son mari (décédé depuis) étaient protestants et non juifs. Le nom de famille peut supposer une appartenance à la communauté israélite, toutefois ce n'est pas une preuve suffisante. De même le certificat pouvait être un faux. Il est donc quasi impossible de trouver des documents d'époque démontrant l'aide de Louis Ravet aux familles juives. Néanmoins, son action ne peut être mise en doute. L'Etat d'Israël l'ayant reçu bien des années plus tard pour lui rendre un vibrant hommage

« Le Comité International de la Croix-Rouge nous a priés, à la requête de sa famille, de rechercher :

Nom et Prénom : Ernest Aghion

Adresse : St Laurent du Var (A. -M)

Nous vous serions obligés de nous faire connaître : son adresse actuelle, la date de son départ de la commune. »

Le Maire répond le 30 Mai 44 « l'intéressé et sa femme ont été arrêtés par la police allemande en tant qu'israélites. Il y a 5 mois environ. Nous n'avons pas d'autres nouvelles.»

 

Extrait du Mémoire d'histoire de Jérémy Thomas

 

Le mémoire de Jérémy Thomas « Saint Laurent du Var Alpes Maritimes »(Réf : M.M.622.1.THO.1999) esr consultable au « Musée de la Résistance » à Nice La Plaine 1 Bât A2 Boulevard Maurice Slama 06200 Nice Tél : 04 93 81 15 96

 

07/11/2012

ISABELLE BLANCHARD A SAINT LAURENT DU VAR: UN BILLET D'HUMEUR DES ANTIPODES

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Isabelle Blanchard est une pure Laurentine, exilée toute jeune en Australie avec sa famille. Chaque année elle revient vers sa terre natale, le temps des vacances, avec le ferme espoir de se réinstaller un jour dans ce qui fut le « paradis » de son enfance.

Aujourd’hui, elle s’inquiète de l’évolution trop rapide de sa ville et nous interpelle avec une perception toute personnelle d’une réalité qui nous est devenue familière.

  

BILLET D’HUMEUR DES ANTIPODES

 

Un matin alors que le soleil n’était pas encore réveillé, je décidais d aller me promener et revoir mon petit bout de village où mes grands parents avaient vécu.

Je retrouvais la petite maison de mon enfance, jusqu’à l âge de 16 ans, avec son mélange d’odeur de vieux et de neuf.

Pour moi, de nos jours Saint Laurent du Var suffoque avec tous ses immeubles accumulés souvent fades et sans goût, remplaçant les jolies villas disparues.

Jadis, on y sentait encore le citronnier l’oranger, la lavande dans un cadre agréable où tout était tranquille.

Marchant vers le vieux village, je reconnus beaucoup de monde, là rien n’avait changé.

Si l’on parle de la crise de l’euro et du manque de logement, on sent encore dans les rues le parfum du pain chaud avec de jolis gâteaux dans les vitrines !

Pus loin, j’aperçus un nouvel immeuble en construction avec son odeur de ciment frais et déjà le panneau « A Vendre ».

En fait Saint Laurent n’est pas très grand et le charme de cette jolie ville disparait « Si tu savais Mémé !»

Je parcours et tourne dans les petites ruelles du vieux village où mes grand parents habitaient au n°66 de la rue Honore Geoffroy.

Je retrouve les même fenêtres et la même façade ! Ah je suis contente, je perçois cette douce humidité de mon enfance, quand je me mettais àla fenêtre.

« Cette enfant est pénible » disait ma mère, « vous voyez vous lui passez tous ses caprices » ajoutait ma grand mère.

Revenant au présent, je marche vers la place de la Fontaine et le quartier du « Babazouk », l’eau ne coule plus à la fontaine où je buvais et trempais les pieds l’été.

Je m’avance pour lire un panneau de permis de construire ! Là aussi ! Avec tout l’espace disponible ailleurs ! On a enlevé ma fontaine, notre fontaine ! On s’attaque à la maison où habitait mon amie ! Pourquoi faire ça ? C’est comme enlever la fontaine de Saint Paul de Vence, mais là ils ne le feront pas.

Je suis en larmes et j ai mal au cœur . Soudainement la colère m’envahit. Quelqu’un me rassure « On la remplacera. » Cette fontaine datait de 1954,. Ce sera n’importe quoi, avec du ciment neuf.

Je reste plantée là pendant dix bonnes minutes à me dire pourquoi tous ces immeubles, un centre commercial vide, une plage ou pas, des bateaux et un port payant, vers quel futur ? Pour élargir à tout prix nos vies ?

Nous sommes devenus riches en biens superficiels mais pauvres en biens spirituels.

Heureusement je sens encore dans les petites maisons la bonne odeur de ratatouille et le vieux village s’anime encore lors de joyeuses fêtes.

Très chers anciens vous avez su conserver votre mode de vie, votre culture, votre cuisine et en mémoire tous les bons moments. Mais aussi le souvenir de la faim et de la guerre que vous avez connues sans avoir peur du lendemain. Même si Saint Laurent change et évolue vous ne changez pas, si votre cœur bat en regardant encore le ciel bleu, c’est bon signe !

  

Isabelle BLANCHARD

 

 

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20/10/2012

A SAINT LAURENT DU VAR, DENISE ROSSI UNE FIGURE EMBLÉMATIQUE DE L'ÉCOLE

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DENISE ROSSI : UN TIERS DE SIECLE DANS LES ECOLES LAURENTINES

De sa nomination à Saint Laurent en 1960 à sa retraite en 1987, l’institutrice et directrice a vu passer dans sa classe près de 800 petits Laurentins.

Portrait d’une figure de la commune

« Je n'ai jamais supporte qu'un enfant me quitte fâché. J'ai toujours été sérieuse et sévère dans le travail. Quand j'avais des remarques à faire, je les faisais. Mais je terminais la journée sur du positif. Les enfants devaient venir contents à l'école. »

Denise Rossi est devenue à sa manière une « figure» de la commune, En 33 années d'enseignement et de direction d'école, en quasi-totalité à Saint-Laurent, elle a vu passer dans sa classe près de 800 petits Laurentins. Impossible de sortir dans les rues de la ville sans rencontrer un an­cien élève.

« J'ai par exemple eu le plaisir d'avoir dans ma classe le pre­mier adjoint au maire actuel Léopold Mayen, qui vient tou­jours gentiment m'embrasser.» Denise est fière de ses élèves. « Il y a eu des grosses têtes. Un garçon est devenu un grand trader international, la sœur du docteur Marcucci sera chirurgien de la main à Caen. »

Mais Denise était attachée à tous ses élèves.

« Je n'ai pas eu d'enfants. C'étaient mes enfants. »

Elle se souvient être interve­nue contre le mariage d'une de ses élèves maghrébines à 14 ans par son père.

« Elle avait peur, cette petite. J'ai remué ciel et terre. Ils ont fini par l'enlever à son père pour empêcher qu'il la marie. »

Née en 1932, Denise (Lebrun à l'époque) est arrivée à Saint ­Laurent à l'âge de quatre ans. Sa famille avait quitté Paris à cause de la santé d'un de ses frères, atteint de tuberculose.

Quand la guerre a éclaté, elle avait 8 ans et était écolière au quartier de la gare puis au village (à gauche sur la photo).

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« Des années noires, dit-elle. En 1942, mon père est mort d'une longue maladie, laissant ma mère veuve avec trois enfants et de petits moyens. À dix ans, j'ai passé le concours des bourses pour pouvoir entrer au lycée de filles de Nice. Comme mon collègue et ami Louis Pel­legrin dans la même promotion, mais chez les garçons. » Pendant la guerre, sa maison est éventrée par un bombardement. Heureusement seul son frère s'y trouvait, à l’abri dans la cave.

Finalement, Denise ne sera pas assistante sociale comme elle le voulait au départ.

« J’ai fait une année d’école de commerce à Magnan. On m’a dit de passer le concours de prof, mais ça ne me disait rien du tout.  Sur proposition de Virgile Barel (1), j'ai travaillé un an comme journaliste au quotidien. "Le Patriote” Je suis tombée sur une annonce pour le recrutement d'institutrices assistantes. À l’époque, on avait grand besoin d'instituteurs. » C'est ainsi qu'elle devient ins­titutrice en 1954, année où elle épouse Edmond Rossi, lui aussi communiste, qu'elle a rencontré au « Patriote » où il tra­vaillait également comme journaliste. Elle débute dans l'arrière-pays, puis effectue plusieurs remplacements dans le département avant d'être nommée en 1960 à l'école du centre (2) garçons puis filles. Elle devient directrice, « L'école avait six classes. Deux ans après, elle en était à onze. »

ECOLE DU CENTRE  1968 DENISE INSTITUTRICE.jpg

En 1978, elle est nommée di­rectrice de l'école Castillon qui vient d'ouvrir aux Pugets. « Juste avant la rentrée, l'ar­chitecte m'a remis une boîte à chaussures pleine à ras bord de clés. Devant mon air effaré, les employés des services techni­ques de la mairie m'ont assuré qu'ils m'aideraient à trouver les bonnes serrures. »

Quand l’école Castillon2 est construite, elle refuse d’être la directrice de l’ensemble du groupe scolairedirectrice de l'ensemble du groupe scolaire.

« Je ne voulais pas être dé­chargée totalement  Je voulais continuer à enseigner. J'ai été la première directrice d'école de la commune à avoir une photocopieuse et des ordina­teurs en classe. Quand je vou­lais obtenir quelque chose, je demandais, parfois avec des contreparties. La bibliothèque, je l'ai obtenue en acceptant un centre aéré dans l'école. »

En 1987, elle prend sa retraite. Mais elle devient déléguée dé­partementale de l'Éducation nationale pendant quelques années jusqu'en 2010.

« Pour continuer à défendre l'école laïque. »

Elle garde d’excellents souvenirs de ses années d’enseignement et de direction d’école.

« On préparait de belles fêtes pour les fins d'année scolaire. À Noël aussi, et on me faisait des cadeaux surprises ... »

Presque élue, elle renonce à être conseillère municipale

Denise Rossi a failli deve­nir conseillère munici­pale. « Quand on est enseignant et directeur d'école, on est très connu et on représente un po­tentiel relationnel et élec­toral. »

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Candidate sur une liste d'union de la gauche en 1977 et en position d'être élue à l'issue du premier tour, elle cède sa place au deuxième tour à François Daniel, qui de­viendra conseiller muni­cipal d'opposition face la municipalité Mo­schetti. Pour ne pas voir son temps et son énergie monopolisés par la politique, et pouvoir se con­sacrer pleinement à son métier et à son foyer. Malgré des opinions politiques divergentes, elle garde un bon souvenir du maire Marc Moschetti. « Lui et ses adjoints aux écoles, M. Natter puis M. Revel, ont toujours fait le maximum pour les éco­les. À chaque fois que j'al­lais le voir en mairie en délégation avec les pa­rents d'élèves, il ne man­quait jamais de rappeler qu'il m'avait connue pe­tite, qu'il allait à l'école avec mes frères, qu'il esti­mait beaucoup ma mère. Une vraie scène de théâ­tre! »

Du maire Léon Bérenger en revanche, elle garde un souvenir amer. « J'ai vu ma mère pleurer parce qu'elle manquait d'argent. Le maire l'avait licenciée. Et il avait écrit à l'employeur de mon frère Jacques pour, se plaindre qu'il faisait de la politi­que. »

LAURENT QUILICl

Iquilici;nm@gmail.com

1. -Instituteur communiste devenu député du Front populaire avant la guerre, puis emprisonné sous Vichy, il était à la tête de l'administration de la ville de Nice à la Libération.

2. - Devenue Michelis 1

  

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