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24/11/2012

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·    « Les Vallées du Soleil » - Editions Robert Laffont, Paris, 1982

·   « Entre Neige et Soleil, Contes et Légendes de Nice et sa région » Alp’Azur Editions, Antibes, 1985

·   « Histoires et Légendes du Pays d’Azur » - Editions du Cabri, Breil sur Roya, 1993

·    « Saint Laurent du Var à travers l’Histoire » Alandis Editions, Cannes, 2004

·   « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » Alandis Editions, Cannes, 2005

·   « « Histoires de Loups en Pays d’Azur » Alandis Editions, Cannes, 2007

·   « Un Peu d’Histoire de Saint Laurent du Var » Editions Alan Sutton, Saint Cyr sur Loire, 2009

·   « Contes et Légendes du Pays d’Azur » Editions Alan Sutton, Saint Cyr sur Loire, 2010

·   « Du Mistral sur le Mercantour » Editions Alan Sutton, Saint Cyr sur Loire, 2010

·   « Histoires et Légendes des Balcons d’Azur » Editions Campanile, Sophia Antipolis, 2012

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21/11/2012

SAINT LAURENT DU VAR DURANT LA GUERRE 1939-1945, LA RÉSISTANCE ARMÉEE

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La résistance armée, une réussite due à son organisation et un climat favorable.

Dans son discours fait pour le cinquantenaire de la libération de St Laurent du Var le 27 Août 1994, Me Pierre Pasquini insiste sur le choix au combien difficile qui se posait en 1940. Quel camp fallait-il choisir ?

« (...) La libération, c'est une fin. La libération, c'est un résultat. Mais auparavant, auparavant il fallait se battre. Et auparavant aussi, il fallait faire quelque chose de beaucoup plus difficile dans la France de 1940. Avant de se battre, il avait fallu choisir. Mon dieu, que ce choix était difficile !

Entre les appels à la résignation d'un Maréchal qui fut la gloire d'une guerre précédente et l'appel du 18 Juin d'un Général encore inconnu qui, seul, démuni de tout, et qui se représentait comme un homme au bord d'un océan qu'il lui aurait fallu franchir à la nage, et qui en fait, comme Churchill, ne pouvait promettre à ceux qui allaient le suivre que du sang, de la sueur et des larmes.

Oui, qu'il était facile à cette époque de dire « J'attends » et combien furent nombreux ceux qui le firent. Qu'il était hasardeux et merveilleux de dire « Je me bats ». Et oui, vous de l'intérieur, nous de l'extérieur, nous avons fait le même choix, le choix du combat, mais ce choix s'identifiait au choix de l'honneur. Est-ce que nous étions plus courageux que d'autres, est-ce que des gens qui se trouvent à cette tribune, et notamment notre ami Morgan, étaient des exaltés d'un type particulier ? Ce n'est pas vrai. Nous étions aussi des gens qui avions peur (..) »

La résistance laurentine a pris donc aussi la forme d'une opposition armée. Des jeunes formèrent un groupe qui portait le nom de leur chef, Morgan. Georges Foata « Morgan » n'avait pas choisi ce nom par hasard. Interrogé par un journaliste dans l'édition laurentine de « Nice-Matin » du 25 Août 1994, il s'explique :

« Flibustier de légende (..) (Morgan), en récompense de ses exploits, fut nommé gouverneur de la Jamaïque. C'était avant tout un marin qui savait aussi bien combattre à terre que sur mer ». Il est vrai que Morgan était une figure admirable pour Foata qui était en 1939 élève officier de marine.

La création du groupe était, à l'origine, une « réaction personnelle d'une bande de copains, tous à peu près du même âge, traumatisés par la défaite de 40 ». Pour Georges Foata, le nombre de membres du groupe était très faible au début. Il estime à une douzaine le nombre d'exécutants, c'est-à-dire les personnes mobilisables à tout moment. Le groupe comptait aussi des sympathisants qui pouvaient distribuer des tracts.

Il était composé principalement de jeunes. Leur chef avait seulement 18 ans lorsque la guerre fut déclarée. Certes, Morgan n'était pas le plus âgé mais il disposait d'une expérience peut-être supérieure, ayant été élève officier de marine en 39.

Le groupe s'est formé à partir du rejet de la défaite. Toutefois, d'autres événements amenèrent de nouveaux soutiens. La politique de collaboration de Vichy, l'arrivée des soldats allemands dans la zone sud et surtout le STO poussèrent de nombreux jeunes à s'engager dans la résistance.

Le groupe Morgan bénéficia du soutien du maire, Louis Ravet, que Morgan connaissait bien, avant la guerre. La mairie fournit donc volontairement et gratuitement des locaux aux « assemblées » du groupe, de Janvier 43 en Août 44. Le bureau du maire servait de lieu de réunions. Pour Georges Foata, cette aide fut inestimable. Dans son discours prononcé pour le cinquantenaire de la libération de St Laurent, Georges Foata rappelle que le groupe Morgan avait fait de St Laurent sa base logistique et qui avait grâce à Louis Ravet pris une ampleur qui lui permit de réussir les missions qui lui avaient été confiées.

Tout concourrait à faire de St Laurent « une plate-forme occulte » de la résistance. En effet, le curé Decaroli appartenait lui aussi à un réseau. C'était vraisemblablement un agent de liaison. Il fut lieutenant des services de Renseignements. Ses amis de la région frontière l'aidèrent grandement jusqu'à la fin de l'occupation nazie puisqu'il avait été chargé de la paroisse de Breil-sur-Roya en 1936.

Arrivé à St Laurent en 1941, l'abbé Decaroli fut aussi un « soldat de la Résistance », un sauveteur et compagnon de détresse des victimes des terribles bombardements de la ville. « Son inlassable énergie, dans ces épreuves, est restée légendaire dans la cité du bord du Var. La croix de guerre 1939-1945, la médaille de la Résistance vinrent honorer — fort justement —ce soldat modeste et fraternel»

Le groupe Morgan bénéficiait également de l'aide du chef de gendarmerie Maure, des six gendarmes, du garde champêtre et même du receveur des postes.

Ainsi, l'association du maire, des gendarmes, du curé dans le combat assurait un climat de sécurité favorable à la résistance. Pour Morgan, sans eux, St Laurent n'aurait pas tenu

Le cloisonnement du groupe Morgan explique, en partie, sa réussite. Seules quelques personnes connaissaient tous les membres. Par conséquent, certains ne savaient pas que d'autres aidaient effectivement la résistance. Je m'en suis aperçu lors des entretiens : seul Georges Foata savait que Monsieur et Madame Locchi avaient aidé le groupe. La structure mise en place par Morgan devait assurer l'efficacité. Il s'entoura donc de sous-officiers efficaces. L'entraînement aidait la motivation de ses troupes.

Les faits de résistance

St Laurent n'a pas connu de faits de résistance extraordinaires. Il y a eu des actions visant les esprits. Ce sont, par exemple, les graffitis ou les distributions de tracts qui viennent appuyer la propagande de bouche à oreille. On note les distributions de tracts à St Laurent le 8 Janvier et le 22 (ou 23) Mars 1943. Ce jour-là, furent diffusés les tracts « Maurice Thorez s'adresse au peuple de France ».

Les résistants faisaient surtout des actions de renseignements (transmission de plans de défense du littoral, par exemple). Ce n'étaient bien sûr pas la forme de résistance la plus spectaculaire mais son résultat permit d'aider de façon non négligeable les alliés. Les bébés et leurs landaus furent de nombreux prétextes pour le passage de tracts, de courriers voire d'armes de St Laurent à Nice. Les formes de ces moyens de transports permettaient de cacher des tracts dans la partie inférieure du landau.

Il y eut également des transports et caches d'armes auxquels le maire participa et la fabrication de faux papiers par la mairie comme cela a été indiqué précédemment.

Malgré le fait que le groupe Morgan ait eu des armes, il n'y a pas eu d'attentats contre des soldats d'occupation. Toutefois, Me Moschetti a évoqué un attentat contre le commandant italien. Cette tentative d'assassinat aurait échoué, seul un soldat italien aurait été légèrement blessé. MM. Brun et Hébert ont mentionné le décès d'un soldat italien. Ce qui est étonnant, outre le manque de preuves, c'est la position du capitaine Morgan. Il était opposé à toute action pouvant tuer un soldat d'occupation car cela aurait entraîné des représailles. Le risque de voir menacer les Laurentins aurait été trop grand en cas d'un attentat contre un soldat ou un officier étranger. Il semble peu probable que le groupe Morgan ait pu tenter une action de ce genre sans en avoir informé son chef. De plus, des punitions sévères auraient touché la population. Or, d'après le témoignage de Me Moschetti, l'Etat Major italien n'aurait pas réagi très vivement à cette affaire. Seuls quelques ressortissants italiens auraient été entendus puis le calme serait revenu.

Les actions de résistance à St Laurent se sont manifestées également sous la forme de sabotages. Ainsi la résistance tenter de gêner les agissements des occupants ou des représentants du gouvernement de Vichy. Le 27 Octobre 1943, une explosion endommageait la voie ferrée au PK 215 936. Le 1er Juillet 1944, c'était le tender d'une locomotive qui était saboté à St Laurent. Evidemment ce genre d'actions avait pour but de perturber l'ennemi, en troublant les transports. •

Les sabotages concernaient aussi les lignes téléphoniques. C'était sans doute le fait de résistance le plus tentant et le plus facile à commettre. Le 13 Janvier 1943, dans une lettre adressée au préfet, le maire de St Laurent s'inquiétait à ce sujet :

« L'Armée Italienne a installé des lignes téléphoniques sur plusieurs kilomètres de long. Ces fils sont à portée de la main, à un mètre cinquante du sol. Il suffit que quelqu'un, pu par malveillance, la nuit coupe un de ces fils pour que toute la Commune soit inquiétée. Toutes choses que je voudrais pouvoir discuter avec un représentant officiel de l'armée italienne. »

Louis Ravet avait conscience qu'il était très simple et très rapide de couper une ligne téléphonique. Avec une pince coupante, la ligne était sectionnée en deux points, puis il ne restait plus qu'à enlever le fil coupé. C'était d'autant plus pratique à effectuer que les fils étaient vraiment bien apparents et accessibles. Situés à un mètre cinquante du sol, n'importe qui pouvait les couper. Pour toutes ces raisons, il n'est pas étonnant que les lignes téléphoniques militaires aient été sabotées les 14 et 24 Septembre 1943.

On note que le 12 ou 13 Avril 1944, les pylônes n°5 et 6 de la ligne à haute tension furent détruits par explosion. On peut supposer que cet attentat avait été organisé par la résistance locale, qui devait posséder des explosifs.

Le nombre d'actions de la résistance à St Laurent est faible, ce qui est logique pour une ville de cinq mille habitants. De plus, le groupe Morgan s'étant basé dans l'arrière-pays, les actions armées à St Laurent même ne pouvaient être qu'épisodiques. On ne dénombre donc que cinq sabotages entre Juin 41 et Juin 44. Contrairement à Nice, les objets d'attentats étaient très peu nombreux. Le groupe Morgan s'occupa de transports d'armes et d'explosifs de Fayence à Carros et Gattières. C'est sur la route de cette ville qu'une embuscade visa Morgan et ses hommes, le 6 Juin 1944. Joseph Butelli, un chauffeur de taxi laurentin qui aidait le groupe, fut tué. Le capitaine Morgan fut blessé au bras.

Le rôle du groupe dans les combats de l'arrière-pays fut très important. Le MNRPGD maquis Morgan fut d'ailleurs reconnu « Unité combattante » par décision du ministre des Armées (bulletin officiel du ministère de la guerre) en 1963. En effet, il fut chargé, après la libération de St Laurent, d'aller au contact de l'ennemi au col de Turini. Un jeune membre du groupe, le laurentin Marius Pisano, fut tué au Pra d'Alart (la Bollène-Vésubie) le 31 Août 1944. Le groupe Morgan se cotisa pour payer une pension à sa mère jusqu'à la fin de ses jours. Celle-ci était en effet très pauvre et était aidée financièrement par son fils.

Pour ses nombreux faits de résistance, le groupe Morgan fut honoré très rapidement après la libération du littoral. Ainsi, le journal « Combat » du Samedi 16 Septembre 1944 indiqua que le Comité Départemental de Libération avait félicité le capitaine Morgan, « considéré à juste titre comme le roi du maquis des Alpes-Maritimes ». Dans la cassette « La résistance dans les Alpes-Maritimes », Morgan souligne que la résistance a peut-être été surestimée par les Allemands. Ce facteur psychologique a évidemment joué en faveur des résistants.

A St Laurent même, il n'y eut que deux laurentins tués par les soldats d'occupation. Gabriel Abonnel et Jean-Clément Ledieu appartenaient au groupe Ravet. Le 27 Août 1944, ils furent tués alors qu'ils guidaient deux engins blindés de la 1ère  Special Service Force Américano-canadienne. Ils se dirigeaient vers le square où se trouvait le monument aux morts. Malheureusement, l'imminence de la libération avait peut-être réduit leur vigilance et ils ne virent pas le nid de résistance allemand, caché à cet endroit. Les Allemands s'enfuirent ou se rendirent face à la riposte alliée. Dans son édition du 21 Octobre 1944, le journal « Combat » mentionna les obsèques de Jean-Clément Ledieu, « agent général de fabriques, bien connu dans les milieux sportifs, tombé le 27 Août sous les balles allemandes ».

Plusieurs résistants furent décorés de la Croix de Guerre le 12 Septembre 1948 par le Général De Gaulle en visite à St Laurent. Parmi ceux-ci, on note l'abbé Decaroli, Vando Degl'Innocenti, Robert Locchi, Joseph Capra, Dominique Pinotti et Ernest Frattini.

Extrait du Mémoire d'histoire de Jérémy Thomas

Le mémoire de Jérémy Thomas « Saint Laurent du Var Alpes Maritimes »(Réf : M.M.622.1.THO.1999) esr consultable au « Musée de la Résistance » à Nice La Plaine 1 Bât A2 Boulevard Maurice Slama 06200 Nice Tél : 04 93 81 15 96

14/11/2012

SAINT LAURENT DU VAR DURANT LA GUERRE 1939-1945, UNE VILLE FAVORABLE AU RÉGIME DE "VICHY" OU À LA RÉSISTANCE ?

SAINT LAURENT D'ANTAN (44).jpg

Il n'est pas aisé de répondre à cette question. La censure dans la presse et le manque de documents ne permettent pas d'éclairer nettement la situation. En effet, il est évident que la presse favorable à Vichy n'a pas forcément évoqué tous les faits de résistance. Elle les a minimisés ou elle a omis volontairement de les mentionner. Par contre, elle a peut-être exagéré les manifestations d'attachement au régime du maréchal Pétain. Les actions de résistance étant clandestines et illégales, les résistants n'ont pas laissé de preuves de leurs actes. C'est logique dans la mesure où cela pouvait leur causer de graves problèmes s'ils étaient démasqués. Il convient donc de nuancer et de rester réservé vis à vis des sources.

Dans sa lettre du 7 Octobre 1944, adressée à M. le Président du Comité d'Epuration à Nice, M FARAUT met en cause le maire élu en 1935, Louis Bènes :

« Courant 1934 du mois d'Août en Octobre, à la grande surprise de la population de St LAURENT et avec le soutien et autorisation visible du Maire de cette Commune (M.BENES) un centre de réunion "Dopo Lavoro" à tendance nettement anti-française fut créé.

Donc dès lors grâce à ce Maire, St LAURENT fut doté d'un groupement fasciste qui déploya toute son activité et travailla au vu et au su de tout le monde contre les Français, contre la France.

En 1940 après la venue de Pétain au pouvoir, il s'empressa de dénoncer de nombreux patriotes qui l'avaient combattu dans les manifestations nettement fascistes et chez lesquels la police mobile alla perquisitionner. Huit d'entre eux furent envoyés dans les camps de concentration.

Il ne peut nier en avoir été l'instigateur, la commune ne possédant pas de commissaire de police.

En tant qu'une de ces huit victimes et ayant une confiance absolue, Monsieur le Président, dans les décisions que vous aurez à cœur d'édicter comme dans tous les cas qui vous sont soumis, veuillez agréer, Monsieur, nies très respectueux sentiments. »

Ces accusations sont démenties par un courrier du commissaire principal, chef du service des RG adressé M. le directeur départemental de la Police à Nice, fait à Cannes le 16 Février 1945 :

« Tout d'abord lors de la création courant 1934, du "Dopo Lavoro" à St Laurent du Var, M BENES se rendit à la Préfecture pour s'y opposer. Là, on lui déclara qu'on ne pouvait l'empêcher. Dès lors, il lui fut impossible de lutter contre l'institution de cet organisme.

A notre connaissance, jamais il n'a fréquenté les éléments fascistes italiens. D'autre part courant 1939, en tant que Maire de St Laurent, il fut appelé à fournir la liste des communistes, réclamée par le Gouvernement de la République.

Il n'a pas été possible de déterminer le bien fondé des allégations de M. FARAUT Ce dernier d'ailleurs, Président du FN de St Laurent, est réellement communiste.

Malade physiquement, il est assez aigri. Lors de la Libération, il aurait convoité la place de Président du CDL local. Actuellement, il voudrait former à St Laurent une commission d'épuration.

M. BENES est assez bien considéré dans la localité. Au point de vue politique, il est de tendance modérée, sans appartenir à aucun parti politique défini.

Arrêté après la libération, il a été relâché par suite de l'intervention de son gendre, M GUERIN Marc, Instituteur à Vence, Chef de la Milice Patriotique locale.

A noter que les maisons que possédait M Bènes à St Laurent ont été détruites par les divers bombardements.

D'autre part, à Vence, où il réside depuis plusieurs mois, il n'a jamais attiré l'attention et ne manifeste aucune activité politique.

Sa conduite et sa moralité sont bonnes.

Signé : GERAUD

Vu et transmis.

Le Commissaire Principal, chef de service »

La position de Louis Bènes n'est donc pas vraiment favorable à Vichy. Il est vrai que le Dopo Lavoro a été créé par les fascistes italiens mais Louis Bènes n'a pas voulu l'installation de ce lieu de réunion. L'accusation de M. Faraut semble être due à la rancœur : il tient responsable M. Bènes de son arrestation. Il se peut que M. Faraut ait été arrêté après que M. Bènes ait fourni la liste des communistes de sa commune sur laquelle il figurait vraisemblablement. Toutefois, s'il a été arrêté, c'est sans doute plus en raison de son appartenance au parti communiste qu'à cause du maire.

On peut penser que le conseil municipal aurait pu collaborer à l’œuvre de reconstruction voulue par la Révolution Nationale. Mais il était composé de républicains de gauche avec certains membres du Front Populaire. A sa tête, Louis Bènes était considéré comme trop modéré. Par conséquent, ils furent remplacés par Vichy. Ce changement est bien la preuve que les agissements de la municipalité n'étaient pas forcément appréciés par l'État Français, et inversement.

La délégation mise en place par Vichy correspondait évidemment à sa volonté. Les conseillers étaient théoriquement en adéquation avec les idées du régime. Ainsi, Louis Ravet fut choisi pour la fonction de maire en raison de son passé militaire et de ses opinions politiques. Il aurait appartenu aux Croix de feu puis au Parti Social Français. Or, les concepts défendus par Vichy étaient très proches de celles énoncées par ces deux mouvements.

On peut donc s'interroger sur la position de cette délégation vis à vis de la politique de l'Etat Français, au début de son installation. Elle semble être fidèle à Pétain, sauveur de la France en 1940. Dans son discours d'investiture, Louis Ravet adhère aux bases de la Révolution Nationale. Il déclare :

« Messieurs les conseillers municipaux, votre rôle, pour être moins absorbant n'en est pas moins indispensable à notre collectivité; chacun sous sa sphère d'influence apportera les idées nouvelles que vous aurez à proposer, ces idées nouvelles sont celles de la Révolution Nationale sous l'égide du Maréchal Pétain. »

L'attachement à Vichy est confirmé lors de la séance du 27 Décembre 1941. Le conseil présente ses vœux au maréchal. Ce n'est peut-être qu'une forme de politesse mais il adhère certainement encore aux idées. Néanmoins, ayant été placé par Vichy à la tête de la municipalité, Louis Ravet aurait été mal vu s'il avait critiqué la politique de l'Etat Français. Puisque politiquement ses opinions sont proches de celles de Pétain, ses vœux peuvent être considérés comme sincères :

« Le conseil municipal de St Laurent du Var réuni en assemblée ordinaire le 27 Décembre 1941, se faisant l'interprète de toute la population, a l'honneur de prier Monsieur le Maréchal Pétain, chef de l’Etat Français, de vouloir bien agréer l'expression de ses hommages les plus respectueux.

Il se permet de lui adresser ses vœux les plus sincères à l'occasion de la nouvelle année. Il souhaite ardemment que sa santé reste toujours florissante pour lui permettre de continuer et d'achever l’œuvre de la Révolution nationale.

Il est persuadé que sous son auguste autorité luira bientôt l'aurore d'une France nouvelle, une et indivisible.

Il l'assure qu 'il trouvera auprès de tous les membres du Conseil et auprès des habitants, le dévouement le plus absolu à l’œuvre qu a entreprise. »

Les vœux sont également adressés au Préfet. Le conseil lui assure que St Laurent aidera la Révolution Nationale.

Toutefois, il est difficile de connaître la position de la population. Si, dans les souhaits, le conseil municipal se fait « l'interprète de toute la population », cela ne peut pas se vérifier. Mais il est vrai que Pétain bénéficiait d'une grande côte de popularité.

Dans sa lettre du 28 Novembre 1944, Eugène Provençal, alors maire de Saint-Laurent-du-Var, accuse Louis Ravet de ne pas avoir été résistant en 1941-1942 « Il est juste et prudent que les collaborateurs des Municipalités de VICHY disparaissent une fois pour toutes des organisations actuelles. Tel Maire, après 1 an ou 2 de collaboration avec VICHY est passé à la Résistance parce que la victoire de l'ALLEMAGNE lui paraissait très incertaine.

A ST LAURENT, en particulier, Monsieur RAVET a collaboré très nettement en 1941­1942. Il a reçu le sinistre DARNAND avec éclat (enfants des écoles etc...)»

M. Provençal n'était peut-être pas au courant de l'engagement dans la résistance de M. Ravet à partir de 1942. Sa lettre soulève pourtant de bonnes interrogations. Peut-on dire que la municipalité installée par Vichy a collaboré ? Elle a, sans nul doute, affirmé son attachement à la Révolution Nationale. La quasi absence des sources concernant la collaboration de ce conseil municipal ne permet pas d'éclaircir ce point. Eugène Provençal évoque aussi la venue de Darnand dans le cadre d'une cérémonie de la Légion. Le 10 Août 1941, celui-ci a remis à la section laurentine de la Légion un fanion.

L'adhésion de la population à cette manifestation est très important. D'après « L'Eclaireur de Nice », presque tous les habitants de St Laurent y assistent :

« La population de Saint-Laurent a manifesté une fois de plus à cette occasion, son attachement à la patrie, et sa résolution de suivre le maréchal Pétain dans son oeuvre de redressement. »

Evidemment on doit nuancer cette description, qui n'est pas nécessairement objective. Le journal rapporte aussi que les membres du conseil municipal sont tous des légionnaires. C'est indiqué à deux reprises dans l'article. On peut nuancer cette information en indiquant que Mme Dulla étant une femme, elle ne pouvait pas appartenir à la Légion, mais aux Amis de la Légion. Le capitaine Moreau en est le chef de la section locale. Ce n'est, en fait, pas surprenant de voir les conseillers municipaux choisis par Vichy lors de cette cérémonie. Tout d'abord, ils n'avaient sûrement pas le choix. La venue du chef départemental de la Légion était un événement auquel ils se devaient d'assister. Ayant été choisis en raison, notamment, de leur appartenance politique, cette manifestation ne devait pas les heurter.

Le problème est de savoir jusqu'à quel stade et jusqu'à quelle date ils ont « collaboré ». Le terme n'est peut-être pas le plus à propos. On devrait se poser la question : quand et pourquoi ces conseillers se sont-ils détachés de la tutelle de Vichy, si toutefois c'est le cas ? Force est de constater que les documents sont très peu nombreux à ce sujet. Seuls les témoignages apportent des informations, mais elles concernent principalement le maire, Louis Ravet. Celui-ci aurait monté courant 1942 un réseau de résistance dont le centre était la mairie.

La position des autres conseillers municipaux reste floue. Il n'a pas de traces de leur appartenance à la résistance.

« La mairie », pôle de résistance

On ne peut pas dire que tous les employés de la mairie ont participé ou aidé la résistance locale. Ce pôle se résume à un petit noyau composé du maire Ravet, de la secrétaire adjointe Mme Mathieu et de quelques personnes dont Marc Moschetti, engagé alors comme stagiaire. L'une des clefs du succès de ce groupe est la solidarité des employés de la mairie. Certes ils n'étaient pas tous au courant, mais ceux qui se doutaient de quelque chose ont gardé le secret, « ils n'ont jamais trahi » selon Mme Mathieu.

L'action de résistance de la mairie a été multiple. Des armes ont été cachées dans le coffre situé dans le bureau du maire, avant d'être envoyées au maquis. Des faux papiers ont été fabriqués pour éviter aux jeunes de partir au Service du Travail Obligatoire. C'est le cas pour M. Hébert, mobilisé au début de la guerre, qui bénéficia d'une carte le présentant comme agriculteur. Il put donc rester à St Laurent. Me Moschetti estime à plus de 250 le nombre de fausses cartes d'identité délivrées par la mairie. Il a même fabriqué la sienne ! Les nom et prénom portés sur ces fausses pièces d'identité devaient comporter les mêmes initiales que les vrais nom et prénom afin de faciliter l'apprentissage de la nouvelle identité.

L'action de la mairie a été importante dans la détention volontaire de matériel d'impression cachets, timbres et faux papiers, la fabrication habituelle et non rétribuée de pièces d'identité pour les membres de la résistance et le transport et la détention volontaire d'armes dans un mouvement de résistance.

Pour permettre aux réfractaires et aux maquisards de survivre, des tickets d'alimentation furent détournés. Cela ne priva pas la population puisque les tickets, soi-disant perdus dans de leur transport, étaient alors remplacés par l'administration.

Une autre facette de la résistance de Louis Ravet est l'aide qu'il a apporté à plusieurs familles juives. Evidemment, les documents relatant ces faits sont très peu nombreux. On ne peut qu'émettre des hypothèses. Ainsi Louis Ravet a accordé un sauf conduit à Mme Constante Meyer née Maron le 30 Juillet 1942. Elle voulait partir pour les Etats-Unis afin d'aller vivre avec ses enfants par suite du décès de son mari. Mme Meyer était née en 1875 en Allemagne et de nationalité allemande. La communauté évangélique réformée avait fait une attestation en 1938 certifiant qu'elle et son mari (décédé depuis) étaient protestants et non juifs. Le nom de famille peut supposer une appartenance à la communauté israélite, toutefois ce n'est pas une preuve suffisante. De même le certificat pouvait être un faux. Il est donc quasi impossible de trouver des documents d'époque démontrant l'aide de Louis Ravet aux familles juives. Néanmoins, son action ne peut être mise en doute. L'Etat d'Israël l'ayant reçu bien des années plus tard pour lui rendre un vibrant hommage

« Le Comité International de la Croix-Rouge nous a priés, à la requête de sa famille, de rechercher :

Nom et Prénom : Ernest Aghion

Adresse : St Laurent du Var (A. -M)

Nous vous serions obligés de nous faire connaître : son adresse actuelle, la date de son départ de la commune. »

Le Maire répond le 30 Mai 44 « l'intéressé et sa femme ont été arrêtés par la police allemande en tant qu'israélites. Il y a 5 mois environ. Nous n'avons pas d'autres nouvelles.»

 

Extrait du Mémoire d'histoire de Jérémy Thomas

 

Le mémoire de Jérémy Thomas « Saint Laurent du Var Alpes Maritimes »(Réf : M.M.622.1.THO.1999) esr consultable au « Musée de la Résistance » à Nice La Plaine 1 Bât A2 Boulevard Maurice Slama 06200 Nice Tél : 04 93 81 15 96