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20/09/2014

LE VIN DE LA GAUDE, COMPARABLE AU NECTAR DES DIEUX

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La Provence peut s’enorgueillire d’être la plus ancienne région viticole de France.

Les vignes, probablement introduites par les Phocéens, y poussaient déjà six siècles avant Jésus Christ.

Connu depuis l’antiquité, grâce aux Romains qui développèrent la culture de la vigne, le vin de La Gaude connaîtra ses lettres de noblesse au XVlle siècle.

Il est alors cité en termes élogieux comme un cru d’exception.

On se plait à dire qu’en août 1696, alors qu'il se trouvait en campagne contre le duc de Savoie, le maréchal Catinat, reçut du gouverneur de Nice, quelques barriques de vin gaudois qu'il trouva « admirable et bien au-dessus de tous les vins de France ».

Au XIXe siècle, l'écrivain Paul Arène rendit hommage à ce nectar, en parlant « des éclairs du vin de La Gaude qui illuminaient le cerveau » !

Dans la première partie du siècle dernier, un professeur du Vaucluse rédigea dans une très sérieuse revue de viticulture une minutieuse étude portant sur l'analyse du sol, des cépages et du climat de la commune de La Gaude.

Pour cet éminent scientifique, « le cépage de La Gaude donnait un vin d'une grande finesse qui se rapprochait du vin de Bordeaux».

Au cours des vingt premières années du siècle dernier, le cru gaudois connut un véritable apogée. Dans les salons bourgeois, on le dégustait comme un Porto et d'aucuns le trouvaient même plus fin que celui de Bellet.

En 1920, le cépage de La Gaude que l'on exportait à l'étranger se trouvait en tête des vins de Provence répertoriés dans le célèbre agenda vinicole de Vermorel.

Dix ans plus tard, les cours commencèrent à baisser avec l'arrivée de vins bon marché, du Roussillon et de l'étranger.

Plus tard, le développement de l'industrie de la parfumerie remodela le finage et de nouvelles cultures apparurent dans le Pays Vençois. Les vignes furent arrachées et laissèrent la place au jasmin et à la rose de mai.

Durant le second conflit mondial, les agriculteurs ne trouvèrent plus de sulfate de cuivre indispensable au soin de la vigne. Le lent déclin amorcé à l'aube du XXe siècle se confirma alors.

Aujourd'hui, il ne reste hélas que peu d'espace consacré à la vigne. Seuls de rares villageois la cultivent encore pour leur consommation personnelle.

Il est cependant toujours possible de visiter les anciennes caves du village qui évoquent le temps où le vin de La Gaude faisait partie du patrimoine provençal.

Extrait de l’ouvrage d’Edmond ROSSI « Histoires et Légendes des Balcons d’Azur » (Éditions Campanile) disponible en contactant edmondrossi@wanadoo.fr

04/09/2014

LES PÉNITENTS BLANCS À SAINT LAURENT DU VAR

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Le 20 mars 1306, à l'initiative des Frères Prêcheurs de Gênes (probablement des Dominicains) était fondée à Saint-Laurent la Confrérie des Pénitents Blancs (Les confréries de pénitents ont joué et jouent encore un grand rôle en Provence et dans le Pays Niçois. Ces associations mi-religieuses, mi-civiles prirent la suite des Compagnies pieuses que suscitèrent au XIIIème siècle Saint-François d'Assise, Saint-Dominique et leurs ordres mendiants ).

 

La lecture des statuts de cette association révèle des règles très précises de recrutement, de fonctionnement et de protocole lors des cérémonies religieuses.

 

Il s'agit d'un cadre de vie morale qui régit la vie quotidienne des Frères au sein de la société. Quand on sait que la majorité de la population masculine faisait partie de cette confrérie, on comprendra mieux l'importance de ces préceptes dans l'existence personnelle de chacun de ses membres. Ce texte rédigé en provençal date du 29 mars 1587 (Statuts de la Confrérie des Pénitents Blancs, Archives départementales des Alpes Maritimes, Série E, Confréries, Liasse III).

 

Le lieu de réunion de cette pieuse association est situé à la Chapelle Saint-Antoine, détruite voici quelques années pour permettra l'élargissement du carrefour des routes allant vers Montaleigne et la Baronne; ce carrefour en a conservé le nom: Place Saint-Antoine.

 

Ils se distinguent par la couleur de leur cagoule ou « capa ». La tradition médiévale des pénitences publiques a imprégné fortement ces confréries.

Il était d'usage à cette époque d'effectuer un pèlerinage pieds nus, tête rasée, entravé de fers aux chevilles, pour obtenir l'absolution d'un crime « à scandale », Le rachat était refusé pour l'idolâtrie, l'homicide et l'adultère. Les pénitents reprendront ces rigoureuses mortifications en y ajoutant la flagellation, le jeune et d'autres macérations.

Les Frères se réunissent à l'appel de la cloche chaque dimanche, ils doivent obéissance totale à ceux qu'ils ont élus comme le « priou » et le « souto priou » (père prieur et vice-prieur).

Ils sont tenus d'assister à la messe au moins deux fois par semaine, de jeûner chaque vendredi, les quatre jours précédant les fêtes de la Vierge Marie, ainsi que tous les autres jours prévus par l'Eglise. Ceux qui ne pourraient jeûner sont dispensés moyennant une aumône dont la valeur est estimée par le confesseur. Ils communient au moins quatre fois l'an et leur présence est indispensable lors des fêtes de Noël, Pâques, Pentecôte et mi-août.

 

Les mariés doivent vivre chastement les liens du mariage; les célibataires doivent rester « purs et nets ». Tous doivent éviter les tavernes et les lieux « disonests » ainsi que la pratique du jeu et les conversations et familiarités avec les personnes de mauvaise renommée ( !).

Le premier dimanche du mois, après-midi, le prieur et son second donnent audience et jugent les litiges relatifs à la Compagnie. Aucun membre ne peut s'arroger le droit de juger lui-même ses propres erreurs.

Ne sont acceptés comme novices que les candidats de plus de 18 ans, parrainés par la majorité des Frères après enquête sur l'honnêteté de leur vie privée.

Après avoir juré fidélité aux règlements, le novice revêtira la cagoule et portera le brandon enflammé lors des messes célébrées dans la chapelle.

La hiérarchie s'établit ainsi: prieur, vice-prieur, conseiller officiers, frères, novices.

Toute absence injustifiée entraîne l'élection d'un remplaçant et la rétrogradation du sanctionné.

Lors de la maladie grave d'un Frère, les Pénitents doivent encourager le malade à purifier sa conscience. Si celui-ci trépasse, une enquête de moralité déterminera s'il peut être enterré vêtu de la « capa » les mains en croix avec son fouet dans la main droite, accompagné par la Confrérie, torches en mains. Suivront des messes de requiem.

Une caisse de solidarité permet d'aider les Frères sans moyens ni nourriture.

Le choix du prieur et du vice-prieur se fait par un vote de l'ensemble des Frères qui élisent trois représentants, lesquels désignent ensuite avec les anciens élus: huit conseillers, lesquels élisent douze officiers, deux « massiers », deux secrétaires (tabularis) deux visiteurs, deux « massiers », deux secrétaires des morts, et ceci chaque année, le jour de Pâques.

Les pouvoirs du prieur et du vice-prieur sont seulement limités par la volonté du confesseur; ils ne doivent pas obliger les Frères à commettre un péché (!) mais fouetteront les indisciplinés. Ceux qui n'assistent pas aux obsèques paieront trois sous. Ceux qui blasphèmeront paieront chaque fois un brandon du meilleur bois et seront fouettés par le prieur et les conseillers. Celui qui quittera la chapelle sans y être autorisé paiera un brandon de « deux quarts ». Sera exclu celui qui refusera une charge.

Les statuts sont lus à des dates définies quatre fois l'an; les absents paieront un brandon pour servir aux messes.

Au-delà de 60 ans, la flagellation n'est plus obligatoire. Interdiction de sortir la cagoule hors de la chapelle sans autorisation du prieur. Toute exclusion est irrévocable. L'accès de la chapelle est interdit aux étrangers à la Confrérie. Si un Frère joue aux cartes, aux dés ou autres jeux interdits, il paiera la première fois 4 livres d'amende, 8 la seconde fois et sera exclu à la troisième récidive.

Les statuts obligent les confrères à la flagellation une fois par mois, en principe le premier dimanche.

Les torches de cire jaune de ces cagoulards de la vertu s'éteignirent au XIXème siècle. Reflets d'une autre époque, quelques rares confréries de pénitents subsistent encore dans le pays niçois.

 

Rappelons que la paroisse s'appelait ND de Majour fête patronale le 8 septembre. Elle possédait les reliques de Saint-Benoît (un os de la jambe). Sous le pavé de

l'église étaient enterrées les familles de La Vie et Vians. Il fallait régler 3 livres pour ce privilège.

Les Laurentins peu respectueux se servaient « des maisons démolies, proches de l'église, pour y faire du fumier et jeter des immondices ». (Godeau 1654).

En plus de la chapelle Saint-Antoine, en 1699, il est cité la chapelle d'une confrérie des pénitents noirs « hors les murs et au-dessus des moulins ». Elle était connue sous le titre de N.D. des Neiges ou vulgairement N.D. de la Rive. Elle avait urie relique de Saint-Laurent conservée dans un médaillon, datée de mars 1771, par l'évêque de Nice. Cette chapelle a été détruite dans les années 80 pour édifier un immeuble, rue des « Anciens combattants d’AFN ».

Autres chapelles signalées: celle de Saint-Roch, sur le chemin de Cagnes, détruite déjà au XIXème siècle, celle de Saint-Jacques chemin des Pugets, celle de ND de la Pitié, vers le Cros, détruite celle de ND du Lac, côté mer, vers le Var au-delà de la chapelle Saint-Sébastien. (Monographie des Paroisses. G. Doublet 1903).

On comptait 300 communiants en 1654, 330 en 1683.

En 1654, l'église fut restaurée ainsi qu'en 1850.

Les ordres des Pénitents furent institués pour les Blancs par Godeau, et, pour les Noirs par Bourchenu (deux évêques de Vence).

En 1759, selon le prieur, la dévotion n'est pas ranimée pour autant: « Le voisinage de Nice cause beaucoup de désordre: de là tous ces pêcheurs scandaleux, ces usuriers, ces femmes débauchées, ces libertins qui travaillent le dimanche, ces cabarets ouverts pendant les offices ».

 

                                                     EDMOND ROSSI

( Extrait de « Saint Laurent du Var, Porte de France » Éditions SERRE, Nice 1980)

29/08/2014

ÉVOCATION D'UN SAINT LAURENT DU VAR DU PASSÉ

LE CLOCHER DE L'EGLISE VERS 1938.jpg

 

Ici autour des leurs châteaux, les maisons villageoises se sont assemblées, à flanc de rocher, serrées les unes contre les autres, formant enceintes percées de quelques portes donnant accès à un labyrinthe de calades, pontis, ruelles et placettes.

Sublimes sur leur socle ou leur piton rocheux, ces vil­lages sont typiques de la région, comme de tous les pays méditerranéens, haut perchés pour échapper à la mer et à ses envahisseurs, les Barbaresques, les Maures, les Sarrasins, au début du XIXe siècle, ils venaient encore, dit-on, razzier les filles entre Nice et Antibes.

Pendant près de vingt siècles, entre les pillards de la mer au sud et les traînards des armées venues de l'est ou de l'ouest, l'une chassant l'autre, la Provence a été un pays périlleux, parcouru par des bandes. La tradition en était encore vive il y a cinquante ans, où l'on appelait la route de Saint-Jeannet à Saint-Laurent-du-Var la « route des brigands », en raison de sa solitude boisée, propice à l'agression. N'est-ce pas sur cette route que, par trois fois entre 1960 et 1970, fut attaqué le four­gon blindé transportant la paye du Centre de recherche I.B.M. de La Gaude ? Aujourd'hui, la corniche sur le Var est devenue une banlieue résidentielle où les villas se succèdent sans interruption.

Cette menace incessante fit qu'ici les paysans ne se bâtirent pas de grosses fermes isolées où vivre en per­manence, mais de simples abris agricoles, cabanons, bastidons, rentrant le soir s'enfermer dans le repaire de leur village où veillait à la porte, à la tour ou au clocher, le signadour. Il était bien le seul à la regarder, la mer, dans sa méfiance. Ce sont les voyageurs des arts et des lettres, les touristes, les résidents, les retraités, les étrangers, qui en ont inventé l'obsession, tournant vers elles les terrasses et les façades de leurs villas. L'homme du pays, le paysan, ne l'a jamais recherchée ainsi, tourné qu'il était, lui, vers la montagne où étaient échelonnées ses terres par planches ou terrasses aux murs et murettes de pierres sèches. Travaillées de main d'homme depuis des millénaires, elles ont donné au paysage laurentin ses aspects d’immenses escaliers à flanc de collines ou de baous, campagnes plantées en oliviers et orangers. Orangeraies et oliveraies souvent retournées aujourd'hui à l'état sauvage dans un fouillis de hautes herbes et de basses branches chargées de fruits amers, la jusquiame blanche, la plante des maléfices, poussant vivement entre les pierres éboulées des murettes.

Pendant des siècles, l'usage laurentin fut de se rendre le matin à sa campagne- à moins que la pluie ne retienne au logis - et d’en repartir le soir pour souper et dormir au village. Cette manière de vivre déter­minant les dispositions de 1 'habitat. Chaque maison de bourg ou de village, haute et étroite, comportait : caves, à vin ou à huile en jarres; au rez-de-chaussée, écurie, remise, paneterie, puits     donnant surla citerne approvisionnée en eau par les toits; à l' étage, cuisine et potager de deux à six foyers, évier, buga­dier, chambre à coucher; sous les combles, fruitier, poulailler, grenier à foincommuniquant parfois directement avec le râtelier de l' écurie par le moyen d'un conduit, la trumba, prévue dans le mur d'arête.

Comme le raconte Marie une ancienne laurentine qui a souhaité l’anonymat :

« Ici, tout le monde était cultivateur. Ils vivaient en ville et ils allaient tous les jours à leurs campagnes. Il y avait bien quelques maisons à la campagne, mais pas tellement. On cultivait des fruits, des légumes, des fleurs. Presque tout le monde faisait son vin, aussi on faisait son huile. Pour aller à notre campagne, quand on marchait bien, il fallait un quart d'heure...

Les trois quarts des paysans n'habitaient pas leurs campagnes, ils ont toujours habité la ville; on gardait les cochons à la cave, dans l'écurie il y avait l'âne ou le cheval, ou le mulet. Dans l'escalier, à chaque marche, il y avait un sac de blé, soit de légumes secs, et, au troi­sième étage, au-dessus des chambres, c'était le grenier à foin, et une petite pièce pour les provisions d'hiver : les pommes, les poires, les pommes de terre. Le matin, avant de partir pour la campagne, on mettait une chaise devant la porte, sur la chaise on mettait quatre ou cinq assiettes pleines de fruits, vous n'aviez pas besoin de mettre une étiquette, les gens savaient ce que cela voulait dire, c' était un sou l' assiette; eh bien, le soir, l' assiette était renversée et y avait le sou par­dessus...

Moi, quand je pense à Saint Laurent de ce temps-là, je pense toujours aux merveilleuses odeurs, les petites voitures qui traversaient la ville remplies de fleurs, roses de mai, jasmin, fleurs d'oranges amères, ces petites voi­tures traînées par des chevaux étaient remplies jus­qu'au bord de ces fleurs, et Saint Laurent de ce temps-là sentait bien bon... »

Cette vie rustique fit la renommée du pays dès la colonisation romaine, avec la culture en terrasse des oliviers, sur le modèle africain; de grands domaines, les villae rusticae, exportant leur production d'huile par Antibes sur l'Italie. Les Romains auraient aussi introduit la culture, toujours en terrasse, du bigaradier, l'oranger commun au fruit aigre ou amer, dont la fleur distillée en eau est à la base de l'essence de néroli des parfumeurs de Grasse, elle-même base de l'eau de Cologne.

Pour en savoir plus consultez « Un Peu d’Histoire de Saint Laurent du Var » (Editions Sutton) renseignements : edmondrossi@wanadoo.fr