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14/07/2013

SAINT LAURENT DU VAR: AU XIXème SIÈCLE LA FRONTIÈRE HÉSITE SUR LE VAR...

LA DILIGENCE RELIANT CANNES A NICE EN 1839.jpg

Pendant les quarante six ans durant lesquels le Var redevint une frontière, le vieux pont de bois continua à relier les deux rives. Souvent il était emporté, et en décembre 1858, Alphonse Karr qui abritait à Nice son opposition au régime bonapartiste et s’y adonnait à la culture florale pouvait noter dans sa chronique des événements locaux :

« Deux arches du pont du Var ont été emportées par les crues des eaux. C’est la seconde fois depuis cinq ans que pareil accident arrive. Je crois me rappeler qu'il y a cinq ans (j’arrivais à Nice) un charretier fut précipité avec sa charrette et ses chevaux. Cette fois, deux voitures, des Messageries, chargées de voyageurs, n’ont passé en se croisant que cinq minutes avant l’écroulement. Chaque fois le service des marchandises et des dépêches est interrompu pendant un jour ou deux et retardé pendant huit ou dix. Supposez l’écroulement plus considérable et les communications entre les Etats sardes et la France pourraient être interrompues, du côté de la terre, pendant un temps beaucoup plus long ».

Mais l’année 1860 ouvre pour notre région une ère nouvelle. Le traité du 24 mars, suivi du plébiscite triomphal au suffrage universel par lequel les citoyens ont affirmé leur volonté, réunit à la France le Comté de Nice. Les deux rives du Var appartiennent désormais à un même département qui reçoit le nom des Alpes Maritimes.

Le gouvernement français se préoccupe immédiatement d’améliorer les communications, afin d’ouvrir largement notre littoral aux courants de la vie moderne. Le chemin de fer est alors le grand agent du progrès. La voie prolongée depuis Toulon atteindra Nice dans l’été 1864. Elle traversait le Var par un pont en fonte et maçonnerie de six arches ayant chacune 50 mètres d’ouverture.

 

L’Etat, la compagnie P.L.M. avaient signé un contrat prévoyant la construction d’un pont route, dont la chaussée devait avoir 6 mètres de largeur, accolé au viaduc du chemin de fer. Cet ouvrage était livré à la circulation en mai 1865.

Mais en raison même de la position de cette nouvelle voie située nettement en aval, le village de Saint Laurent du Var se trouva éloigné de plusieurs kilomètres de la route nationale. Le pont de bois cessa d’être réparé et fut bientôt dans un tel état de délabrement qu’il devint un danger public. Un arrêté préfectoral du 27 juillet 1865 en interdit la circulation. Deux mois plus tard, le 28 septembre, un arrêté autorisait provisoirement le passage  des charrettes d’exploitation rurale du village, sous réserve que le pont serait entretenu aux frais des habitants. Une association syndicale ayant pour but de faire les réparations nécessaires et d’assurer la bonne tenue du pont fut constituée. Finalement un arrêté préfectoral du 19 janvier 1869 ordonnait la démolition de la passerelle.

 

Pour en savoir plus, consultez :«Saint-Laurent-du-Var à travers l’Histoire» ou quand le présent rejoint  en images l'Histoire de Saint-Laurent-du-Var et sa fière devise: "DIGOU LI , QUÉ VENGOUN", (DIS LEUR QU'ILS VIENNENT), significative des « riches heures » de son passé.

Avant 1860, Saint-Laurent-du-Var était la première bourgade de France en Provence, carrefour historique avec le Comté de Nice. Ville construite entre mer et collines, elle s'étire face à Nice le long de la rive droite du Var, sur 7 kms.

Cité moderne, Saint-Laurent-du-Var n'en oublie pas pour autant ses racines qui font la fierté de ses habitants. Le témoignage le plus probant de cette pérennité du passé reste sans aucun doute le « Vieux-Village », avec ses rues pittoresques et son église romane datant du XI e siècle.

Lieu de transit et de passage commandant la traversée du Var, fleuve alpin particulièrement capricieux, Saint-Laurent-du-Var a subi les aléas de cette situation géographique et stratégique singulière qui a profondément marqué son destin.

Les inondations, les invasions, les épidémies, les guerres ont rythmé au long des siècles les étapes successives de la formation de Saint-Laurent-du-Var.

Grâce à de nouveaux documents et à de nombreuses illustrations inédites, Edmond Rossi, auteur de « Saint Laurent, Porte de France » et de différents ouvrages sur le passé de la région, nous entraîne à la découverte de l’Histoire passionnante de Saint-Laurent-du-Var.

Livre de 120 pages, 17€ disponible sur demande à edmondrossi@wanadoo.fr   

 

29/06/2013

"CONTES ET LÉGENDES DU PAYS D'AZUR", VÉRAN SAUVE VENCE...

3 c VILLAGEOIS ATTENTIFS AU PRECHE DE SAINT VERAN.jpg

 « Ne tournez pas la tête : un miracle est derrière.» Norge

A l'époque où Euric, après avoir fait poignarder son frère Théodoric, montait sur le trône des Wisigoths, Véran était évêque de Vence.

Bénédictin de Lérins, il avait été élu par le peuple et le clergé qui, d'enthousiasme, connaissant ses hautes vertus, étaient allés le supplier d'accepter la crosse et la mitre.

Il administrait son diocèse avec sagesse et dévouement. Sa sagesse était telle qu'il fut choisi, en qualité d'arbitre, par le pape Léon le Grand, celui-ci l'ayant en très haute et sympathique estime.

Véran était un lettré en même temps qu'un homme d'action. Les crimes de Genséric et d’Attila révoltaient sa conscience et ne manquaient pas de lui causer quelques inquiétudes.

Euric, le roi fratricide, s'était jeté sur l'Espagne multipliant ses crimes et ses sacrilèges. Il avait pris Pampelune, rasé les murailles de Saragosse et anéanti celles de Tarragone, puis, ayant repassé les Pyrénées, accompagné de Genséric, frère d’Attila, auquel il avait fait appel, il avait envahi l'Aquitaine et la Narbonnaise.

Leur avance était formidable; les deux Vandales n'épargnaient rien et ce qui résistait "à leur fer était détruit par le feu ». Derrière eux, ce n'était qu'un désert de cendres...

Ils marchèrent sur Arles facilement réduite, descendirent sur Marseille qui ne put leur résister et poussèrent vers l'Est leurs troupes exaltées par leurs trop faciles conquêtes. Jamais ce pays qui devait être plus tard la belle et souriante Provence n'eut plus à souffrir que du passage de ces deux farouches apôtres de l'arianisme, insensibles devant tout sentiment de pitié, tuant et brûlant pour le plaisir de voir couler le sang et s'élever les flammes.

Toulon subit le sort d'Arles et de Marseille, malgré toute l'énergie de Gratien. Et Léonce ne put empêcher la destruction de Fréjus. Tous deux payèrent leur courageux dévouement de leur vie.

Valère, évêque d'Antibes, étant allé demander aux conquérants grâce et pitié pour les siens, avait eu la tête tranchée des mains même d'Euric qui, après l'avoir dédaigneusement repoussée du pied, ordonna à ses cavaliers de l'écraser sous les sabots de leurs fougueux coursiers.

De Vence, la nuit, à la lueur des flammes dévastatrices, anéantissant tout sur leur passage, on pouvait suivre l'avance victorieuse de l'ennemi. Déjà, il était sous Antibes et menaçait de gagner la vallée haute.

Comment résister à un pareil ouragan ? Il aurait fallu une armée nombreuse, disciplinée et fortement organisée. Elle n'existait pas dans ces régions agricoles et pastorales.

Seuls les "baous", gardiens vigilants et protecteurs, pouvaient offrir un asile à la population, mais qu'adviendrait-il de la vieille cité sauvée jadis par la Vierge Vencia et contre laquelle s'étaient brisés tant de rudes assauts ? Serait-elle, une fois encore, livrée au feu et réduite en poussière ?

Devant le danger, d'heure en heure plus pressant, Véran, qui n'ignorait pourtant pas le sort de Valère, résolut à son tour de se rendre au-devant d'Euric pour le supplier de renoncer à sa trop sanguinaire entreprise et d'épargner une région où les hommes ne demandaient qu'à vivre dans la paix et le travail.

Accompagné d'un enfant, celui-là même qui, habituellement, lui servait la messe et auquel il ne cacha pas les graves dangers qu'ils couraient tous les deux, sans prévenir personne, après minuit, son office célébré, il prit le chemin de la Mer...

Un vieillard et un enfant, c'étaient les deux seuls obstacles que le prélat avait trouvés à opposer au farouche sectaire dont le cœur, depuis longtemps, avait cessé de s'attendrir et de s'apitoyer.

Au matin, à dos de mule, l'évêque et son servant arrivaient non loin des bords du Loup dont les forêts avoisinantes flambaient. Des cris d'hommes ivres et de femmes lâchement brutalisées indiquèrent à l'héroïque prélat l'emplacement du camp.

Ayant revêtu la lourde chape tissée d'or fin dont l'enfant, d'une main tremblante, soutenait un des côtés et coiffé la mitre resplendissante de pierreries, le bâton pastoral à la main, messire Véran, aussi calme que s'il était monté à l'autel, se dirigea vers la tente du roi des Wisigoths. Il avait vrai­ment une belle et imposante allure I

Soudain, deux soudards surgirent et furent stupéfaits devant la majesté de l'évêque qui, après les avoir signés d'une voix grave que ne paralysait aucune angoisse, leur dit :

« Je suis Véran, évêque de Vence, et je voudrais parler à Euric, roi des Wisigoths. »

Euric vint au-devant de Véran.

« Qui ose me demander ? hurla-t-il insolemment,

- Moi », répondit Véran.

Le barbare, plein de morgue et de dédain, toisa d'un regard méprisant l'évêque.

« Toi, quel es-tu ?

- Le plus humble des serviteurs de Dieu. »

Rageusement, l'autre répliqua :

« De Dieu? De quel Dieu?

- De celui que je sers et que tu serviras toi-même, répondit Véran avec autant d'onction que d'autorité.

- Je ne sers qu'un Dieu, celui qui sourit à mes triomphes. - Et que t'ordonne-t-il ?

- De marcher de victoire en victoire et de soumettre le monde à ma loi.

- Eh bien! le mien, plein d'une miséricordieuse pitié pour ceux envers lesquels tu n'en as aucune, car tes mains sont rouges d'un sang versé sans raison, m'ordonne de venir te demander, humblement, d'épargner ceux dont il m'a confié la garde. »

Euric ne put se défendre d'un ricanement :

« Et que m'offre-t-il en échange ?

- Ma vie si elle peut servir à sauver celle du plus humble de ce pays.

- Et que m'importe ta vie, ô ! Vieillard que déjà guette la tombe ?

- Tu as bien pris celle de Gratien à Toulon ?

- Il m'avait résisté...

- De Léonce à Fréjus?

- Il m'avait menacé.

- Et hier encore de Valère à Antibes ?

- Il s'était mis au-devant de ma route et prétendait m'empêcher de passer.

- Je suis évêque comme eux et comme eux, au nom de mon Dieu, je viens te dire que, trop de sang ayant été injustement versé, tu dois mettre un terme à tes crimes et à ta furie... »

Le chef farouche qui n'avait tremblé devant personne et ne s'était jamais apitoyé ou attendri ne put se défendre d'un moment d'émotion. Ce grand et pâle vieillard l'impressionnait autant par son calme que par son courage. Il n'en voulut rien laisser paraître et, brandissant sa lourde épée à double tranchant :

« Prends garde, ma patience est à bout...

- Ne suis-je pas venu t'offrir ma vie? Qu'attends-tu pour commettre un crime de plus ? »

Et inclinant la tête devant le sanguinaire arien, Véran, agenouillé, s'écria :

« Mais frappe, frappe, si tu l'oses.

- Ah! cette fois... tu l'auras voulu », hurla Euric. Et, levant son épée, il la fit tournoyer au-dessus de sa tête, puis la laissant retomber, il murmura :

« Non... non... non...

- Tu as donc peur ? Lui demanda Véran, et pourquoi, toi l'instrument de Dieu, prétends-tu, ne frappes-tu pas celui qui ose venir te dire en face que tu n'iras pas plus loin ? ... »

Véran s'était relevé et les yeux pleins de lumière, il s'avançait maintenant vers Euric. Stupéfait devant tant de noble audace et de majesté, l'arien avait reculé jusqu'au tronc d'un chêne puissant dont l'immense feuillage prodiguait une ombre douce et légère.

Celui que les cris des femmes et des enfants égorgés devant ses yeux n'avaient jamais ému et qui s'était réjoui à la vue des flammes dévorant des villes entières, pour la première fois, perdait un peu de son arrogante assurance.

Cet homme venu à lui sans escorte et qui, avec tant de courage et d'autorité, lui avait tenu tête l'impressionnait vivement. Il n'osait sou­tenir son regard et déjà, il se sentait à sa merci. Il n'avait pourtant qu'un signe à faire pour que Véran fût chargé de fers ou mis à mort. Ses soudards impatients attendaient l'ordre et se montraient surpris de la patience du chef dont ils connaissaient la brutalité.

Véran s'était campé devant Euric blême de rage et le regard injecté de sang.

" Tu ès venu au nom de ton Dieu, s'écria l'arien, me demander la paix, eh ! bien, que ton Dieu se manifeste et je lui obéirai. »

Le farouche sectaire avait retrouvé tous ses instincts; un flot d'écume moussait au bord de son épaisse moustache et il se saisit de nouveau de sa lourde épée.

« Tant pis pour toi... »

Et, s'étant reculé de plusieurs pas, de toutes ses forces, avec une violence sauvage, dans un ricanement semblable au cri d'une bête fauve, il lança l'arme vers le prélat qui, devant sa menace, demeurait encore plus impassible.

Les soudards poussèrent un cri de triomphe. Ils avaient retrouvé leur chef.

L'épée passa en lançant des éclairs au-dessus de la mitre de l'évêque et alla se planter profondément dans le tronc du chêne qui, de sa blessure, laissa échapper un flot de sève vague­ment teintée de rose.

L'évêque se signa. Quant à Euric, qui n'en pouvait croire ses yeux, il s'écria avec autant de sarcasme que d'iro­nie :

« Si demain matin cette épée a fleuri, j'obéirai à ton Dieu et ferai ce que tu me commanderas. »

Et s'adressant à ses soudards :

« Vous m'avez entendu ? ... Cet homme est libre et sacré pour vous, mais veillez à ce qu'aucune main ne touche à mon épée et que personne n'approche de cet arbre; vos têtes me répondent de votre fidélité. »

Puis, venant insolemment se camper devant Véran dont les lèvres murmuraient une prière, il lui répéta :

« Si demain mon épée a fleuri, évêque, je te jure qu'Euric qui n'a jamais obéi à personne te fera sa soumission. »

Et, ricanant plus fortement, il disparut dans la direction du camp où retentissaient, plus violents encore, les cris et les chants de l'otage outragé et du barbare gris.

Le crépuscule avait dénoué ses écharpes mauves, Véran, drapé dans les plis de sa lourde chape, face au chêne que gardaient les soudards disciplinés de l'arien, laissait monter vers Dieu son ardente prière.

Près de lui, l'enfant, cédant aux émotions et à la fatigue, s'était endormi et souriait aux étoiles fleurissant une à une dans le profond velours du ciel.

Véran priait avec toute l'ardeur de sa foi; le miracle qu'il demandait, parce qu'il devait confondre les Vandales, s'accomplirait-il ?

La nuit se déroulait légère, calme et douce; un oiseau du printemps que n'effarouchaient pas les couplets bachiques des vainqueurs, chantait dans le feuillage sur lequel la lune ne tarda pas à laisser tomber de larges parcelles d'argent. Dans la blessure de l'arbre continuant à saigner, l'épée d'Euric jetait maintenant d'étranges flamboiements qui frappaient d'étonnement et de stupeur les hommes proposés à sa garde. La lame à double tranchant fleurirait-elle, ainsi que l'avait demandé le roi ?

Déjà l'aube blanchissait vers les Alpes et le front contre la terre, Véran, nimbé d'une lumière céleste, priait toujours.

Le camp dont les feux commençaient à vaciller s'était endormi.

Soudain la nuit se fit profonde, de longs éclairs, déchirant les nues, sillonnèrent le ciel et, comme s'il avait voulu saluer la révolte des éléments, le tonnerre se déchaîna en lourds et puissants grondements.

Redoutant cette fois que le ciel vînt à crouler sur eux, les barbares affolés et pris de panique hurlaient la rage et la peur qui les tenaient aux entrailles.

Euric, suivi de la masse déchaînée et vociférante de ses hommes qu'il a toutes les peines à contenir, instinctivement se précipite vers le grand chêne non loin duquel l'enfant dort toujours et où Véran, qui ne voit pas les éclairs et n'entend pas le tonnerre, continue à prier avec plus de ferveur...

Mais soudain l'orage cesse comme par enchantement, le calme se fait et joyeusement les nids s'éveillent. Un nuage se déchire et le jour naît merveilleux de clarté.

Secoué d'un tremblement dont, malgré toute son énergie, il ne sait se défendre, Euric est devant le chêne. Il n'en peut croire ses yeux: autour de la lame qui flamboie sous le premier rayon du soleil, un liseron rouge s'est enroulé...

Le miracle s'est accompli. Devant ses soudards, témoins et complices de tant de crimes, il tombe à genoux et ses yeux se mouillent de larmes. Véran est venu vers lui.

« C'est bien, dit Euric, je tiendrai mon serment. »

Dessinant le signe de la croix, l'évêque, que l'émotion empêche de parler, murmure dans un sanglot :

« Retourne d'où tu viens... »

Le soir, Euric levait le camp et Véran, qui avait sauvé le pays de l'invasion, rentrait à Vence.

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr

 

14/06/2013

MARCEL PAGNOL A LA GAUDE, PENDANT LA GUERRE 39-45

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Nicolas, le petit-fils de Marcel Pagnol veille à ce que la mémoire et l’œuvre de son illustre grand-père soient respectées, ainsi à l’occasion d’une récente interview il témoigne de la manière dont il a traversé la guerre en partie à La Gaude.

« La guerre en tant que telle, il ne l'a jamais faite ! En 1939, il tourne "La fille du Puisatier" à la demande du ministère de la propagande, un film de commande pour convaincre l'Italie de rallier la France au lieu de rejoindre l'axe. Le puisatier est appelé Amoretti pour plaire aux Italiens. Dans la première mouture, la France remporte rapidement la victoire. Devant la tournure des événements, il doit modifier le scénario. A la demande de Vichy, il faut désormais flatter les valeurs nationales. Pagnol cherche une idée pour les symboliser. Or, en plein tournage, Charpin rameute tout le monde auprès du poste de TSF pour entendre Pétain annoncer la défaite : mon grand-père intègre cette séquence dans le film, mais sans glorifier le Maréchal. Il fait dire à Josette Day : "les morts pour la France ne sont pas morts pour rien". Sorti à la Noël 41, le film a un grand succès : il est rapidement censuré en zone nord par les Allemands, justement à cause de cette scène. Arrive au même moment dans les studios, Alfred Greven, le directeur de la compagnie "Continental", créée par les Nazis. Pagnol est alors très connu en Allemagne: "Topaze" a d'abord été montré outre-Rhin pour le tester auprès du public avant d'être montré à Paris en 1928. Greven lui propose de "faire un beau cinéma français débarrassé des juifs" et de prendre la tête de la "Continental". Dans la foulée, les Italiens lui demandent de leur céder ses studios. Face à toutes ces pressions, il vend à Gaumont ses studios, son réseau de distribution, ses laboratoires. Il détruit le film en cours de tournage, "La Prière aux étoiles" et va s'installer avec sa compagne Josette Day à La Gaude, au "Domaine de l'Etoile", une grande propriété horticole où il cultive des fleurs. Il fait venir certains de ses ouvriers pour les soustraire au STO. Il installe les autres au château de la Buzine, à Marseille.

Au domaine de l'Etoile, il fait des légumes, des oeillets, dans un domaine qui n'a plus d'eau. Ce qui lui sera très utile quand il écrira "Manon des sources" et "Jean de Florette". Raimu se moque de lui : "si tu es jardinier, je n'ai plus qu'à aller vendre des rascasses"! Les relations avec Josette Day se détériorent. Jeune femme élégante et mondaine, elle ne supporte pas de se retrouver à la campagne. Il la sort, l'amène aux studios de la Victorine. Mais fin 42, Josette s'en va. »

Rappelons que Josette Day était la compagne de Marcel Pagnol, rencontrée en janvier 1939 jusqu'en 1944. Il est alors patron de ses propres studios de cinéma avec qui elle tourne « Monsieur Bretonneau », « La Fille du puisatier » avec Raimu et fernandel, « La Prière aux étoiles » (film inachevé), « Arlette et l’amour »…

Lorsque Marcel Pagnol revend ses studios aux studios Gaumont en 1942 dont il reste directeur de production pour échapper au Nazisme, il se reconvertit dans la culture des œillets à La Gaude jusqu'en début 1944 au moment de leur séparation.

 

« Les Allemands envahissent la zone sud. Dans sa forêt de La Gaude, ils installent des pièces de DCA qui leur serviront à tirer sur les Alliés quand ils bombarderont le pont de Saint-Laurent-du-Var. Pagnol file à Monaco où il connaît très bien Rainier. Installé à l'hôtel de Paris, il tente de persuader Cocteau de prendre Josette dans son prochain film "La 'Belle et la bête" dans l'espoir de la reconquérir. Sans succès. Nous sommes en 1944: mon grand-père entre dans une période de dépression alcoolisée. Il se souvient alors d'une jeune fille auditionnée en 1938, Jacqueline Bouvier, âgée de 17 ou 18 ans. Il lui propose de l'emmener dans son moulin de la Sarthe, acheté avec les bénéfices de la pièce "Fanny". C'est là qu'ils attendent la Libération. »

Il ne poursuit pas son travail d’artiste en 1943 et 1944, bien « qu'il travaille à sa cinématurgie de Paris, sa théorie du cinéma qui ne sortira qu'en 1947. Il faut bien comprendre qu'en vendant ses studios en 1942, c'est tout son rêve qui s'est effondré. Pour lui c'est la fin du monde. Il avait réussi à conquérir son indépendance totale, du tournage à la distribution. Il habitait dans les studios, au milieu d'une bande de copains qu'il connaissait depuis des années. Après la prise, ils se lançaient tous dans une partie de boules : ce n'est pas une légende ! Et d'un coup, plus rien. Il se dit alors : c'est fini, j'arrête ! Après guerre, Pagnol finira par remonter sa société de production, mais il n'aura plus jamais de studios ni de réseau de distribution.

A défaut d'écrire, il se préoccupe du sort d'autres acteurs persécutés par les Allemands, comme Harry Baur.

Je me souviens d'abord du frère de Léon Blum, René, directeur du théâtre de Monaco, qui sera déporté. D'autres aussi : mon grand-père était très impliqué dans le milieu juif. II aurait rêvé d'être juif, probablement à cause de son amitié avec l'écrivain Albert Cohen, qui date de leurs études au lycée Thiers. Pagnol pensait qu'il descendait d'un Lévy de Pagnol juif du pape, au XVIe siècle, sans réussir à le prouver.

En 1944, il est placé à Paris à la tête de la société des auteurs et compositeurs dramatiques et du comité d'épuration des acteurs. Comment gère-t-il cette fonction ?

Quand Guitry est accusé d'avoir continué à donner des représentations, Pagnol répond : "le boulanger a continué à faire du pain et même des Allemands le lui ont acheté". Pour faire le tri entre les accusations, parfois guidées par la jalousie ou la vengeance, il envoie à tous le même questionnaire : "Avez-vous fait partie d'un réseau de résistance ? Avez-vous hébergé des juifs ou des résistants?» Pratiquement aucun n'a répondu. Finalement, le comité n'a sanctionné personne ou presque. Pagnol était un pacificateur. Dans toute l’œuvre de mon grand-père, il ne condamne jamais personne, au nom, pour chacun, d'avoir droit à l'erreur, voire à des errements, tant qu'il ne s'agit pas de faute grave. S'il a été choisi pour cette fonction, c'est qu'il était à part. Alors que certains ont préféré partir aux Etats-Unis pour tourner, que d'autres ont tourné avec les Allemands, il n'en reste qu'un au milieu : Pagnol qui a continué à travailler jusqu'en 1942 en zone libre, jusqu'à l'arrivée de Laval. Mon grand-père n'est plus pétainiste depuis fin 1941 quand il accompagne Marc Allegret à Vichy pour obtenir un visa. Il s'aperçoit que ces gens n'ont aucun pouvoir, qu'ils ne sont que les relais des Allemands.

Il reprend le cinéma en 1944, alors qu'il a retrouvé l'espoir aux côtés de sa nouvelle compagne et que la France est libérée.

« Raymond Leboursier vient lui faire découvrir le roman de Zola "Naïs" : il recréait sa société pour adapter et produire le film. Il le fait, bien sûr, pour Jacqueline à qui il offre le rôle, par amour. Il ne réalise pas mais il est sur le tournage, pour diriger un peu les acteurs. Quand il laissait la réalisation à un autre, il ne le laissait pas maître à bord. Il gardait la volonté de tout maîtriser de A à Z. C'était à chaque film Marcel Pagnol qui créait son monde. Ce grand réalisateur ne mettait pas des films bout à bout. Lui, il a créé une oeuvre. »

EXTRAIT DES "HISTOIRES ET LÉGENDES DES BALCONS D'AZUR": LA GAUDE, SAINT JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC, BÉZAUDUN, COURSEGOULES, TOURRETTES SUR LOUP, VENCE, SAINT PAUL DE VENCE, LA COLLE, ROQUEFORT LES PINS, VILLENEUVE LOUBET, CAGNES...

De La Gaude à Vence et au Broc, le vaste belvédère qui surplombe la Méditerranée et le Var reste méconnu. La région provençale des « Balcons d'Azur » renferme pourtant des trésors histo­riques et architecturaux qu'il est urgent de découvrir, au-delà de la splendeur des paysages. C'est à ce voyage insolite que nous invite l'auteur, le long d'un amphithéâtre, au cœur duquel s'égrènent les célèbres fleurons de LA GAUDE, VENCE, SAINT-JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC.

Passant tour à tour de la réalité des faits historiques, chargés de fabuleuses anecdotes, aux légendes, Edmond Rossi, auteur de divers ouvrages sur le passé et la mémoire des Alpes-Maritimes, a recueilli et réuni quelques moments singuliers de ces villages.

Le choix de La Gaude s'impose comme le centre de gravité de ce « triangle d'or» d'une richesse exceptionnelle. Aux limites de ce secteur, des vestiges témoignent également d'un passé où l'insolite nous interpelle pour mieux conforter la légende: chapelle oubliée de COURSEGOULES, fayard de BÉZAUDUN, tombeau mystérieux de TOURRETTES-­SUR-LOUP, ruines austères de VENCE ou cachées de ROQUEFORT-LES-PINS, sentinelle fortifiée de SAINT-PAUL et abbaye de LA COLLE, châteaux de VILLENEUVE-LOUBET et de CAGNES.

La Gaude, célèbre pour son vin sera aussi l'inspiratrice de Marcel Pagnol pour sa « Manon des Sources ». D'Hercule à d'Artagnan venu arrêter le marquis de Grimaldi à Cagnes, laissez-vous guider par les fantômes des personnages, pour parcourir les vivantes ruelles de ces villages et la riante campagne alentour. L'agréable découverte de ces bourgs authentiques aux limites de la Provence, vous révélera bien d'autres trésors, dignes de ceux cachés là par les Sarrasins et les Templiers, bien présents dans tout ce secteur.

Ce livre est édité par les "EDITIONS CAMPANILE" http://www.editions-campanile.fr

avec possibilité d'y être commandé.

Ouvrage illustré, de 160 pages, également disponible dans toutes les bonnes librairies au prix de 18 € et dédicacé par l'auteur, en contactant: edmondrossi@wanadoo.fr