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14/06/2013

MARCEL PAGNOL A LA GAUDE, PENDANT LA GUERRE 39-45

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Nicolas, le petit-fils de Marcel Pagnol veille à ce que la mémoire et l’œuvre de son illustre grand-père soient respectées, ainsi à l’occasion d’une récente interview il témoigne de la manière dont il a traversé la guerre en partie à La Gaude.

« La guerre en tant que telle, il ne l'a jamais faite ! En 1939, il tourne "La fille du Puisatier" à la demande du ministère de la propagande, un film de commande pour convaincre l'Italie de rallier la France au lieu de rejoindre l'axe. Le puisatier est appelé Amoretti pour plaire aux Italiens. Dans la première mouture, la France remporte rapidement la victoire. Devant la tournure des événements, il doit modifier le scénario. A la demande de Vichy, il faut désormais flatter les valeurs nationales. Pagnol cherche une idée pour les symboliser. Or, en plein tournage, Charpin rameute tout le monde auprès du poste de TSF pour entendre Pétain annoncer la défaite : mon grand-père intègre cette séquence dans le film, mais sans glorifier le Maréchal. Il fait dire à Josette Day : "les morts pour la France ne sont pas morts pour rien". Sorti à la Noël 41, le film a un grand succès : il est rapidement censuré en zone nord par les Allemands, justement à cause de cette scène. Arrive au même moment dans les studios, Alfred Greven, le directeur de la compagnie "Continental", créée par les Nazis. Pagnol est alors très connu en Allemagne: "Topaze" a d'abord été montré outre-Rhin pour le tester auprès du public avant d'être montré à Paris en 1928. Greven lui propose de "faire un beau cinéma français débarrassé des juifs" et de prendre la tête de la "Continental". Dans la foulée, les Italiens lui demandent de leur céder ses studios. Face à toutes ces pressions, il vend à Gaumont ses studios, son réseau de distribution, ses laboratoires. Il détruit le film en cours de tournage, "La Prière aux étoiles" et va s'installer avec sa compagne Josette Day à La Gaude, au "Domaine de l'Etoile", une grande propriété horticole où il cultive des fleurs. Il fait venir certains de ses ouvriers pour les soustraire au STO. Il installe les autres au château de la Buzine, à Marseille.

Au domaine de l'Etoile, il fait des légumes, des oeillets, dans un domaine qui n'a plus d'eau. Ce qui lui sera très utile quand il écrira "Manon des sources" et "Jean de Florette". Raimu se moque de lui : "si tu es jardinier, je n'ai plus qu'à aller vendre des rascasses"! Les relations avec Josette Day se détériorent. Jeune femme élégante et mondaine, elle ne supporte pas de se retrouver à la campagne. Il la sort, l'amène aux studios de la Victorine. Mais fin 42, Josette s'en va. »

Rappelons que Josette Day était la compagne de Marcel Pagnol, rencontrée en janvier 1939 jusqu'en 1944. Il est alors patron de ses propres studios de cinéma avec qui elle tourne « Monsieur Bretonneau », « La Fille du puisatier » avec Raimu et fernandel, « La Prière aux étoiles » (film inachevé), « Arlette et l’amour »…

Lorsque Marcel Pagnol revend ses studios aux studios Gaumont en 1942 dont il reste directeur de production pour échapper au Nazisme, il se reconvertit dans la culture des œillets à La Gaude jusqu'en début 1944 au moment de leur séparation.

 

« Les Allemands envahissent la zone sud. Dans sa forêt de La Gaude, ils installent des pièces de DCA qui leur serviront à tirer sur les Alliés quand ils bombarderont le pont de Saint-Laurent-du-Var. Pagnol file à Monaco où il connaît très bien Rainier. Installé à l'hôtel de Paris, il tente de persuader Cocteau de prendre Josette dans son prochain film "La 'Belle et la bête" dans l'espoir de la reconquérir. Sans succès. Nous sommes en 1944: mon grand-père entre dans une période de dépression alcoolisée. Il se souvient alors d'une jeune fille auditionnée en 1938, Jacqueline Bouvier, âgée de 17 ou 18 ans. Il lui propose de l'emmener dans son moulin de la Sarthe, acheté avec les bénéfices de la pièce "Fanny". C'est là qu'ils attendent la Libération. »

Il ne poursuit pas son travail d’artiste en 1943 et 1944, bien « qu'il travaille à sa cinématurgie de Paris, sa théorie du cinéma qui ne sortira qu'en 1947. Il faut bien comprendre qu'en vendant ses studios en 1942, c'est tout son rêve qui s'est effondré. Pour lui c'est la fin du monde. Il avait réussi à conquérir son indépendance totale, du tournage à la distribution. Il habitait dans les studios, au milieu d'une bande de copains qu'il connaissait depuis des années. Après la prise, ils se lançaient tous dans une partie de boules : ce n'est pas une légende ! Et d'un coup, plus rien. Il se dit alors : c'est fini, j'arrête ! Après guerre, Pagnol finira par remonter sa société de production, mais il n'aura plus jamais de studios ni de réseau de distribution.

A défaut d'écrire, il se préoccupe du sort d'autres acteurs persécutés par les Allemands, comme Harry Baur.

Je me souviens d'abord du frère de Léon Blum, René, directeur du théâtre de Monaco, qui sera déporté. D'autres aussi : mon grand-père était très impliqué dans le milieu juif. II aurait rêvé d'être juif, probablement à cause de son amitié avec l'écrivain Albert Cohen, qui date de leurs études au lycée Thiers. Pagnol pensait qu'il descendait d'un Lévy de Pagnol juif du pape, au XVIe siècle, sans réussir à le prouver.

En 1944, il est placé à Paris à la tête de la société des auteurs et compositeurs dramatiques et du comité d'épuration des acteurs. Comment gère-t-il cette fonction ?

Quand Guitry est accusé d'avoir continué à donner des représentations, Pagnol répond : "le boulanger a continué à faire du pain et même des Allemands le lui ont acheté". Pour faire le tri entre les accusations, parfois guidées par la jalousie ou la vengeance, il envoie à tous le même questionnaire : "Avez-vous fait partie d'un réseau de résistance ? Avez-vous hébergé des juifs ou des résistants?» Pratiquement aucun n'a répondu. Finalement, le comité n'a sanctionné personne ou presque. Pagnol était un pacificateur. Dans toute l’œuvre de mon grand-père, il ne condamne jamais personne, au nom, pour chacun, d'avoir droit à l'erreur, voire à des errements, tant qu'il ne s'agit pas de faute grave. S'il a été choisi pour cette fonction, c'est qu'il était à part. Alors que certains ont préféré partir aux Etats-Unis pour tourner, que d'autres ont tourné avec les Allemands, il n'en reste qu'un au milieu : Pagnol qui a continué à travailler jusqu'en 1942 en zone libre, jusqu'à l'arrivée de Laval. Mon grand-père n'est plus pétainiste depuis fin 1941 quand il accompagne Marc Allegret à Vichy pour obtenir un visa. Il s'aperçoit que ces gens n'ont aucun pouvoir, qu'ils ne sont que les relais des Allemands.

Il reprend le cinéma en 1944, alors qu'il a retrouvé l'espoir aux côtés de sa nouvelle compagne et que la France est libérée.

« Raymond Leboursier vient lui faire découvrir le roman de Zola "Naïs" : il recréait sa société pour adapter et produire le film. Il le fait, bien sûr, pour Jacqueline à qui il offre le rôle, par amour. Il ne réalise pas mais il est sur le tournage, pour diriger un peu les acteurs. Quand il laissait la réalisation à un autre, il ne le laissait pas maître à bord. Il gardait la volonté de tout maîtriser de A à Z. C'était à chaque film Marcel Pagnol qui créait son monde. Ce grand réalisateur ne mettait pas des films bout à bout. Lui, il a créé une oeuvre. »

EXTRAIT DES "HISTOIRES ET LÉGENDES DES BALCONS D'AZUR": LA GAUDE, SAINT JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC, BÉZAUDUN, COURSEGOULES, TOURRETTES SUR LOUP, VENCE, SAINT PAUL DE VENCE, LA COLLE, ROQUEFORT LES PINS, VILLENEUVE LOUBET, CAGNES...

De La Gaude à Vence et au Broc, le vaste belvédère qui surplombe la Méditerranée et le Var reste méconnu. La région provençale des « Balcons d'Azur » renferme pourtant des trésors histo­riques et architecturaux qu'il est urgent de découvrir, au-delà de la splendeur des paysages. C'est à ce voyage insolite que nous invite l'auteur, le long d'un amphithéâtre, au cœur duquel s'égrènent les célèbres fleurons de LA GAUDE, VENCE, SAINT-JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC.

Passant tour à tour de la réalité des faits historiques, chargés de fabuleuses anecdotes, aux légendes, Edmond Rossi, auteur de divers ouvrages sur le passé et la mémoire des Alpes-Maritimes, a recueilli et réuni quelques moments singuliers de ces villages.

Le choix de La Gaude s'impose comme le centre de gravité de ce « triangle d'or» d'une richesse exceptionnelle. Aux limites de ce secteur, des vestiges témoignent également d'un passé où l'insolite nous interpelle pour mieux conforter la légende: chapelle oubliée de COURSEGOULES, fayard de BÉZAUDUN, tombeau mystérieux de TOURRETTES-­SUR-LOUP, ruines austères de VENCE ou cachées de ROQUEFORT-LES-PINS, sentinelle fortifiée de SAINT-PAUL et abbaye de LA COLLE, châteaux de VILLENEUVE-LOUBET et de CAGNES.

La Gaude, célèbre pour son vin sera aussi l'inspiratrice de Marcel Pagnol pour sa « Manon des Sources ». D'Hercule à d'Artagnan venu arrêter le marquis de Grimaldi à Cagnes, laissez-vous guider par les fantômes des personnages, pour parcourir les vivantes ruelles de ces villages et la riante campagne alentour. L'agréable découverte de ces bourgs authentiques aux limites de la Provence, vous révélera bien d'autres trésors, dignes de ceux cachés là par les Sarrasins et les Templiers, bien présents dans tout ce secteur.

Ce livre est édité par les "EDITIONS CAMPANILE" http://www.editions-campanile.fr

avec possibilité d'y être commandé.

Ouvrage illustré, de 160 pages, également disponible dans toutes les bonnes librairies au prix de 18 € et dédicacé par l'auteur, en contactant: edmondrossi@wanadoo.fr 

 

07/06/2013

A SAINT LAURENT DU VAR EN 1851, LE NON DES RÉPUBLICAINS À LOUIS NAPOLÉON

LE DOCTEUR PROVENÇAL.jpg

Selon le Sous-Préfet, les « bons » cantons favorables aux Blancs sont ceux de la montagne, sont à surveiller Grasse, Cannes, Saint Paul et Cagnes.

Le coup d'état du Prince Président accompli à Paris le 2 décembre 1851 à 2 h. du matin est confirmé à Cagnes et Saint Laurent comme dans tout l'arrondissement de Grasse par l'affichage d'un décret lapidaire le 3 au matin.

On discute ferme dans les auberges de Saint-Laurent, les Républicains du canton se consultent pour une éventuelle riposte. Pour des raisons opportunistes, ceux de Grasse conseillent l'attentisme et prêchent la démission à leurs amis de Cannes et Vence.

Une forte personnalité le Docteur Provençal, militant républicain cagnois, n'accepte pas la passivité qui lui est recommandée.

Bien que convoqué à Grasse le 3 décembre, il passe la frontière, se rend à Nice pour contacter un émigré républicain Mathieu, ex maire de La Garde Freinet.

Le 6 décembre au soir, armé de son fusil de chasse, le ruban rouge qui lui sert aux saignées enroulé autour de son chapeau, il rassemble une petite troupe d'hommes de Cagnes, Saint Laurent et Vence, médiocrement pourvus d'armes.

Le groupe se dirige sur les bords du Var, au quartier de La Baronne, où ils espèrent l'arrivée d'une colonne de réfugiés français venant de l'autre rive.

Le Var est en crue, le renfort ne viendra pas.

Les quelques hommes se débandent devant la réserve et l'hostilité des habitants et des autorités du voisinage.

Les maires de Saint-Laurent, Cagnes et La Gaude refusent toute idée de soulèvement armé. Le détachement militaire de Saint Laurent et les fonctionnaires des douanes demeurent fidèles au Gouvernement.

Le Docteur Provençal, abandonné de tous, s'enfuit aux Plans de Gattières où un passeur lui fait gagner la rive sarde: « Je passais à minuit, par un froid glacial, sur les épaules d'un campagnard de Gattières, Marcellin Nirascou, échappant ainsi à la fusillade de toute la brigade de douane et la Garde Nationale bonapartiste de cette bourgade, mise à ma poursuite ».

Ainsi se termina ce que le Sous-Préfet de Grasse et le Consul de France à Nice appelèrent « la colonne insurrectionnelle du Var ».

Le lendemain 7 décembre, un dimanche au matin, César Provençal fut appréhendé par les carabiniers sardes, au bord du Var, au pied d'un arbre où il avait dormi quelques heures. Il fut conduit en prison pour franchissement clandestin de la frontière. Il devait connaître les premiers temps difficiles de l'exil politique.

Pour en savoir plus, consultez :«Saint-Laurent-du-Var à travers l’Histoire» ou quand le présent rejoint  en images l'Histoire de Saint-Laurent-du-Var et sa fière devise: "DIGOU LI , QUÉ VENGOUN", (DIS LEUR QU'ILS VIENNENT), significative des « riches heures » de son passé.

Avant 1860, Saint-Laurent-du-Var était la première bourgade de France en Provence, carrefour historique avec le Comté de Nice. Ville construite entre mer et collines, elle s'étire face à Nice le long de la rive droite du Var, sur 7 kms.

Cité moderne, Saint-Laurent-du-Var n'en oublie pas pour autant ses racines qui font la fierté de ses habitants. Le témoignage le plus probant de cette pérennité du passé reste sans aucun doute le « Vieux-Village », avec ses rues pittoresques et son église romane datant du XI e siècle.

Lieu de transit et de passage commandant la traversée du Var, fleuve alpin particulièrement capricieux, Saint-Laurent-du-Var a subi les aléas de cette situation géographique et stratégique singulière qui a profondément marqué son destin.

Les inondations, les invasions, les épidémies, les guerres ont rythmé au long des siècles les étapes successives de la formation de Saint-Laurent-du-Var.

Grâce à de nouveaux documents et à de nombreuses illustrations inédites, Edmond Rossi, auteur de « Saint Laurent, Porte de France » et de différents ouvrages sur le passé de la région, nous entraîne à la découverte de l’Histoire passionnante de Saint-Laurent-du-Var.

Livre de 120 pages, 17€ disponible sur demande à edmondrossi@wanadoo.fr

01/06/2013

L’ORIGINE DE LA MANON DES SOURCES

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Eau secrète, eau cachée, ici à La Gaude, comme partout ailleurs en Provence, elle est don mystérieux, une révélation. Cette eau douce, pure, ruisselant de vasque en vasque, nous interpelle depuis la mythologie.

Elle repose un instant, murmurante, dissimulée par une végétation abondante faite de lianes, de lierres, roseaux et feuillus. Surgie des roches couvertes de mousses, de sables ou de graviers, ses sanctuaires naturels sont ceux de la nymphe ou de la naïade.

Dans le passé, au village, les habitants ne disposaient que d'un puits commun ou d’une citerne privée approvisionnée en eau de pluie par les toits. Lorsqu'ils étaient à sec, on allait chercher l’eau à la Cagne pour la remonter dans des barriques à dos de mulet. Il en fut ainsi jusqu'à la fin du XIXe siècle pour la plupart des villages haut perchés du pays.

Posséder grâce à  une fontaine, une source, un puits, une citerne, un bassin, de l'eau potable et de l'eau d’arrosage était un grand privilège dans ce pays où cette eau est si difficilement accessible. En effet, celle-ci coulant au fond de gorges encaissées, ne pouvait alimenter les habitats et les cultures étagées en terrasses, dressés sur des éminences.

En 1781,La Gaude disposait d’un seul puits public, éloigné des maisons et exposé à toutes les suspicions des passants, ce fut seulement en 1851 qu'on munit ce puits d'une pompe. En 1888, une citerne publique de 140 mètres cubes fut établie, sous la mairie. L'achat de la source Meinier ne fut décidé qu’en 1892, il s’agissait « d’une très grosse source ».

Voici comment Sophie Euzière, de Saint Jeannet, relate dans une lettre à sa fille, les circonstances de cette transaction :

« Saint Jeannet, le 14 juillet 1896. - Tu dois peut-être te souvenir d'avoir entendu parler d'une très grosse source qui se trouve chez les Meinier touchant le Castellet sur le bord de la Cagne. Cette eau très considérable ( on parle de 20 à 30 litres à la seconde) se jette dans la rivière qu'elle alimentait en grande partie depuis l'enlèvement du Riou et des Sources.

Hé bien, la commune de La Gaude, qui n'a pas d'eau, vient d'acheter cette source aux Meinier et allait la conduire à La Gaude, des études faites, consternation dans tout Saint Jeannet, on disait que nos moulins ne pourraient plus tourner, pas plus ceux du maire et de Malamaire. Je me suis souvenu que ton père disait souvent qu'il serait très facile de couper cette eau de chez nous ; nous nous sommes entendus avec Trastour et Malamaire, nous avons envoyé des ouvriers, qui ont commencé hier matin et ce matin à 10 heures ils ont découvert cette superbe source dans notre propriété, grande joie, farandole et visite d'une partie de la population, drapeau et musique en tête, c'est le 14 juillet! Il a fallu recevoir tout ce monde et les faire boire à notre santé à tous. C'est certainement un événement heureux pour nous, on va demain continuer les travaux et faire couler l'eau de chez nous dans la Cagne, mais les pauvres Gaudois doivent avoir un pan de nez ! . .

Saint Jeannet, le 28 juillet 1896. - La fontaine est sèche depuis deux mois, il n'y a qu'un petit tuyau d'eau devant la porte d'Ursule; tous les ménages et tous les mulets du pays vont s'abreuver là-bas, ce qui fait un va-et-vient continuel dans notre rue, on n'avait jamais vu pareille pénurie; les moulins à farine ne peuvent presque plus marcher et cependant la source que l'on a trouvée chez nous est magnifique et va actuellement dans la Cagne. Mais il paraît qu'il s'en perd une bonne partie avant d'arriver aux Moulins.

Les Gaudois sont furieux et vont essayer de la ravoir en faisant des fouilles dans la propriété Meinier; mais nous reprendrons les travaux nous aussi.

On les a suspendus pour permettre aux gens de récolter le très mauvais blé de cette année. La moitié de la population de Saint Jeannet et de La Gaude sont allés voir les lieux... »

A la suite de cet achat, les Gaudois se promenaient le pantalon retroussé jusqu'aux genoux, en signe de dérision, manière de dire qu'ils en avaient jusque-là de l'eau de leurs voisins.

Pendant des années, chaque fois que l'un d'eux montait à Saint Jeannet, il retroussait son pantalon, à la fin on ne savait même plus pourquoi, c’était devenu un rite en soi.

Après avoir payé la source Meinier 3249 francs, les Gaudois avaient fini par la capter. Mais Saint Jeannet leur avait refusé le droit de passage d'une canalisation sur son territoire, de sorte qu'ils durent dépenser 45000 francs pour passer sur la rive vençoise. Après un tel détour, arrivée à La Gaude l’eau coulait au débit de 2 litres/seconde, ramenés à 1,54 litres en 1901.

Quant à la source Euzière, provenant de la même nappe au creux d'un pli, on l'oublia, elle devint la source Féraud, du nom du gendre de Frédéric Euzière, fils de Sophie

Dans les années trente il fut question d’offrir l’eau courante aux habitants du village. Allait-on, d'un tuyau, effacer le passé d'une eau coulant à ciel ouvert dans de vieux canaux, souvent obstrués par les herbes, les racines, les ronces ?

Que deviendrait l'homme qui se lève dans la nuit, pour, de sa bêche plantée, la détourner dans son champ, les pieds dans l'eau et sa terre qui boit, qui bouge, qui vit à ses pieds ? Finis les coups de pétoire, à l'aube, contre celui qui prend l'eau, plus haut, avant les autres...

L'eau sur l'évier? C'était pousser les femmes à la gâcher, cette eau, faudrait la payer et pourrir celle qui, par les toits, tombait du ciel dans les citernes, sous les maisons, de l'eau à soi, qui ne devrait rien à personne.

D’autre part, de l'eau qui aurait le goût d 'un tuyau serait imbuvable

Le secrétaire du Syndicat des eaux d'un petit village provençal pas loin de là, racontait que longtemps les femmes du lieu continuèrent à aller chercher l'eau aux fontaines.

Comme disait l'une d'elles :

« A l'évier, à qui je parle ? Au robinet ? »

On persistait à ménager l’eau dans les jardins et les campagnes, en puisant à la citerne ou au puits.

Et d’ajouter :

« Allez, c'est pas demain la veille, l'eau, elle va, elle vient, demain elle s'en va, c'est pas leurs tuyaux qui la feront revenir . . .  »

Puis, peu à peu, et encore trop vite, on voulut l'eau dans les lieux d’aisance, dans la chambre, on voulut l'eau dans les serres, à toute heure du jour et de la nuit, l'eau qui tourne en pluie, sur les fleurs et les arbres fruitiers, et même sur des pelouses, celle qui se perd ignorée dans les égouts, si bien que dans les années cinquante, l'eau commença de manquer. La solution fut trouvée grâce au canal de la Gravière.

Aujourd’hui, avec la Compagnie des eaux, les adductions se sont à ce point généralisées que ces évocations d’un passé pas si éloigné font figure d’images d’un autre temps.

La fontaine de pierre taillée et sculptée conserve l’expression monumentale du culte de l’eau, les villes et villages de Provence les ont multipliées.

Plus tardives en Pays Vençois, elles restituent des modèles antérieurs au XIXe siècle.

Ce retard s’explique par la technique difficile pour amener l'eau depuis les ravins, le coût élevé en matériaux et main-d' oeuvre ainsi que les droits à payer au seigneur de l’eau lorsque, chose fréquente, la commune n’en possédait pas la propriété.

Rappelons  qu’à La Gaude la grande fontaine ne fut inaugurée qu’avant la guerre.

Accueillante, avantageusement placée à l’entrée du village, elle trône là pour mieux exprimer le culte rendu à ce liquide primordial désiré des siècles durant.

Image vivante et familière, le chant de  l'eau qu’elle dispense raisonne comme une revanche contre les caprices d’une nature ingrate, imposant la pénurie des siècles durant..

Oublié l’unique puits du quartier des Prés, l'eau de pluie des citernes et l’eau inaccessible de la Cagne, qui pendant des siècles prévalurent à l’alimentation du village et de ses campagnes !

Rendons hommage à Honoré Dupuy, maire de La Gaude de 1892 à 1908, à l’origine de l’achat de la source Meynier qui permit l'arrivée de l'eau courante au  village.

Facteur de progrès pour la vie quotidienne des Gaudois l’arrivée bienfaisante de cette manne permit également, quelque 30 ans plus tard, l'irrigation agricole.

Le paysage et les types de cultures évoluèrent alors vers la production de fleurs coupées et de légumes favorisant une prospérité assurée.

Sous le soleil, avec les faveurs du confort et d’un environnement verdoyant,

La Gaude va multiplier ses pouvoirs de séduction.  Ses collines, dominant une côte limitée par le seul horizon de la mer, verront s’installer de nouveaux résidents.

Les premières villas du Pays Vençois ont sûrement été construites entre 1880 et 1900 pour la bourgeoisie niçoise comme le domaine de la Maure, (l’actuel domaine de l'Etoile) propriété d'un gros quincaillier niçois Philippe Roth, racheté par Marcel Pagnol en 1943.

Le célèbre auteur dramatique provençal passera chaque année plusieurs mois à La Gaude.

En gentleman-farmer, Pagnol cultivera la vigne, recherchera des sources avec des fortunes incertaines.

Inspiré par le terroir gaudois et sensible à ses rudes réalités, en écho à la longue saga d’une eau insaisissable, ce grand romancier écrira là « L'eau des collines » et « La Manon des sources ».

Il y rédigera également ses « Souvenirs d'enfance ».

Entouré d’amis aux noms prestigieux, il attirera là des hôtes illustres comme Orson Welles, Tino Rossi, Marcel Achard, le prince de Monaco, faisant ainsi rayonner dans le monde des arts et des lettres le renom de La Gaude.

Extrait des « Histoires et Légendes des Balcons d’Azur » Ouvrage illustré, de 160 pages, également disponible dans toutes les bonnes librairies au prix de 18 € et dédicacé par l'auteur, en contactant: edmondrossi@wanadoo.fr